The Client centered academic library

an organizational model

par Alban Daumas

Charles R. Jr. Martell

Westport; London : Greenwood Press, 1983. - XII - 136 p., 22 cm. - (Contributions in librarianship and information science, ISSN 0084-9243; 42).
Bibliogr. p. 119-126. Index p. 127-136. - ISBN 0-313-23213-X.

La société post-industrielle, qui apparaît aujourd'hui et se développe avec tant de vigueur, a, entre autres, des caractéristiques particulières : la prépondérance des services du secteur tertiaire, la prééminence des spécialistes et des professionnels, l'émergence d'une nouvelle technologie que l'on pourrait dire intellectuelle. En effet, la connaissance devient le premier facteur de la production et l'information prend la place qu'avaient précédemment les matières premières et l'énergie. Les centres de recherche, les universités et diverses autres institutions ayant les mêmes buts seront désormais les fondements de la puissance et des progrès d'un pays. C'est une véritable industrie du savoir qui se met en place.

Aussi les bibliothèques d'étude et de recherche devront-elles faire face dans les prochaines années à des demandes multipliées, à des changements rapides, à un environnement incertain et d'une complexité croissante. D'autant plus que le chercheur souhaitera une organisation réellement structurée pour faciliter à la fois sa productivité et son développement personnel et qu'un haut degré d'autonomie sera revendiqué par les universitaires.

Les changements dans les systèmes organisationnels

Depuis quelques années les spécialistes en organisation et méthode dans les établissements qu'ils contrôlent ou conseillent, s'intéressent de plus en plus aussi bien aux structures en général qu'aux tâches individuelles elles-mêmes.

Là où la recherche de l'efficacité avait conduit à la dissémination sinon à la parcellisation des postes de travail on demande maintenant une amélioration de la qualité de la vie et un partage plus harmonieux des contraintes et du temps. Un emploi est considéré désormais dans ses limites tant horizontales (degré de variété, élargissement des responsabilités, rotation sur différents postes), que verticales (enrichissement des tâches à accomplir, responsabilités dans les décisions). Si bien que de nos jours un travail. pour être considéré comme pleinement satisfaisant, doit avoir un certain nombre d'aspects attractifs : un degré élevé d'autonomie, des possibilités de contacts humains et d'interactions avec les autres sont jugés indispensables. Pour obtenir ces résultats, des systèmes sociotechnologiques nouveaux sont mis en place, où, au lieu des anciens emplois plus ou moins hiérarchisés, on trouve des groupes dans lesquels chacun joue un rôle en coopération et en coordination avec les autres. L'application de ces nouveaux concepts dans les bibliothèques d'étude et de recherche va modifier d'une façon radicale la suite des fonctions, opérations et travaux qui s'y font et va permettre une meilleure adaptation de tout le système documentaire à son environnement. Il faut remarquer que les points sensibles où ce renouveau aura le plus d'effet sont les activités des bibliothèques qui se situent à la limite du service interne et du service public, dans une sorte de zone frontière trop souvent négligée dans nos préoccupations actuelles et donc dans notre littérature professionnelle.

L'adaptation des bibliothèques d'étude et de recherche à leur nouvel environnement

Les théories classiques du management n'ignoraient certes pas l'environnement externe aux organisations. On pensait que la planification, la hiérarchisation et quelques opérations de contrôle étaient bien adaptées et suffisantes pour faire face aux modifications intervenant tant à l'intérieur qu'à l'extérieur d'un système. Mais en vérité des détériorations et des faiblesses croissantes apparaissaient, dues à la complexité et à la variété des problèmes posés par l'environnement. Soit pour les bibliothèques d'étude et de recherche et leurs usagers : les sources où elles puisent l'information scientifique et technique, les supports du savoir, et aussi bien sûr les crédits disponibles: dans un sens plus large : les organismes concurrents ou complémentaires, la technologie et ses progrès, le système éducatif de diffusion des connaissances, l'Etat et la législation qu'il édicte. En ce qui concerne les bibliothèques universitaires, certaines de ces données peuvent être approfondies :

