Le cCN se met à table... ronde

Table ronde sur le Catalogue collectif national des publications en série. Producteurs et utilisateurs font le point sur les modalités de création de la base et de son utilisation. Le CCN comporte actuellement plus de 350 000 notices de périodiques et regroupe plus de 2 400 établissements; 165 000 titres sont localisés. Le fonctionnement du CCN est basé sur la décentralisation, chacun des 34 centres régionaux étant responsable de la promotion du CCN et de l'entrée des localisations. Les difficultés évoquées tiennent aux coûts de l'entrée des données (il n'est pas possible de distinguer les connexions pour l'interrogation des connexions pour les mises à jour) et aux imperfections de la base (constituée à partir de trois fichiers et des localisations faites par les adhérents). Une édition sur microfiche est désormais disponible; l'édition de produits CCN se développera en fonction des besoins exprimés, locaux ou thématiques. Actuellement le CCN apparaît surtout utilisé dans le cadre du prêt interbibliothèques; ses usages devraient être diversifiés lorsque sera disponible la version vidéotex. La place du CCN dans le fonctionnement des bibliothèques et dans la formation professionnelle pose la question du statut des nouvelles technologies : service payant séparé des autres services courants des bibliothèques.

Round-table discussion about the Catalogue collectif national des publications en série (CCN). Producers and users sum up the situation about the creation and use of the base. The CCN includes today more than 350 000 serial entries and involves more than 2 400 institutions; 165 000 titles have already been localized. The CCN is operating in conformity with the decentralization and each of the 34 regional centers is responsible for the promotion of the base and the localizations input. The problems that are mentioned here are resulting first from the costs of data input (it is impossible to distinguish between query and updating connections), then from the defects of the base (built up from 3 catalogs and from the localizations made by the members). A microfiche edition is now available; the output of CCN products will go with the expressed needs, locally or by subjects. At the moment, the CCN seems to be used mostly within the context of the interlibrary loan; but the videotex version will widen its use. The position of the CCN in the development of the libraries and in the professional education brings up the problem of the new technologies.

Le Catalogue collectif national des publications en série est, en France, le premier catalogue en ligne opérationnel. Qui plus est, il intègre plusieurs centaines de milliers de notices et regroupe près de 2500 établissements. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ? Voire, car le CCN n'est pas tout à fait une base de données comme les autres: s'abonner ne veut pas dire consommer, mais participer à la mise en oeuvre d'un instrument collectif. Les difficultés du CCN sont donc celles de ses adhérents - les difficultés au niveau de l'adhésion et du fonctionnement se répercutent au niveau de l'utilisation. Plus généralement le CCN pose la question du service rendu à l'utilisateur et de sa facturation; la chose, certes, n'est pas nouvelle et les interrogations de banques de données sont facturées depuis belle lurette. Mais le CCN, en focalisant « en un seul lieu» tout le processus de fourniture du document, jette une lumière crue sur des zones d'ombre enfouies sous une longue tradition de silence...

BBF. Puisque nous parlons d'un catalogue, autant commencer par le cataloguer... Pour commencer, qui est responsable du CCN ?

Catherine Lupovici. Beaucoup de monde; le CCN est collectif dans tous les sens du terme. Il intéresse en premier lieu la DBMIST qui est le maître d'ouvrage et en assure le pilotage. Il concerne ensuite le SUNIST (serveur universitaire de l'information scientifique et technique) responsable de la fourniture du service en ligne. Intervient également le CIEPS (Centre international d'enregistrement des publications en série) qui alimente la base de données CCN. Enfin fonctionne tout le réseau des producteurs, organisé sur trois niveaux: le centre national qui est le responsable du projet dans ses aspects bibliothéconomiques (coordination des activités d'enregistrement et de vérification bibliographiques), techniques (mise à jour et maintenance de la base de données, maintenance des logiciels) et commerciaux (édition et diffusion des microfiches et des produits-papier du CCN). Le centre national travaille en liaison avec 34 centres régionaux qui effectuent la saisie des notices et supervisent la saisie des états de collections transmis par les « adhérents de base » du CCN. Ces derniers sont recrutés après signature d'une convention avec le centre régional dont ils dépendent - convention par laquelle ils s'engagent à assurer l'accessibilité (soit par consultation directe soit par fourniture de photocopies ou d'originaux par le circuit du prêt-inter) des documents signalés dans le CCN. Voilà, dans ses très grandes lignes, l'articulation des différents intervenants 1.

J'adhère, un peu, beaucoup

BBF. En définitive, le CCN intéresse combien d'établissements ? Et lesquels ?

Jacques Bourgain. On compte 2 451 établissements, de tailles extrêmement diverses puisqu'à côté de la Bibliothèque nationale ou du Centre de documentation scientifique et technique du CNRS, figurent une énorme masse de petits établissements comportant des collections de moins de 50 titres - ce sont souvent des collections fort intéressantes car elles correspondent à des secteurs de recherche très spécialisés. Si on regarde la typologie du RB-CCN (Répertoire des bibliothèques adhérentes) on constate une orientation très nette de ce réseau vers les activités de recherche et d'étude - secteur qui déborde très largement, il faut insister, le secteur de l'université et, a fortiori, celui des bibliothèques d'universités. Compte tenu de cette orientation la lecture publique apparaît très en retrait, essentiellement représentée par les bibliothèques municipales classées, 48 au total (cf. Tableau).

Si on considère les participants qui ont une entrée secondaire 2 - c'est-à-dire ceux qui ont la possibilité d'accéder à la base de données pour interroger et pour entrer leurs localisations - les bibliothèques universitaires reprennent de l'importance puisqu'elles représentent à elles seules presque la moitié des entrées secondaires. Du point de vue des utilisateurs - si on estime que l'ouverture d'une entrée secondaire implique a priori une utilisation et une participation minimale - le CCN prend une coloration nettement universitaire, avec 270 entrées secondaires (sur 386) dans le secteur des bibliothèques universitaires, des universités et de la recherche publique hors université (sans compter les entrées en lecture simple du projet de messagerie prêt interbibliothèques).

