La formation professionnelle des bibliothécaires dans les pays nordiques

Le texte qui suit est une synthèse rédigée par Jean-Emile Tosello-Bancal (DBMIST, bureau de la Formation) de la contribution de M. Tor Henriksen à la journée d'études de l'ENSB sur la formation professionnelle (27 avril 1983) *.

Les pays nordiques, Finlande, Islande, Danemark, Suède et Norvège, forment un ensemble d'une vingtaine de millions d'habitants. L'enseignement supérieur pour le personnel de bibliothèques diffère sensiblement d'un pays à l'autre. En Finlande et en Islande, la formation bibliothéconomique est totalement intégrée au système universitaire. Au Danemark, par contre, les bibliothécaires sont formés par une école nationale placée sous la tutelle du ministère de la Culture. Enfin, la Suède et la Norvège possèdent deux filières de formation, par les universités ou par les grandes écoles.

Organisation générale des études

Les études bibliothéconomiques en Finlande font partie du domaine des sciences sociales. Elles débouchent sur l'obtention d'une maîtrise au terme de quatre ans et demi d'études (dont 3 en bibliothéconomie et 6 semaines de stage obligatoires). L'enseignement est dispensé en finnois à l'université de Tampere et, pour la première fois en 1983, en suédois à l'université d'Abo. Les étudiants en bibliothéconomie dont le nombre avoisine les 600, ont la possibilité de poursuivre leurs études jusqu'au doctorat.

Le système pédagogique en vigueur dans ces universités s'avère satisfaisant, les seules difficultés constatées étant dues au taux d'encadrement trop faible pour un nombre d'étudiants croissant (4 à 6 professeurs à temps plein assistés de nombreux vacataires).

En Islande, l'université de Reykjavik organise les études bibliothéconomiques dans le cadre d'une licence en sciences sociales d'une durée de 3 ans, dont 2 en bibliothéconomie, auxquels s'ajoutent 150 heures de stage non rémunérées pendant les vacances d'été. 80 étudiants environ suivent actuellement ce cursus.

Au Danemark, l'école nationale des bibliothécaires est physiquement implantée en 2 lieux distincts : à Copenhague pour le centre principal (800 étudiants) et dans une annexe à Aalborg (360 étudiants). La scolarité s'étale sur 4 années, des stages de longue durée devant être de surcroît effectués par les étudiants selon la spécialité choisie (9 mois pour l'option bibliothèques publiques, 2 ans pour les bibliothèques de recherche). Actuellement, un fort taux de chômage sévit parmi les diplômés en bibliothéconomie. Une réorganisation du système d'enseignement en vigueur devrait intervenir très prochainement.

En Suède, le diplôme de bibliothécaire s'obtient après 4 années d'études en université ou dans une grande école (école de Boras près de Göteborg). Le cursus comporte 2 années d'études en bibliothéconomie, bientôt portées à 3 années et 2 années d'études dans un autre domaine. 10 semaines de stage sont en outre exigées des quelque 500 étudiants actuellement inscrits dans les différentes filières de formation.

En Norvège, les études sont organisées sur 3 années auxquelles s'ajoutent 10 semaines de stage. A la sortie de l'école d'Oslo (Stateus Bibliotekhogskole) les étudiants peuvent obtenir le grade candidatus magistrii (maîtrise) s'ils ont déjà effectué au moins une année d'études dans une université ou dans une grande école avant leur entrée à l'école supérieure des bibliothèques. Aujourd'hui, l'école compte 360 étudiants. Dès 1984 un certain nombre d'entre eux pourront poursuivre leurs études au niveau supérieur, en informatique documentaire. A l'exception des pays de l'Est, la durée des études à l'école d'Oslo est parmi les plus longues proposées aux étudiants en bibliothéconomie dans le monde entier.

Programmes

Les programmes proposés par l'ensemble de ces écoles se ressemblent sans toutefois être totalement identiques. Partout, on retrouve un tronc commun comprenant les matières traditionnelles (ex : Copenhague, subdivision en 20 matières) combinées avec un certain nombre d'options.

On observe une tendance générale à l'élargissement du tronc commun. Seule l'école d'Aalborg offre une idée pédagogique radicalement différente fondée sur une approche thématique des principales disciplines bibliothéconomiques.

A titre d'exemple, en Norvège, une nouvelle articulation des études en quatre parties principales est aujourd'hui proposée aux étudiants :
- disciplines méthodologiques (pédagogie, informatique, analyse littéraire, statistiques, algèbre)
- documents et lecture (sociologie et typologie documentaire) - sciences de l'information (analyse et représentation des documents, système de recherche documentaire)
- administration et organisation des bibliothèques.