Les usagers. En effet, on dit couramment que les bibliothèques universitaires doivent répondre d'une manière responsable aux besoins de leurs usagers mais dans la pratique les domaines scientifiques concernés sont si vastes (ou plus probablement mal vus dans leurs limites) que la couverture documentaire souhaitée n'est pas obtenue, surtout depuis la spécialisation des études et des recherches et l'accroissement de l'interdisciplinarité. Désormais. les chercheurs dans l'université doivent bénéficier d'une politique documentaire de la bibliothèque qui. d'une façon active, fasse des efforts organisationnels pour réellement appréhender leurs besoins et les changements de cette demande. Des mécanismes doivent exister qui produisent des effets décisionnels et des réponses appropriées.

Les supports du savoir Une des principales missions, sinon la plus importante, des bibliothèques universitaires consiste dans la recherche, la sélection et l'acquisition de documents écrits ou autres. Or, à ce propos, on peut dire que l'environnement est large, puisqu'il est pratiquement international. L'information scientifique et technique est désormais un univers multidimensionnel, hautement complexe et s'accroissant très vite. D'où, pour les bibliothèques universitaires, la disparition de la notion même partielle d'autosuffisance et la nécessité de s'insérer dans un réseau de coopération.

L'Université et l'Etat. On a souvent proclamé que la bibliothèque a été conçue (ou aurait dû l'être) comme le cœur de l'université. Mais au vrai celle-ci institue des enseignements, édicte des règlements, proclame des ambitions et arrête, sans en voir toujours les conséquences, différents paramètres qui influent sur la demande documentaire. D'où l'on peut dire que la bibliothèque universitaire est un service captif, d'autant plus que par ailleurs l'Etat tout-puissant promulgue des décrets, des règles, des normes, crée des obligations, habilite ou non tel diplôme ou préparation à la vie professionnelle, et ainsi de suite. D'autres influences extérieures agissent encore aussi sur nos établissements : associations professionnelles, institutions internationales, laboratoires industriels, services gouvernementaux : la liste pourrait être longue.

Les réseaux et les autres formes de coopération. Les contraintes financières, le coût élevé des innovations technologiques sont quelques uns des facteurs qui ont conduit à l'accroissement de la coopération entre les bibliothèques et à la constitution de réseaux. Les nouveaux progrès des télécommunications et des ordinateurs ne peuvent que développer cette activité : en effet, les notions de temps et d'espace sont bouleversées et le débat centralisation/décentralisation en est complètement modifié. Mais la coopération crée aussi des besoins et des obligations. d'où un accroissement de dépendances qui restreint les choix et alternatives.