Pour compléter l'approche de la couverture actuelle du CCN à travers les établissements participants, il faut aussi analyser la participation des bibliothèques dont les localisations ont été « récupérées » lors de la constitution du CCN, par intégration de fichiers informatisés antérieurs 3: AGAPE, CPI et IPPEC. Ces trois catalogues regroupaient un certain nombre de bibliothèques qui ont adhéré au CCN du fait de leur participation à ces catalogues antérieurs. Cependant, avec le recul, on s'aperçoit que leur adhésion se situe à différents niveaux d'efficience. Cela va de l'adhésion active où l'intégration des notices et des états de collections d'origine s'accompagnent régulièrement de mises à jour sur les mouvements affectant les collections, à l'adhésion passive où la bibliothèque (désintérêt, méconnaissance du système en ligne ?) reste sur les états de collections intégrés au CCN au moment des fusions de fichiers.

Agit-prop pour un CCN

Huguette Chetcuti. Comme la plupart des centres régionaux, celui de Lille connaît ce problème de l'adhésion symbolique. Mais, en fait, notre préoccupation principale se situe en amont : récupérer pour le CCN les bibliothèques adhérentes à AGAPE et à l'IPPEC. Or, actuellement, 50 % de ces établissements restent encore en dehors du réseau, avec des motivations d'abstention fort diverses : certains, comme les bibliothèques des Facultés catholiques, ont été dépassés par l'afflux de demandes qui a suivi leur adhésion à AGAPE et ont hésité à entrer dans le même engrenage. D'autres mettent en avant le manque de temps car l'entrée des données représente une charge importante. Tous ces arguments sont généralement fondés. Cependant, dans certains cas, ils peuvent tout simplement masquer une absence de motivation...

Pour le moment, la promotion constitue l'axe majeur de nos activités : la participation à des journées ADBS ou à des stages URFIST, l'envoi de lettres circulaires suivies d'une prospection téléphonique sont nos principaux moyens d'action. Les microfiches, diffusées depuis le mois d'octobre, représentent un atout précieux pour convaincre les établissements de l'intérêt d'une adhésion.

Malgré tout, les établissements restent réservés d'abord au stade de l'adhésion, mais aussi quant à la participation 4. Dans le second cas j'ai souvent résolu le problème en participant au travail de pointage et en assurant moi-même la mise à jour des états de collections. L'opération est totalement justifiée quand il s'agit de petits établissements qui n'ont vraiment pas les moyens de faire eux-mêmes le travail, et j'y ai recouru lorsque cela apparaissait comme le seul moyen d'assurer une adhésion au réseau. Son opportunité est sans doute plus contestable lorsqu'il s'agit de sections de bibliothèques universitaires...

Les petits ruisseaux font les grandes rivières

BBF. Avant de discuter du fonctionnement et des différentes modalités d'adhésion, il faudrait parler du contenu du CCN.

Jacques Bourgain. Le CCN est à la fois une base de données bibliographiques et un catalogue. La base de données, on l'a dit, est issue des trois fichiers d'origine (AGAPE, CPI, IPPEC) qui ont été fusionnés avec la base de données internationale de l'ISDS (International Serial Data System) et continue à être alimentée par les notices de l'ISDS; nous en sommes actuellement à plus de 350 000 notices (dont 60 000 françaises).

Elle s'accroît actuellement au rythme de quelque 15 000 notices par trimestre, tant par le biais des mises à jour en provenance de l'ISDS que par le biais des créations en provenance du réseau des producteurs. Au demeurant, tout utilisateur le sait, le CCN comporte du fait des fusions de fichiers signalées précédemment un certain nombre de doublons, voire de « multiplons » qui coexistent tant qu'une notice de l'ISDS qui représente la notice d'autorité, n'a pas « écrasé » une notice préexistante.

Par ailleurs, le CCN est un catalogue collectif qui a pour vocation de donner des localisations : actuellement environ 165 000 titres font l'objet d'au moins une localisation mais nombre de centres importants n'ont pas encore entré tous leurs titres. On devrait arriver d'ici quelques mois à un chiffre de localisations bien plus élevé mais il va de soi que l'écart entre les titres localisés et les titres enregistrés est, et restera, important.

Lorsque le CCN sera en rythme de croisière et qu'on pourra mesurer l'ampleur véritable de ce décalage il sera temps d'aviser et, peut-être, de reconsidérer la politique initiale, politique qui consiste à intégrer a priori toutes les notices en provenance de l'ISDS, que les publications périodiques correspondantes soient reçues ou non en France.

BBF. Comment peut-on caractériser le contenu documentaire du CCN ?

Jacques Bourgain. J'insisterai sur un point essentiel : quelle que soit l'information recherchée - notices de périodiques, localisations ou répertoire des établissements adhérents - la fiabilité de l'ensemble de ces informations est directement fonction du sérieux avec lequel les établissements participent et mettent (ou font mettre) à jour les données qui les concernent.

Par ailleurs, il est intéressant de souligner deux points qui, à première vue, peuvent paraître un peu contradictoires. Compte tenu du caractère « recherche » des participants, les titres recensés sont plutôt du niveau recherche avec prépondérance des secteurs scientifiques et médicaux. Mais, en même temps un petit nombre de revues très localisées (trop ?) comme La Recherche ou Scientific american qui sont des revues de culture générale scientifique posent des problèmes techniques au CCN, leurs zones de localisation atteignant ou approchant la saturation compte tenu des contraintes du logiciel. Peut-être serons-nous amenés à « délocaliser » partiellement ces revues pour ne laisser que les localisations les plus « productives ».

Sabine Barral. Personnellement, je ne suis pas d'accord avec cette hypothèse - pas plus qu'avec celle qui consisterait à écarter de petits établissements. Car un des avantages majeurs du CCN est de réunir en un seul ensemble toutes les possibilités de coopération : au niveau local, au niveau régional, au niveau national. Il est donc important, si on souhaite coopérer efficacement à l'intérieur d'une université, de pouvoir retrouver tous les titres et toutes les localisations existant au niveau local de manière à réorienter de façon sûre les demandes. Certes La Recherche est une revue hyperlocalisée mais elle est aussi très mal conservée car elle est volée et découpée un peu partout... Il n'est pas question de nier l'incidence financière d'un CCN « exhaustif » - on ne peut pas tout faire - mais, si on veut obtenir une bonne participation, il est important de détailler l'ensemble du processus, de l'adhésion aux différents modes d'utilisation, en ayant présent à l'esprit la question des coûts - pour l'adhérent de base, pour le centre régional, pour le SUNIST.

Aide toi, le CCN t'aidera

BBF. Comment se pose l'adhésion en termes financiers ?

