Expo mode d'emploi

expositions et mise en valeur du fonds historique de la section Santé de la bibliothèque interuniversitaire de Toulouse

Annie Gachon

La politique d'expositions menée depuis 1978 par la section Santé de la bibliothèque interuniversitaire de Toulouse est décrite sous tous ses aspects. Organisées en liaison avec des congrès médicaux, elles sont alimentées par les seules collections de la bibliothèque et l'accent est mis sur les aspects médicaux de préférence aux aspects bibliophiliques. Cette activité a porté ses fruits : les fonds historiques ont été mis en valeur et la compétence de la bibliothèque en matière d'histoire de la médecine est reconnue.

We find here the full description of the policy of the health branch of the academic library in Toulouse towards exhibitions. Supplied by the collection of the library, they take place in conjunction with medical congresses, with a special emphasis on medicin rather than books. The outcome of this action appears in the fact that the historical collection has been enhanced, and then the efficiency of the library itself regarding history of medicin can be acknowledged.

A la section Santé de la bibliothèque interuniversitaire de Toulouse, la politique d'expositions revêt un caractère original : plutôt que de diffuser le patrimoine auprès d'un large public, il s'agit de réintroduire le patrimoine - ici l'histoire des disciplines de santé - dans l'éventail des compétences de la bibliothèque. Ainsi, le renforcement de l'image de marque de la bibliothèque et de son audience passe donc par la réhabilitation du conservateur dans un de ses rôles les plus traditionnels.

Qu'est-ce qu'un bibliothécaire en 1984 ? A Toulouse, c'est d'abord un gestionnaire et un diffuseur, ensuite un « homme de science ». Trajectoire classique dans une section Santé ou particularité locale ? En tout cas, la reconquête du patrimoine ne semble avoir d'efficacité que si elle s'inscrit dans le prolongement des autres activités de la bibliothèque.

On peut dire que la politique d'expositions qui s'est instaurée à partir de 1978 a débuté par hasard, alors qu'existait une nécessité impérieuse, celle de réinsérer la section dans la réalité hospitalo-universitaire.

En effet, cette section qui dessert près de 12 000 étudiants a deux bâtiments : celui des Allées au centre de la ville où se trouvent les collections de troisième cycle et de recherche et celui du campus de Rangueil où se trouvent les collections des premier et deuxième cycles. Une situation aussi peu favorable était encore compliquée par le fait que les services hospitaliers sont éclatés en plusieurs pôles éloignés de trois à quatre kilomètres les uns des autres et de la bibliothèque des Allées. Donc, pour cette section qui ne comptait plus que 10 % d'inscrits parmi les enseignants-chercheurs, la présentation d'une exposition à l'occasion d'un congrès médical, qui utilisait le grand hall pour les déjeuners de travail, a été immédiatement pensée comme un moyen supplémentaire de se faire connaître : la réorganisation du service, l'utilisation des bases de données automatisées et la fourniture de photocopies à la demande avaient déjà permis de retrouver un public certain et la composante culturelle sembla alors nécessaire pour affirmer notre compétence.

La première exposition fut donc réalisée de façon très ambitieuse (recherche bibliographique importante, relations avec plus de trente organismes étrangers pour obtenir des reproductions, prêts consentis par huit organismes français, budget de 5 000 F alloué par l'universitaire-organisateur du congrès). Présentée à l'université, aux facultés de santé, aux organismes culturels, elle bénéficia d'une excellente publicité dans le milieu universitaire et les médias. Le pli était alors pris tant du côté de la bibliothèque que de l'université : à la suite de cela dix-sept autres expositions (cf. encadré) ont été organisées, dont deux ont d'ailleurs été présentées deux fois.

De l'idée de départ au catalogue

Les expositions, réalisées à partir des collections de la bibliothèque, et se déroulant la plupart du temps dans les locaux de la bibliothèque ou de l'université, sont marquées par leur orientation et leur origine. Destinées à un public de congressistes, elles s'inscrivent dans un projet documentaire précis: il s'agit d'exposer des documents concernant l'histoire de la médecine et d'en faire une présentation fouillée et référencée à l'intention de spécialistes.