les moyens du changement

Ainsi, les conséquences progressives induites par la société post-industrielle et les perspectives ouvertes actuellement par le management sur l'environnement organisationnel nous conduisent quasi obligatoirement vers de nouvelles règles de fonctionnement pour nos institutions (ou au moins à des modifications importantes de celles existantes). Mais dans beaucoup de cas on se heurtera à d'anciennes habitudes qui ignoraient les hommes, leurs attitudes et leurs sentiments. Aussi, pour arriver au changement faudra-t-il utiliser un certain nombre de moyens : le premier est une sélection rigoureuse du personnel : il est indispensable désormais de recruter l'homme qu'il faut pour l'emploi nécessaire, dans l'équipe existante ou à créer; toutefois, une formation continue est désormais à organiser pour chacun car personne ne saura tout de son travail à son arrivée sur un poste et pour toute sa carrière. C'est là un état de fait enfin reconnu et qui sera de plus en plus contraignant; la sélection des hommes et leur formation sont deux choses importantes qui vont faciliter l'insertion de chacun dans un rôle bien défini au sein d'un groupe. Encore faut-il que le développement organisationnel de l'entreprise ou de l'institution soit suffisant pour que les communications passent bien et que le réseau relationnel fonctionne. C'est loin d'être le cas général, et un examen un tant soit peu attentif des méthodes ou structures existantes révélera pas mal de désordres dus à des relations confuses et à l'absence de mécanismes pour la résolution des conflits. C'est le développement organisationnel qui va essayer de remédier à cela, en cherchant à résoudre les problèmes d'intégration, de collaboration. d'identité, de pouvoir et d'autorité. Commence alors un processus de remise en ordre de toute la structure administrative et fonctionnelle de l'établissement concerné, qui met l'accent sur les groupes de travail, les relations internes à ceux-ci et l'attitude d'ouverture de chacun dans les groupes; le schéma organisationnel doit, lui, prendre en compte à la fois la création d'une structure organisationnelle systématique telle que nous venons de la voir et la qualité du travail. Ce qui n'est pas facile et pourrait être parfois contradictoire. Fort heureusement il existe depuis quelques années à ce propos des normes. Grâce à cela, une charpente solide peut relier différentes données : l'établissement est constamment engagé dans des échanges avec son environnement ; c'est un ensemble complexe (des hommes, une structure, une technologie, des objectifs) qui possède aussi une culture sociale qui doit être considérée à l'égal des composants techniques. Apparaît alors avec force le rôle des usagers qui aident à la mise en place d'une structure capable de s'autocorriger. C'est un impératif absolu : pour les bibliothèques d'étude et de recherche, les lecteurs ne doivent plus être considérés comme des sources de désordre mais au contraire comme les principaux acteurs du choix d'une politique documentaire: le travail lui-même - depuis quelques années des modifications et des adaptations sont apparues dans ce domaine. Celui qui veut améliorer l'efficacité et les performances d'une organisation doit désormais penser postes de travail, rotation des emplois, horaire libre, flexibilité, enrichissement des tâches. On peut obtenir de cette façon des gains de productivité significatifs, mais il n'y a pas ici de règles générales prédéterminées car les qualités ou les défauts psychologiques des personnes employées à telle ou telle fonction doivent dans chaque cas être prises en compte.

Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne les bibliothèques universitaires, c'est bien dans l'étude et la remise en cause de leurs fonctions, puis des emplois et des postes de travail qui y existent, que l'on obtiendra les meilleurs résultats.

La restructuration des bibliothèques d'étude et de recherche

Les bibliothèques d'étude et de recherche ont été longtemps et sont encore bien souvent organisées par services : acquisitions, catalogage, prêt, références. On y trouve aussi des subdivisions basées sur d'autres principes comme par exemple la forme du document (les périodiques, les thèses).

Devant cette situation, on peut proposer une alternative : l'organisation de petits groupes de travail basés sur des catégories d'usagers bien différenciés et agissant là où la bibliothèque interfère avec ses lecteurs. Etant entendu que chaque membre de ce groupe est capable de remplir correctement de multiples tâches : référence de haut niveau, développement des collections, formation des usagers, catalogage et bien d'autres formes de l'information.

Mais pourquoi rechercher cette nouvelle structure organisationnelle ? Plusieurs raisons souvent expliquées y poussent : l'informatisation, la société post-industrielle, la demande croissante de services plus personnalisés qu'autrefois, le disfonctionnement des modèles bureaucratiques anciens, l'inadéquation des emplois professionnels actuels. On vivait et on vit encore sur une organisation ainsi faite qu'elle rendait indirectement des services aux usagers de la bibliothèque. Pourquoi ? En premier lieu parce qu'une forte partie du potentiel humain des bibliothèques d'étude et de recherche était investi dans des tâches bibliographiques et que tout en découlait. y compris un système de décisions favorisant le processus technique plutôt que le service public. En second lieu il y a persistance de cette situation parce que les performances des bibliothèques sont évaluées en vérité par un système fermé sur lui-même, la tendance dans les bibliothèques étant plutôt de tenir compte des « entrées » dans leur système que des bénéfices retirés de son usage par les lecteurs, bénéfices qui sont d'ailleurs difficilement mesurables et parfois éloignés dans le temps. C'est pourquoi la base d'appréciation actuelle des performances d'une bibliothèque. c'est-à-dire le livre et la fiche bibliographique, doit être écartée au profit de celle-ci : les besoins en information et en communication de l'individu « lecteur ».