Jacques Bourgain. C'est un problème effectivement complexe mais qui doit être très clairement posé : si les différents participants au CCN esquivent, chacun à son niveau, leurs responsabilités financières, l'addition au bout du compte sera à la charge de l'utilisateur ce qui n'était pas l'objectif de départ...

Disons, pour clarifier la situation, qu'il existe deux cas de figure. Les bibliothèques ou centres documentaires qui ne disposent pas de terminal font saisir leurs états de collections par le centre régional. Dans ce cas, pour le moment en tout cas, elles ne supportent pas les coûts de saisie correspondants, les dépenses de serveur des centres étant indemnisées intégralement par la DBMIST. En revanche, les bibliothèques qui ont un terminal sont en général dotées d'une entrée secondaire. Elles sont alors en mesure d'entrer elles-mêmes leurs états de collections, et, de ce fait, sont facturés les coûts de saisie correspondants. Cependant, pour les indemniser de cette activité de « producteur », elles bénéficient d'une réduction de 40 % de leur facture SUNIST jusqu'à un plafond calculé en fonction du nombre d'états de collections qu'elles ont mis à jour pendant le trimestre précédant. Ce système de facturation comporte donc ce qu'on pourrait appeler une « prime à l'adhésion et à l'utilisation ». Reste cependant que pour un établissement doté pour la première fois d'une entrée secondaire, il est difficile de prévoir clairement les dépenses afférentes à son adhésion au CCN et de les « budgétiser ». Rappelons cependant que les bibliothèques participantes au CCN bénéficient d'un tarif privilégié pour l'accès en ligne (100 F de l'heure, contre 300 F pour les bibliothèques non participantes), d'un exemplaire gratuit de l'édition sur microfiches du CCN (vendu 3 500 F aux non participants) et peuvent obtenir gratuitement leur catalogue une fois par an.

Marie-France Rochard. Ce problème des coûts d'adhésion constitue une véritable pierre d'achoppement pour le système. Sur Lyon et la région Rhône-Alpes la plupart des établissements participaient au CPI et il régnait un état d'esprit très favorable à la coopération. Malgré cet avantage au départ nous avons eu et nous avons encore bon nombre de difficultés dues à la question financière qui se pose de différentes manières.

Il est au départ très difficile d'expliquer aux adhérents disposant d'une entrée secondaire qu'ils doivent payer pour entrer leurs données. C'est d'autant plus difficile à expliquer que les tarifs d'interrogation d'une part et les modalités de compensation d'autre part ont évolué d'une année à l'autre puisque le CCN était en période de lancement. Par voie de conséquence, il est impossible au jour d'aujourd'hui de faire un bilan précis du « coût d'adhésion » au CCN. On peut donner des explications, dresser des hypothèses mais nos adhérents n'aiment guère se lancer à l'aveuglette sur un coût inconnu.

Sabine Barral. Ils aiment d'autant moins cela que le coût est inconnu de plusieurs manières : il s'agit certes de dépenses supplémentaires très difficilement quantifiables à l'avance mais il s'agit aussi de coûts nouveaux qui n'existaient pas auparavant. Je devrais plutôt dire que ces coûts n'étaient pas pris en compte : les heures passées à faire une recherche bibliographique manuelle représentaient un investissement important mais complètement masqué. Maintenant le CCN dévoile ces coûts tout en accordant en contrepartie un gain de temps et de service appréciables - mais il est difficile d'intégrer ce type de raisonnement dans les mentalités, les nôtres, celles de notre public, et celles des adhérents au CCN.

Participation/coopération

Huguette Chetcuti. Le terme de difficile me paraît être un euphémisme si j'en crois mon expérience récente. A la suite d'une mauvaise interprétation quant au montant des subventions de la DBMIST nous avons pensé ne pas pouvoir assurer l'entrée et la mise à jour des données des bibliothèques n'ayant pas d'entrée propre, et nous avons informé nos adhérents que nous leur répercuterions le coût des prestations effectuées - créations de notices ou localisations. Cela a déclenché une véritable levée de boucliers, bibliothèques municipales et bibliothèques d'UER menant l'assaut, et nous nous interrogions sur l'avenir du centre régional... Après plus ample information sur notre budget nous avons pu rassurer les esprits et reprendre notre action mais, de toute évidence, les esprits ne sont pas mûrs pour envisager une adhésion payée au prix coûtant.

Catherine Lupovici. Une telle mesure a pourtant été envisagée par la Bibliothèque interuniversitaire de médecine mais celle-ci fonctionne dans un contexte très particulier. Il s'agit d'un CADIST qui possède des collections considérables qui lui donnent déjà une assiette nationale et dont l'entrée représente une très lourde charge de travail.

Par ailleurs, c'est dans le secteur de la médecine, le plus concerné par le prêt-inter, que les avantages immédiats d'une adhésion au CCN sont les plus évidents. (Au surplus, les bibliothèques de laboratoires sont financièrement les moins démunies). Pour le CDST (Centre de documentation scientifique et technique du CNRS) qui gère de très gros centres documentaires, les termes financiers de l'adhésion au CCN se présentent aussi de manière très spécifique. Il faudra tenir compte de la situation et de la logique propres aux différents centres régionaux avant d'arrêter une politique financière.

Sabine Barral. Il importe en tout cas de distinguer les centres parisiens qui ont une vocation thématique des centres provinciaux qui fonctionnent dans la logique de réseaux locaux, réseaux qui forment en partie les futurs services communs de la documentation (SCD). Dans cette optique, je plaide vigoureusement pour une non-pénalisation des petites bibliothèques (petits producteurs et faibles utilisateurs) du fait des modalités financières de l'adhésion, au moins pendant la phase de lancement et tant que l'organisation de la documentation au niveau local (SCD) n'a pas été réalisée.

Marie-France Rochard. Il faudrait aussi réfléchir au rôle joué par les centres régionaux car celui de Lyon, du fait de ses activités CCN, se trouve sollicité au-delà de ses compétences de départ et reçoit nombre de demandes d'établissements qui écrivent (ou téléphonent) pour savoir où se trouve tel périodique, où se le procurer, etc. Comme la section sciences de la bibliothèque a un service de renseignements par téléphone 5, le centre lui renvoie les demandes de localisation et a fortiori les demandes en vue de prêt-inter. Cependant, une fois fait le tri, il reste un certain nombre de demandes internes au réseau CCN qui ont une incidence financière sur le fonctionnement du centre régional. Jusqu'à présent celui-ci prend tous les frais d'interrogation à sa charge mais cela ne pourra pas toujours durer.