La matière exposée joue également un rôle : sauf exception, il s'agit de livres, c'est-à-dire d'objets totalement... lisibles et dont le contenu ne prête pas à équivoque. A la différence d'objets d'art, ils ne peuvent guère donner lieu à des commentaires interprétatifs ou subjectifs et appellent un agencement rigoureux. Certaines des expositions que nous avons organisées peuvent être qualifiées d'« importantes », dans la mesure où elles cernent l'ensemble du sujet. Ces critères de « complétude » et de scientificité sont plus importants que le nombre de documents exposés. Si certaines expositions ont été ce qu'il est convenu d'appeler de « grandes expositions », il nous est arrivé de réaliser des expositions achevées avec une vingtaine de documents.

Dernier facteur de spécificité, le fonds historique de la bibliothèque n'est pas aussi important que peut le laisser supposer l'ancienneté de l'université. En outre, il n'est pas totalement identifié; l'incendie qui a ravagé une partie des collections en 1910 est également responsable de cela: les références des ouvrages épargnés ont été regroupées pêle-mêle sur les registres d'inventaire avec celles d'ouvrages plus récents.

Le choix qui a été fait, se limiter aux collections de la bibliothèque pour monter les expositions, répond donc à un double objectif : gagner du temps, mais surtout explorer systématiquement le fonds historique.

Définition des rôles

Dans les bibliothèques de « Santé », la multiplicité des congrès fait que les occasions d'organiser une exposition sont très fréquentes pour peu qu'on sache les saisir : la bibliothèque peut en effet être sollicitée par l'universitaire qui organise le congrès, mais elle peut aussi en prendre l'initiative et, dans ce dernier cas, l'accueil est toujours favorable (sur dix-huit expositions toulousaines, onze ont été organisées à l'instigation de la bibliothèque).

Cependant, si la décision est facile à prendre, le choix du sujet de l'exposition appelle deux remarques qui sont à faire dès les premiers contacts avec l'universitaire. La première est que la physionomie de l'exposition n'est complètement fixée qu'à la veille de l'impression du catalogue. Selon le cas, le thème choisi peut être celui du congrès (la douleur, la médecine d'urgence), mais aussi être élargi à la discipline (pneumologie, chirurgie) ou en différer radicalement (publicité pharmaceutique, scènes et portraits). Ce point ne soulève d'ailleurs aucune objection de la part de l'universitaire qui comprend facilement que le sujet précis de son congrès peut ne pas se prêter à un rappel historique.

Ce qui appelle la seconde remarque, à savoir la nécessité de ne présenter que des documents intéressants sur le plan visuel : les indications que peut fournir notre interlocuteur se retrouvent plus souvent intégrées dans les commentaires du catalogue que dans le choix des documents exposés. L'expérience nous a enseigné qu'il était préférable, afin d'éviter tout conflit entre notre souci de préserver la qualité visuelle de l'exposition et la volonté de l'organisateur du congrès de « faire scientifique » (un tel cas nous a contraints une fois à réaliser deux expositions parallèles !) de faire admettre d'entrée de jeu la seule responsabilité de la bibliothèque dans la préparation de l'exposition et la rédaction de son catalogue.

Enfin, dernière condition, l'aspect financier : frais d'assurance (toujours prise par le congrès chez un assureur choisi par la bibliothèque), frais photographiques (assez élevés et toujours à la charge du congrès), frais d'achat de papier pour le catalogue imprimé à la bibliothèque (partagés entre la bibliothèque et le congrès). Cet aspect financier doit lui aussi être fixé d'entrée car il est possible d'obtenir du congrès, sans grandes difficultés, une somme allant de 1 500 F à 5 000 F suivant l'importance de l'exposition (et du congrès); mais il est également possible de faire une exposition intéressante sans rien demander au congrès et en prenant simplement 700 à 800 F sur le budget de la bibliothèque.