Les deux premières années s'organisent autour d'un tronc commun. La troisième année étant consacrée au choix d'une spécialisation soit en sociologie de la littérature, soit en sciences de l'information. Pour le module administration et organisation des bibliothèques, l'étudiant devra opter au début de cette même année entre les bibliothèques publiques et les bibliothèques de recherche (archivistique incluse). Il devra également préparer une thèse pour la fin de la 3e année.

Formation continue

Les écoles des pays nordiques consacrent une part importante de leur budget à la formation continue, plus particulièrement au Danemark, en Suède et en Norvège où des cours sont proposés presque chaque semaine aux bibliothécaires et autres professionnels de la documentation.

En Norvège, 40 étudiants sont accueillis chaque année à l'école d'Oslo en formation continue (soit environ 11 % des activités de l'école). Leur formation est structurée en fonction de deux types d'objectifs: mise à jour des connaissances (apprentissage des nouvelles règles de catalogage, nouvelle édition Dewey, information documentaire) et augmentation des compétences professionnelles (cours d'administration).

Etudes supérieures en bibliothéconomie

La plupart des pays nordiques ont également mis en place des formations de niveau supérieur.

En Finlande, après leur maîtrise, les étudiants peuvent obtenir un diplôme de 3e cycle (licenciat) auquel fait suite le doctorat. Un système semblable est à l'étude au Danemark.

En Suède, les étudiants peuvent prolonger d'un trimestre leurs quatre années de scolarité pour se spécialiser en « documentation informatisée ». A partir de 1984 enfin, les étudiants norvégiens auront la possibilité de faire deux années d'études supérieures en informatique documentaire, après leurs trois premières années de scolarité. L'accès à ce cycle supérieur sera limité à 10 ou 15 étudiants par an. Parallèlement une Unité de recherche et documentation a été mise en place à Oslo. Les étudiants de niveau supérieur peuvent y suivre des stages d'application dans le domaine informatique. Le centre fonctionnant comme une société de service, les projets élaborés sont vendus. Actuellement trois chercheurs sont rémunérés sur les revenus tirés des produits de cette Unité de recherche.

Possibilités d'emploi pour les diplômés en bibliothéconomie

Le marché de l'emploi pour les diplômés en bibliothéconomie se présente très différemment selon les pays considérés. Les possibilités d'emploi sont données en Finlande et en Islande, par contre, au Danemark, un fort taux de chômage sévit parmi les diplômés en bibliothéconomie.

En Suède, la situation est à peu près équilibrée; un assez grand nombre de postes est offert dans les bibliothèques scolaires, surtout dans le nord du pays.

En Norvège, enfin, 90 % des étudiants en moyenne obtiennent un emploi dans les 3 mois suivant leur examen de fins d'études. Un nombre croissant de candidats obtiennent des postes dans l'industrie (archives, documentation, bibliothèques d'entreprise).

Les enseignants de ces écoles sont en majorité des universitaires. Leur nombre, en postes à plein temps, varie de 2 en Islande à 70 au Danemark. La plupart des pays nordiques éprouvent des difficultés à trouver des enseignants-chercheurs qualifiés, tout particulièrement dans le domaine informatique.

Coopération nordique et internationale

La coopération professionnelle est très développée dans les pays nordiques. Au plan national tout d'abord : tous les deux ans les enseignants et les bibliothécaires des écoles de bibliothéconomie se réunissent pour discuter de leurs problèmes et mettre au point des projets communs. Une base de données et un thésaurus en sciences de l'information sont en cours d'élaboration. De même, plusieurs projets bibliographiques devraient prochainement voir le jour (un Guide to Scandinavian bibliography et un Répertoire des écoles dans les pays nordiques).

Au niveau international, ces écoles participent activement aux travaux de l'IFLA, de l'ISO et de la FID. De surcroît, de nombreux échanges d'enseignants sont pratiqués entre les pays nordiques et les écoles britanniques et américaines (entre Oslo et Liverpool, notamment, ces échanges durent déjà depuis 11 ans).

L'avenir des écoles de bibliothéconomie est largement ouvert, à condition qu'elles sachent élargir leur enseignement vers la documentation, l'archivistique et l'informatique. A cette condition, les futurs bibliothécaires, au terme de leurs études, pourront pleinement jouer le rôle de médiateurs entre les documents et les lecteurs, ce, dans tous les domaines et dans tous les contextes.