André Roussel. En tant que bibliothèque universitaire et en tant que fournisseur du prêt-inter, il me paraît important de délimiter les compétences et de sérier les rôles.

Il est effectivement préférable que le centre régional transmette les demandes de localisation aux sections de bibliothèque universitaire - elles ont une entrée secondaire (ou même une entrée PIB) et elles ont aussi la documentation nécessaire pour traiter les demandes. Ceci dit, dans le domaine de la médecine où la documentation est très éparpillée, je vois mal comment le centre régional pourrait systématiquement faire le tour des centres hospitaliers pour superviser leur adhésion au CCN. Il me semble que la section médecine de la bibliothèque universitaire qui entretient des contacts plus étroits et plus réguliers, est mieux armée pour le faire - ou du moins elle devrait l'être.

Sabine Barral. Il faut être vigilant sur ce point, le centre régional et son réseau ne doivent pas devenir des appendices extérieurs aux bibliothèques d'université. Lorsque le centre régional était le seul à avoir un accès en ligne, il était normal qu'il interroge pour le compte de ses adhérents mais aussi pour le public en général. Maintenant que presque toutes les sections de bibliothèque universitaire sont pourvues d'un terminal, c'est à elles de donner les renseignements - d'autant plus qu'elles peuvent souvent répondre sans avoir à recourir à l'interrogation en ligne. Le centre régional joue le rôle d'un service technique mais il n'a pas à se substituer aux sections de la bibliothèque pour tout ce qui est information bibliographique, orientation, prêt-inter. Le CCN n'est qu'un moyen d'améliorer ces services; il n'est pas une fin en soi...

Le CCN ne s'use pas si l'on s'en sert

BBF. Ceci nous amène à la question de l'utilisation qu'on peut aborder sous plusieurs angles : le service rendu et les usages d'une part, les coûts des différents produits d'autre part.

Jacques Bourgain. Jusqu'au mois de juillet dernier, le CCN n'était consultable qu'en ligne; nous disposons donc d'informations relativement fiables sur son utilisation : de juillet à septembre 1985 (période creuse) le SUNIST a enregistré 2719 heures de connexion

(englobant comme je l'ai dit l'interrogation et l'écriture de données), le centre national à lui seul représente la moitié de ces heures de connexion; s'y ajoutent les centres régionaux, les entrées secondaires et les utilisateurs privés qui interrogent, au tarif fort, sans participer au réseau. Par ailleurs le CCN est, de toute évidence, très interrogé dans le cadre du prêt-inter et il y a un trafic important via la messagerie électronique. Un trafic important mais malheureusement pas encore mesurable. En définitive nous manquons d'informations sur l'usage véritable du CCN : il faudra faire des développements dans le cadre du projet PIB pour obtenir des informations plus fines et mener des enquêtes ponctuelles auprès des utilisateurs puisque ceux-ci disposent maintenant de microfiches donnant l'état de la base au printemps 85.

Ces microfiches qui ont été diffusées depuis juillet dernier représentent elles aussi une prime à l'adhésion - directe puisque chaque participant a eu droit à un exemple gratuit, et indirecte car la consultation en ligne est allégée techniquement et financièrement : comme la grande majorité des titres peuvent être identifiés à partir de la seule microfiche, il est maintenant possible d'interroger en ligne à partir de l'ISSN ou du numéro d'enregistrement CCN en évitant de passer par les index. Sans doute y aura-t-il des rééditions tout comme il peut y avoir des produits papier.

Quoi qu'il en soit - version en ligne, sur microfiche ou sur papier - le CCN n'est jamais ce que ses participants y ont mis. Sans doute les centres régionaux et le centre national ont-ils un rôle de coordination et de vérification, mais il ne faut pas attendre d'eux qu'ils rectifient des états de collections dépassés... Par ailleurs, la collaboration avec l'ISDS impose quelques règles de conduite rigoureuses dont celle-ci : la notice ISDS représente dans tous les cas la notice d'autorité qui se substitue systématiquement aux notices provisoires tirées des fichiers d'origine ou créées par les centres régionaux. Comme tout principe, celui-ci crée des difficultés car il peut arriver que des notices ISDS soient moins bonnes que les notices provisoires; mais il est nécessaire de s'y tenir sous peine d'entrer dans un engrenage de corrections en cascade.

Sabine Barral. Jamais on n'aurait pu constituer un instrument de cette ampleur et en aussi peu de temps si on était parti de zéro; mais il n'est pas niable que le produit CCN reste encore entaché de doublons, de localisations erronées et de notices provisoires plus ou moins douteuses, tous défauts qui nuisent à son image de marque. Il est très regrettable qu'il n'y ait pas eu davantage d'effectifs pour faire ce travail d'épurement des fichiers d'origine. En tant qu'utilisateurs nous aurions quelques aménagements à proposer au produit diffusé. Tout d'abord la microfiche devrait comporter un index par collectivités éditrices car il s'agit là d'un mode de recherche très usuel. Ensuite et surtout, nous souhaiterions disposer d'index permutés à l'exemple des KWIC index du CDST qui sont le moyen le plus efficace pour retrouver le libellé des titres souvent rédigés de manière approximative, par les mots principaux.

Il est par ailleurs essentiel, et il le sera encore plus à l'avenir, de sensibiliser les adhérents à la nécessité de faire des mises à jour régulières, car, si le CCN est pour le moment un instrument à usage interne, servant surtout pour le prêt-inter, sa diffusion sur vidéotex permettra une consultation directe par le grand public : d'où la nécessité encore plus grande qu'il soit un instrument fiable. Si les étudiants ou enseignants qui l'utilisent sont obligés de nous soumettre les résultats de leurs recherches pour s'assurer de la validité des données recueillies, on aura dépensé beaucoup de temps et d'argent pour pas grand chose !

Microfiche en première ligne

André Roussel. Mon analyse est assez proche pour ce qui concerne les services secondaires de la microfiche : un index des abréviations normalisées des titres serait fort utile car les utilisateurs remplissent souvent leurs bulletins de demandes des titres en abrégé.