A la recherche des documents

Les principes de base qui semblent essentiels pour assurer une bonne qualité à une exposition d'histoire des sciences exactes ou appliquées sont relativement simples : l'histoire de la discipline doit primer sur l'histoire du livre, les aspects culturels et iconographiques seront soulignés, le plan de présentation des documents et les commentaires du catalogue seront très structurés et dégageront des lignes de force. Ces principes guident donc toutes les étapes de la préparation intellectuelle de l'exposition.

Il est évident que, pour la plupart des conservateurs de bibliothèques universitaires chargés de gérer des fonds actuels et non pas des fonds historiques, il est d'abord indispensable d'acquérir très rapidement des bases solides dans l'histoire des disciplines auxquelles ils sont affectés (il convient toutefois de se méfier des thèses historiques soutenues devant les facultés de « santé » car leur information est très souvent de énième main ou anecdotique) et de réactualiser les connaissances acquises au cours de leur formation en histoire du livre.

Deux procédures sont alors possibles : partir des bibliographies recueillies lors de cette double préparation et tenter de retrouver les documents cités dans les collections ou, au contraire, commencer par une recherche matières approfondie dans les catalogues anciens de la bibliothèque. A l'expérience, il nous semble qu'en dehors de certains thèmes (auteurs classiques, auteurs régionaux) la seconde façon de faire a l'avantage de permettre une présélection assez rapide de documents intéressants dans l'optique d'une mise en valeur systématique du fonds historique.

Cette première sélection volontairement large permet à la fois d'approfondir la connaissance du sujet, de rassembler la documentation (notes, illustrations, signatures, portraits,...) qui sert à préparer les commentaires de l'exposition en cours et enfin d'extraire les documents susceptibles, en raison de leurs qualités externes notamment, d'être exposés. La méthode qui consisterait à procéder au choix direct sur les rayons des ouvrages dignes d'intérêt sur le plan bibliophilique n'est plus rapide qu'en apparence : il ne s'adapte qu'à une exposition fondée sur ce thème et nécessite des connaissances étendues en histoire du livre; les vérifications à faire du point de vue de l'histoire de la médecine seront par ailleurs plus longues.

Lignes de force

Au cours de la recherche des documents, les idées de plan se font jour. Le plan classique « anatomie, physiologie, pathologie, thérapeutique » ne peut être systématiquement appliqué, car il nécessite un fonds, ou un budget de reproductions, important. Un autre plan est envisageable, le plan chronologique articulé ou non sur l'évocation d'auteurs célèbres (les personnalités ont une certaine importance dans les « disciplines de santé », de même que l'apport des auteurs de la région). En fait, seule une partie des expositions ont intégré ces schémas combinés, élargis ou modifiés.

Ainsi, par exemple, pour la médecine d'urgence, la pathologie et la thérapeutique étaient précédées par l'étude des transports et du personnel (rapports administratifs et auteurs célèbres), pour la douleur, une séparation un peu artificielle étant donné le sujet, entre les voies de la douleur et les manifestations douloureuses précédait la thérapeutique, puis l'étude du sens moral de la douleur.

Mais pour trois autres expositions, on a préféré prendre des thèmes bibliophiliques représentés à travers des ouvrages de la discipline : la dermatologie a traité de l'illustration documentaire médicale et non médicale (allégories, portraits, etc.), de l'édition, de la librairie et de la reliure, pour conclure sur la valeur morale et religieuse de la pathologie cutanée ; l'ophtalmologie envisageait le livre-objet, le livre comme preuve documentaire et la présence de l'être humain; le livre médical ancien s'articulait autour de quatre thèmes : formats, ex-libris, reliures, illustration.

Enfin, deux expositions, où l'étude de l'iconographie était essentielle, ont suivi un fil conducteur particulier : celle sur la publicité pharmaceutique s'organisait autour de l'idée de la lutte thérapeutique (la notion elle-même, ses protagonistes, ses armes) et celle intitulée Scènes et portraits partageait les scènes en scènes allégoriques, scènes documentaires, scènes à la fois allégoriques et documentaires, et les portraits en portraits symboliques, portraits de médecins et portraits de malades.