Un nouveau schéma de structure organisationnelle pour les bibliothèques d'étude et de recherche

Il s'agit donc pour s'adapter aux changements et circonstances nouvelles de proposer une structure organisationnelle nouvelle pour les bibliothèques universitaires. Avec trois points forts essentiels : l'organisation de la bibliothèque est basée sur des unités centrées sur les usagers, ces unités sont de petite taille et chacune d'elle se consacre à un groupe d'usagers et à un seul, les bibliothécaires dans ces unités sont capables de remplir de multiples tâches. Ces unités de base étant cependant soutenues et complétées par des services généraux s'occupant des prêts, du catalogage des périodiques et autres activités communes.

Ces conditions étant remplies le schéma le meilleur pourrait être celui-ci : le plus possible de conservateurs faisant partie de ces groupes centrés sur les usagers (sauf quelques-uns pour des tâches administratives et bibliothéconomiques de coordination et de développement des collections); tous les conservateurs de ces groupes impliqués dans de multiples tâches variables chaque jour selon les besoins; des relations telles avec les usagers que l'on sache constamment ce qu'ils pensent des résultats et de la marche de la bibliothèque ; un haut niveau d'interaction avec les lecteurs; un service individualisé et presque personnalisé; une bonne capacité de compréhension de l'information contenue dans les livres et périodiques; une bonne aptitude pour diffuser les informations; une structure légère qui privilégie les activités relationnelles ; une semi-autonomie par rapport à la bibliothèque dans son ensemble; des moyens matériels et autres organisés pour soutenir l'activité du groupe.

Il faut bien entendu reconnaître que des opérations de type classique demeurent nécessaires et qu'elles ne sont pas écartées dans le nouveau schéma au centre même de la bibliothèque. Toutefois la hiérarchie traditionnelle d'autorité et de responsabilité pesant sur le simple individu disparaît. Des conseils de coordination et de direction la remplacent.

Bien entendu nous nous trouvons dans cette hypothèse devant un système idéal sinon idéalisé qui ne manquera pas d'être critiqué : on dira que la bibliothèque universitaire éclate et se disperse, que les intérêts particuliers prédomineront et écarteront l'intérêt général, que la continuité et la pluridisciplinarité des collections est mise en cause. Il n'importe : il faut penser à renouveler la vie des bibliothèques universitaires et pour ce faire ne pas hésiter à bouleverser les habitudes et les mentalités.

Le livre ci-dessus analysé a au moins l'avantage de ne pas être orthodoxe. L'auteur semble bien croire tout ce qu'il dit mais emporté par ses convictions il écarte d'autres hypothèses. Il faut remarquer par exemple que lorsque la Columbia University a demandé à une firme de consultants de repenser l'organisation de sa bibliothèque, la recommandation finale de ces spécialistes proposait une nouvelle structure avec une distinction de trois groupes d'activités, à savoir :

1) le groupe des services qui est constitué de centres opérationnels agencés de telle sorte qu'ils desservent sans intermédiaire les usagers, en organisant un libre-accès aux collections et en fournissant un accueil et une assistance rapide pour les lecteurs;

2) le groupe des ressources qui prévoit et organise le développement des collections, leur conservation, et leur catalogage, qui apporte une aide poussée à fond pour les références et la recherche et qui met en place et fait fonctionner des cours d'initiation et de formation pour les usagers;

3) le groupe de soutien qui gère les services qui soutiennent les deux précédents par l'acquisition et la mise en place des fournitures et matériels nécessaires, par l'entretien des machines et ordinateurs, par la comptabilité, par les services de sécurité.

On le voit une recommandation qui proposait aussi une structure telle que la bibliothèque et ses services publics soient très proches de l'usager. Il faut convaincre tous les bibliothécaires de cette absolue nécessité et absolument les persuader des évolutions nécessaires. Une bibliographie sélectionnée abondante à la fin de chaque chapitre devrait permettre de trouver des arguments pour ce faire. Une bibliographie générale en fin de volume aussi.