La microfiche elle-même a été bien acceptée - bien mieux qu'on aurait pu le penser au départ car ses utilisateurs redoutaient' la fatigue visuelle. A l'usage, elle s'avère lisible et très supportable mais nous souhaiterions néanmoins une sortie-papier du CCN médecine si la chose est possible.

Jacques Bourgain. Deux des demandes qui viennent d'être formulées seront exaucées: la prochaine édition sur microfiches comportera une table des collectivités éditrices et un catalogue collectif des périodiques médicaux et paramédicaux sera édité dans le courant de l'année 1986.

S'il est bon de pouvoir satisfaire aux demandes encore faut-il que celles-ci soient cohérentes: un listing papier « passe » plus facilement que la microfiche... à condition de ne pas avoir plusieurs mètres d'épaisseur. On pense rarement au départ à ce critère de maniabilité qui est pourtant fondamental et qui constitue un des atouts de la microfiche. Celle-ci, bien sûr, n'est acceptée et utilisée qu'une fois atteint un certain seuil d'accoutumance : l'équipe du Centre national, qui partage son temps entre la consultation en ligne et la consultation microfiche, plébiscite cette dernière pour sa facilité de consultation. Mais ce verdict n'intervient qu'après une bonne accoutumance ; en-deçà de ce seuil la microfiche peut susciter des réactions contradictoires de la part des utilisateurs.

Geneviève Lamoine. C'est le cas à la Bibliothèque interuniversitaire de Toulouse; personnellement, en tant qu'utilisateur de la microfiche CCN pour le prêt-inter, j'apprécie beaucoup ce support, facile d'utilisation et plus lisible que les microfiches de thèse, alors que mes collègues du centre régional la jugent incommode et peu lisible. Cependant, une fois exprimée cette réserve, tout le monde se retrouve d'accord pour réclamer plusieurs exemplaires de cette microfiche (au moins une par section) et pour demander une actualisation aussi fréquente que possible.

André Roussel. Si le CCN médical s'avère plus maniable sur microfiche que sur listing nous nous rallierons à la microfiche... Pour résumer la situation à Rennes, je dirais que la microfiche est acceptée mais pas encore intégrée - nous avons encore tendance à consulter en priorité le COLMED-papier avant le CCN (microfiche ou en ligne). Lorsque le CCN-microfiche s'avérera plus performant que le COLMED-papier celui-ci sera abandonné.

Jacques Bourgain. La première édition sur microfiche aura des prolongements mais les modalités n'en sont pas encore fixées. Personnellement il me semble qu'une réédition annuelle constituerait un rythme satisfaisant mais la politique d'édition des microfiches est en cours de définition : entrent en jeu les notions de contenu (faut-il entrer toutes les notices CIEPS comme on vient de le faire ou se limiter aux seules notices localisées), de tarification (pour les participants et les utilisateurs privés), et de prix - car il n'est pas possible de prolonger indéfiniment une diffusion gratuite aux participants alors que le prix de vente à « l'extérieur» » est de 3 500 F. Il faudra trouver un moyen terme entre ces deux tarifs. Il est très vraisemblable que la prochaine édition comportera des index et tables complémentaires (collectivités, numéro ISSN) mais, pour des raisons de coût, les accès par mots du titre n'y figureront pas; ils sont en revanche prévus sur la version vidéotex du CCN.

Sabine Barral. Cette solution ne me paraît pas complètement satisfaisante car elle implique la consultation en ligne chaque fois que le titre est mal libellé (donc très souvent), c'est-à-dire des coûts d'interrogation supplémentaires à la charge, soit de la bibliothèque, soit de l'utilisateur. La version vidéotex ne peut pas remplacer un KWIC index sur microfiche.

Pour .ce qui est de la microfiche elle-même, elle a été tout de suite adoptée et est le premier instrument auquel nous recourons chaque fois que nous avons une recherche, l'interrogation en ligne venant... en deuxième ligne. L'instrument papier n'est pas à regretter car les impératifs de maniabilité sont tout à fait fondamentaux et un instrument comme le CPI atteignait déjà ce seuil critique de maniabilité. Il est tout de même un outil-papier dont nous souhaiterions disposer c'est le RB-CCN qu'on aimerait avoir constamment sous la main de manière à éviter les va-et-vient d'une microfiche à l'autre 6.

Information nationale, diffusion locale

Marie-France Rochard. Sur Lyon aussi nous souhaitons une sortie-papier : il s'agirait de lister l'ensemble des périodiques disponibles sur Lyon. Ce type de document, diffusé à tous les universitaires, leur est fort utile et constitue aussi un excellent outil promotionnel... Comme le corpus de périodiques concernés reste relativement restreint, nous tirons nous-même pour l'instant cette liste dans le cadre de nos activités CADIST.

La dimension locale et régionale me paraît personnellement devoir être privilégiée lorsque sera mise en place la politique de commercialisation des produits CCN. D'ores et déjà, nous souhaiterions pouvoir transférer sur micro-ordinateur, consultable en local, les données CCN concernant la région. Ce micro-ordinateur serait à la libre disposition des chercheurs qui, d'évidence, sont très intéressés par un tel produit. Sa consultation devrait donc être très aisée - d'autant plus aisée que ce produit intéresserait aussi des bibliothèques publiques comme la Bibliothèque municipale de la Part-Dieu.

Sabine Barral. Cette analyse rejoint tout à fait les nôtres. Il est important dans l'immédiat de pouvoir proposer un produit-papier aux universitaires grenoblois. Il faut avoir présent à l'esprit que l'Université de Grenoble ne dispose actuellement que de 22 minitels pour plusieurs milliers de chercheurs : tant que le minitel ne sera pas généralisé le produit-papier restera indispensable.

Un CCN régional consultable sur micro-ordinateur me paraît aussi une perspective intéressante à condition - j'insiste là-dessus -que le logiciel de consultation soit identique à celui du CCN national. Tout le monde le sait, la difficulté de l'interrogation en ligne ne tient pas tant au maniement d'un logiciel qu'à la nécessité de sauter d'un logiciel à l'autre en quelques minutes; si on veut mener des recherches rapides et efficaces il faut pouvoir passer très facilement de la consultation sur microfiche à l'interrogation en local, puis sur le SUNIST. Sans préjuger des décisions qui pourront être prises, il me semble qu'une mise à jour annuelle de cette base locale représenterait, à l'exemple de la microfiche, un rythme de travail satisfaisant.

Il y a aussi un point sur lequel le CCN devrait comporter des améliorations que ce soit au niveau régional ou national. Comme nous l'utilisons pour notre politique d'abonnements (et, hélas ! de désabonnements), il serait intéressant d'avoir les affichages CADIST, de manière à être certain qu'un périodique donné est réellement disponible (obligation de conservation et de fourniture dans un délai minimum). La Bibliothèque interuniversitaire de Grenoble est elle-même CADIST de physique mais il est de nombreux titres, aux franges de la physique, pouvant intéresser davantage les CADIST de mathématiques ou de chimie; nous aimerions être certains, avant de prendre des décisions de désabonnements, que ces titres sont bien acquis au titre de CADIST par nos collègues.

Geneviève Lamoine. Il faudrait aussi pouvoir afficher les établissements qui se refusent au prêt-inter. Je pourrais citer plusieurs centres documentaires adhérents au CCN et emprunteurs du prêt-inter mais qui renvoient systématiquement toutes les demandes qui leur sont faites.

Impossible n'est pas français

André Roussel. Puisque nous évoquons le prêt-inter nous souhaiterions vivement, à Rennes, une connexion directe entre la consultation et la demande de prêt-inter par messagerie de manière à pouvoir coupler instantanément les deux opérations; actuellement il faut taper le numéro de code de la bibliothèque sollicitée, il s'agit en soi d'une opération simple mais qui scinde les deux processus et, de ce fait, freine l'intensité d'utilisation.

Catherine Lupovici. Toutes ces demandes posent des problèmes techniques mais surtout politiques. Tout est possible mais...

Disons tout d'abord qu'il est facile d'afficher les titres achetés au titre des CADIST mais il devient aussitôt nécessaire de distinguer car il y a des CADIST qui affirment leur vocation de fournisseurs de prêt-inter tandis que d'autres affichent leur vocation de recours (du premier au dernier...). Parallèlement des adhérents tels le CDST prétendent également au titre de fournisseur privilégié. Toutes ces données signifient la définition d'une politique très claire à tous les niveaux 7.

Pour ce qui est de la demande précise d'interface consultation-demande de prêt interbibliothèques, il est prévu d'y répondre dans le cadre de l'informatisation du prêt-inter; l'interface sera possible dans les deux sens : faire une interrogation dans le CCN et enchaîner directement sur une demande de prêt-inter à partir d'une demande déjà saisie et faire une vérification dans les catalogues collectifs avant de la valider. Cette application est prévue mais elle s'inscrit en aval du développement de la gestion du prêt-inter ; nous en sommes à la phase de consultation pour une réalisation qui doit démarrer en 1986. Il n'est pas possible à l'heure actuelle, de donner un échéancier plus précis.

La demande de gestion d'un sous-fichier CCN sur serveur local peut être exaucée beaucoup plus vite si on s'est bien entendu au départ : le CCN local ne pourrait être qu'un sous-produit du CCN national par lequel continueraient à transiter les mises à jour et son actualisation ne serait pas permanente comme celle du CCN national. On aboutirait ainsi à deux produits conçus et utilisables en termes de complémentarité et non de substitution. Enfin, avant de mettre en place une politique d'édition (microfiches ou papier) il me paraît nécessaire d'analyser les différents produits, et de définir des produits standard en fixant des priorités : catalogues particuliers, établissement par établissement, catalogues collectifs au niveau d'un campus, d'un département, d'une région, catalogues thématiques. Tout est possible mais... les coûts seront fonction du tirage.

Facturation au coup par coût ?

BBF. Puisque nous voilà revenus au problème des coûts, comment les lecteurs «vivent-ils » ce nouveau service, qui est un service payant ?

Geneviève Lamoine. Est-ce vraiment un nouveau service aux yeux des utilisateurs ? Nos lecteurs acceptent facilement de payer pour une recherche documentaire informatisée car l'affichage de références bibliographiques à l'écran garde encore un caractère magique; mais l'interrogation CCN est beaucoup plus prosaïque et est bien perçue comme un succédané de la consultation des catalogues manuels. Lorsqu'ils étaient initialement usagers de ces catalogues, les lecteurs renâclent et exigent des explications détaillées sur les factures d'interrogations qui devraient être plus explicites; la facturation du service prêt-inter constitue un autre problème bien distinct - il me paraît personnellement difficile de répercuter son coût sur le lecteur.

Jacques Bourgain. Il est évident que les nouvelles technologies obligent à reconsidérer la politique de gratuité mais les approches peuvent être très différenciées ; par exemple, la bibliothèque de l'Université de Laval au Québec prend à sa charge la majeure partie du coût des interrogations de banques de données mais facture au lecteur l'intégralité du coût de fourniture des documents. Je précise tout de suite que cette politique se définit à partir d'un volant de disponibilité en personnel - disponibilité due au développement des catalogues collectifs qui libère le personnel et lui permet de se spécialiser dans les tâches de renseignement et d'orientation bibliographiques.

Sabine Barral. À Grenoble nous ne partageons pas ce point de vue et nous facturons les interrogations de banques de données car il s'agit autant d'un service nouveau, au sens de supplémentaire, que d'une nouvelle technologie. La recherche bibliographique a toujours été le fait des chercheurs qui ne demandaient à la bibliothèque qu'un minimum d'initiation aux instruments de travail ; par contre la bibliothèque était sollicitée pour les services d'accès au document : localisation et fourniture. Les banques de données modifient ce schéma puisque l'interrogation décharge le chercheur de la recherche bibliographique. Lorsqu'il y a des récriminations sur le coût d'une interrogation je rappelle aux chercheurs que ce service leur évite des heures ou des journées de recherche...

Une fois affirmé ce principe nous nous posons cependant beaucoup de questions quant aux modalités de la facturation. Il est clair qu'une interrogation CCN permet souvent d'épargner des heures de recherche manuelle dans des catalogues ; mais la microfiche le permet aussi, sans parler du fait qu'il nous arrive de connaître par coeur la réponse à une question donnée ! Je crois qu'il est impossible de raisonner uniquement en termes de canaux et de facturer (ou de ne pas facturer) le renseignement en fonction du moyen utilisé pour le trouver.

Marie-France Rochard. Tant que le CCN n'est pas directement accessible en ligne au lecteur, son utilisation ne lui apparaît que comme un des moyens techniques utilisés par le personnel de la bibliothèque pour satisfaire sa demande. C'est pourquoi, à Lyon, nous préférons fixer un prix moyen pour tout document quelle que soit la méthode qui nous a permis de le localiser. Il ne faut pas que le budget de la bibliothèque soit pénalisé lourdement par ces nouvelles techniques; mais il ne faut pas non plus que le lecteur soit découragé par des coûts trop variables : le personnel choisit pour le satisfaire, les outils qui lui paraissent les plus efficaces tout en veillant à l'équilibre interne du budget.

Qui paye le plus peut le moins ?

Jacques Bourgain. Il est bien évident qu'une facturation au prix réel, en fonction des seuls canaux utilisés, peut conduire à des résultats aberrants; il a pu se produire que deux lecteurs, posant la même question à quelques jours d'intervalle dans un même établissement, aient eu droit à un traitement tout différent : le premier a payé pour l'interrogation en ligne tandis que le second a été renseigné gratuitement grâce à l'arrivée de l'édition sur microfiches. Mais il existe des cas de figure encore plus paradoxaux : si le lecteur demande une interrogation simple du CCN, celle-ci lui sera facturée au prix fort; mais si cette interrogation est faite à l'occasion d'une demande de prêt-inter, elle le sera à un tarif moindre. Autrement dit le lecteur paie le prix maximum pour le service minimum ! Il me semble qu'il faut poser le problème en termes de service rendu, calculer le coût global du circuit - de la localisation du document à l'établissement des photocopies remises au lecteur.

Geneviève Lamoine. Une telle analyse serait également nécessaire pour les monographies; le traitement des demandes de monographies signifie pour la bibliothèque emprunteuse l'établissement de plusieurs demandes de prêt - par poste ou par messagerie - qui, en définitive, lui reviennent beaucoup plus cher qu'un périodique pour lequel il aura fallu faire simplement deux interrogations en ligne -localisation et demande.

Catherine Lupovici. La politique de la DBMIST en matière de prêt-inter prévoit une tarification des reproductions. Les tarifs ont été établis sur la base du coût de fourniture pour la bibliothèque prêteuse (temps de recherche dans les catalogues et dans les magasins compris). En contrepartie la DBMIST attribue aux établissements qui dépendent d'elle une subvention calculée sur la base de leurs emprunts. Les établissements emprunteurs ont à déterminer par eux-mêmes quel service ils rendent à leurs clients et à quel coût. Comme la plupart des bibliothèques sont à la fois prêteuses et emprunteuses, il existe un certain flou sur cette question des tarifs. Par ailleurs le prêt d'originaux n'est actuellement pas facturé bien que les recherches pour les localiser représentent un coût masqué important. Il est cependant fort possible que ce service-là soit un jour tarifié : le Centre de prêt de la Bibliothèque nationale envisage cette mesure.

André Roussel. À partir du moment où l'on commence à facturer, il faut le faire sur la base du service rendu, sans s'égarer dans le détail des supports utilisés pour la demande (bulletins de prêt ou messagerie) ou pour la fourniture (originaux et photocopies). En revanche il faudrait mettre en place un système de subventions de compensation pour les établissements emprunteurs d'originaux tout comme il en existe pour les emprunteurs de photocopies.

Jacques Bourgain. Cette notion de service rendu devrait s'appliquer en tenant compte de la clientèle, plus que du moyen utilisé. Si des centres documentaires refusent de jouer la règle du jeu, il convient d'appliquer le prix fort, tout comme les tarifs d'interrogation en ligne et de vente des microfiches ont été modulés en fonction des critères de participation au CCN. Un tarif de connexion à 300 F de l'heure, une série de microfiches à 3 500 F sont des prix beaucoup moins prohibitifs qu'on pourrait le croire; l'acceptation de ces tarifs, moyennant une non-participation au CCN, peut correspondre à un raisonnement économique. Si un centre a réalisé des économies en temps de personnel et en temps de connexion sur l'entrée des données et sur la fourniture de documents dans le cadre du prêt-inter, il acceptera de payer le prix fort pour bénéficier des services du CCN car l'opération restera rentable.

Il importe d'intégrer totalement cette notion de service rendu dans toutes ses composantes si on veut mettre en place une politique de facturation rationnelle. On en arrive, en fin de compte, à une règle du jeu un peu complexe car il faut distinguer non seulement les non-participants des participants mais aussi, parmi ces derniers, leur degré d'adhésion (participation au prêt-inter). Il faut enfin différencier le réseau public du réseau privé au niveau du prêt-inter qui, pour le moment, représente le principal usage du CCN.

Approche SICOB...

Catherine Lupovici. À terme, j'imagine que les usages du CCN déborderont le cadre du prêt-inter et seront beaucoup plus diversifiés, surtout lorsque la version vidéotex, consultable sur minitel sera disponible. Une telle diversification devrait permettre d'élargir la clientèle et, aussi, de donner au CCN sa dimension d'instrument bibliographique, dimension que les vicissitudes du démarrage semblent avoir quelque peu gommée.

BBF. C'est un phénomène qu'il est possible d'observer au niveau de la formation initiale et du CAFB : les étudiants ont des réactions significatives lorsqu'on les interroge en bibliographie, ne citant le CCN qu'occasionnellement et insistant beaucoup plus sur les merveilles de l'outil informatique que sur ses services bibliographiques...

Jacques Bourgain. Former des élèves du CAFB au CCN est, disons le, un exercice des plus périlleux lorsqu'on dispose d'une seule journée de démonstration avec quatre terminaux pour 120 élèves. Est-il possible à ce stade de parler de « formation » ?

Geneviève Lamoine. Il serait bon de disposer de quelques heures d'interrogation gratuite pour pouvoir organiser de véritables séances. Personnellement, il m'est parfois arrivé de prendre quelques élèves avec moi pour les faire assister à une recherche mais ce bricolage ne représente pas une véritable initiation. Une entrée gratuite « enseignement » permettrait de résoudre le problème en donnant aux élèves la possibilité de manier le CCN tout comme ils manipulent catalogues et bibliographies imprimés.

Huguette Chetcuti. À Lille 8, nous travaillons en liaison étroite avec le Centre régional de formation professionnelle, l'URFIST et l'Université de Lille III. Il a été aussi possible d'organiser des sessions de formation pour les étudiants du DESS Informatique et documentation et du CAFB, chaque étudiant passant de vingt minutes à une demi-heure devant le terminal. Cette solution est loin de résoudre tous les problèmes, d'autant plus que l'initiation au CCN s'inscrit dans le cadre du programme « accès au document » et n'est pas forcément reliée aux enseignements de bibliographie.

Catherine Lupovici. La formation au CCN souffre de ce que j'appellerais pompeusement un « hiatus technologique et conceptuel ». Toute demande d'heures d'interrogation gratuite faite au titre de la formation devrait, du moins je le pense, être étudiée dans un sens favorable. Encore faudrait-il que de telles demandes soient formulées...

Le décalage conceptuel est à mes yeux beaucoup plus préjudiciable : l'enfermement du CCN dans des sessions plus proches du SICOB que de la pédagogie risque de déboucher sur une dissociation sclérosante avec un enseignement bibliographique traditionnel figé sur les catalogues-papier tandis que se développerait en parallèle un enseignement « technologique » comportant la formation au CCN et aux banques de données. Il est fondamental d'insister sur l'unité du produit, de montrer que le CCN est à la fois un outil d'identification et de localisation. Un des avantages de l'édition sur microfiches est que cette dernière permettra - du moins je l'espère ! - de réintégrer le CCN dans l'enseignement de bibliographie.

...ou approche usagers ?

BBF. D'un point de vue « utilisateurs », la formation au CCN pose-t-elle des difficultés ?

Huguette Chetcuti. On n'insistera jamais assez sur son importance. Personnellement j'ai organisé de nombreuses séances d'initiation, je présente régulièrement une cassette de démonstration mais je m'aperçois que, même formés, la plupart de mes correspondants ne maîtrisent bien qu'une partie du processus et que les recherches à fin d'identification ne sont que rarement faites à partir du CCN; le recyclage est vraiment une nécessité permanente.

Sabine Barral. À Grenoble, nous avons été surpris de l'intensité des besoins en formation. Alors que nos correspondants travaillaient pour la plupart dans des bibliothèques scientifiques et étaient familiarisés avec les terminaux, ils étaient « traumatisés », craignant de faire des erreurs de manipulation et de dépenser de l'argent. On a donc très vite dû répéter les séances de formation pour les aider à surmonter cette appréhension. Par ailleurs, la formation au CCN (et à la messagerie) doit s'inscrire dans un recyclage plus général sur la bibliographie et sur le catalogage car il y a toujours des détails qu'on oublie et il faut sans cesse se remettre à jour.

Jacques Bourgain. Le recyclage semble effectivement être appelé à devenir un axe majeur des activités du Centre national. Plutôt que d'organiser des sessions de masse sur Paris, nous comptons nous déplacer fréquemment en province et toucher nos interlocuteurs (centres régionaux ou utilisateurs) sur place de manière à voir avec eux les différents problèmes qui peuvent se poser au jour le jour.

Du point de vue du Centre national je vois un avantage supplémentaire à cette procédure; elle nous permettra de mieux cerner l'utilisation véritable du CCN, car nous nous retrouvons à la tête d'un très bel outil mais qui ne semble pas encore totalement intégré dans les pratiques quotidiennes. Jusqu'à présent le phénomène n'a rien que de très normal puisqu'on en est encore à la phase de démarrage. Mais il va être bientôt temps passer à la phase de pénétration, de mesurer l'adéquation du produit aux besoins et de raisonner en termes d'usage. Le bilan d'aujourd'hui a pu donner une première information ; il devrait être suivi de beaucoup d'autres auxquels les utilisateurs du CCN, heureux ou malheureux, sont conviés à s'associer.

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Who's who in CCN

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Les services

  1. (retour)↑  Table ronde organisée au mois d'octobre 1985. Y participaient : Sabine Barral (Bibliothèque mteruniversitaire de Grenoble, centre régional du CCN), Jacques Bourgain (Centre national du CCN), Huguette Chetcuti (Bibliothèque interuniversitaire de Lille, centre régional), Geneviève Lamoine (Bibliothèque interuniversitaire de Toulouse-Lettres, service du prêt-inter), Catherine Lupovici (DBMIST, Bureau de la politique documentaire), André Roussel (Bibliothèque interuniversitaire de Rennes-Médecine), Marie-France Rochard (Bibliothèque interuniversitaire de Lyon-Sciences).
  2. (retour)↑  Table ronde organisée au mois d'octobre 1985. Y participaient : Sabine Barral (Bibliothèque mteruniversitaire de Grenoble, centre régional du CCN), Jacques Bourgain (Centre national du CCN), Huguette Chetcuti (Bibliothèque interuniversitaire de Lille, centre régional), Geneviève Lamoine (Bibliothèque interuniversitaire de Toulouse-Lettres, service du prêt-inter), Catherine Lupovici (DBMIST, Bureau de la politique documentaire), André Roussel (Bibliothèque interuniversitaire de Rennes-Médecine), Marie-France Rochard (Bibliothèque interuniversitaire de Lyon-Sciences).
  3. (retour)↑  Pour la description détaillée du système, cf. Bull. Bibl. France, t. 29, 1984, n° 5 sur les périodiques.
  4. (retour)↑  Entrée secondaire : accès en ligne permettant à une bibliothèque d'interroger le CCN et d'y écrire ses états de collections.
  5. (retour)↑  AGAPE : application de la gestion automatisée aux périodiques; CPI : Catalogue des périodiques informatisé: IPPEC : Inventaire permanent des périodiques étrangers en cours.
  6. (retour)↑  Ces bibliothèques ont par la suite signé la convention d'adhésion à la fin de l'année 85; ce qui les a déterminées, c'est la possibilité de figurer dans le RB-CCN sous la rubrique « bibliothèque de dernier recours ». HC
  7. (retour)↑  Cf. Marie-France Rochard, « SVP Documentation scientifique à Lyon », Bull. Bibl. France, t. 28, 1983, no 2, p. 193.
  8. (retour)↑  [NDLR] : cette édition du RB-CCN sur papier est en voie de diffusion.
  9. (retour)↑  [NDLR] : il est prévu d'ici la fin de l'année 1986 de différencier à l'affichage par des signes diacritiques les différents types de services offerts, par exemple fourniture intensive ou dernier recours.
  10. (retour)↑  Par convention avec la DBMIST, le DEUG Lettres, art, expression et communication de Lille III bénéficie de 20 heures d'interrogation gratuite du CCN qui serviront à la formation de ses étudiants.