Ce sont les commentaires accompagnant les notices bibliographiques qui font apparaître les lignes de force de la présentation afin que de document en document le visiteur, puis le lecteur, aient l'impression d'un discours qui progresse et non pas d'une simple juxtaposition s'apparentant plus à un montage qu'à une véritable exposition. Dans la rédaction des notices (cf. encadré), nous nous sommes toujours efforcés d'éviter l'érudition pour l'érudition (qu'elle soit scientifique, bibliophilique ou culturelle) et de concentrer les commentaires sur les idées-force de l'exposition.

Compte tenu des contraintes, ce n'est toutefois qu'après la rédaction du catalogue (dont l'introduction, l'enchaînement des différentes parties et la conclusion doivent être particulièrement soignés), qu'on peut totalement apprécier si les lignes de force ont été bien dégagées et si l'exposition mérite bien ce titre.

Les expositions et leur public

Il est évident que la première des conditions pour qu'une exposition puisse être considérée comme réussie est qu'elle soit vue par le plus grand nombre de gens possible et dans les conditions les plus favorables de lieu (emplacement par rapport aux salles de travail, acoustique pour la visite guidée, etc.) et d'accueil (permanence assurée par un membre du personnel et visite commentée par le conservateur). Mais c'est probablement la proportion des congressistes suivant la visite commentée qui est l'indice de réussite le plus tangible : nous avons enregistré une moyenne de 30 % pour les 18 expositions (850 congressistes sur les 2 500 concernés ont suivi les 29 visites commentées), mais ce pourcentage moyen ne rend pas compte du caractère très imprévisible de ce « succès » qui a oscillé en fait entre 10 % et 80 %.

Nous nous sommes toujours efforcés de poser cette visite comme une condition impérative à l'organisateur du congrès qui n'en voyait pas toujours la nécessité, surtout quand il y avait un catalogue, alors que buts et formes en sont nettement différents.

La visite guidée est conçue comme une approche et une incitation à la lecture du catalogue : elle se doit d'être brève, vivante et démonstrative. La logique même de l'exposition implique cette démarche à double détente; comme dans la plupart des congrès, l'exposition a un côté « distractif » : elle intéresse, elle représente une ouverture, mais elle marque aussi une pause dans le déroulement des travaux. Dans ce contexte, ce sont évidemment les groupes les moins directement partie prenante du congrès, les classes d'âge les plus élevées et les plus basses, qui se montrent les plus curieux.

Pour nous, les visites sont l'occasion d'observations très empiriques sur les thèmes qui soulèvent le plus d'intérêt. Quel que soit le nombre d'ouvrages exposés, on peut en effet noter que cinq à dix d'entre eux sont régulièrement remarqués pour divers thèmes : les aspects relevant de la bibliophilie ne sont pas ignorés (illustràteurs célèbres, documents en couleurs, manuscrits, documents populaires), mais ne sont pas spontanément perçus. A l'inverse, les thèmes de « santé » sont appréciés d'emblée: grands auteurs, description sémiologique, technique tombée en désuétude, conception actuelle dans un document ancien (ainsi de la remarque de Xavier de Maistre qui aimait à se faire réveiller pour « se sentir dormir »). Mais le vécu du médecin avec le rappel de ses problèmes éthiques (douleur, mort, expérimentation, ...), avec la notation de questions diverses (recherche, orthodoxie scientifique, réalités hospitalières, vision stéréotypée de certains groupes comme les femmes, les enfants, etc.) reste le thème le plus attirant.

La lecture du catalogue ne peut bien sûr être mesurée; elle existe néanmoins, comme le démontrent des demandes ultérieures de renseignements. Le catalogue lui-même est révélateur de l'ambiguité de notre image de marque : deux anecdotes contradictoires soulignent la différence de conception que se font les universitaires des expositions organisées par les bibliothèques. Après une visite commentée, des congressistes se dirigèrent vers la table où les catalogues étaient disposés et en prirent chacun quatre exemplaires car les couvertures étaient de couleurs différentes et ils étaient persuadés que cette exposition ne pouvait faire l'objet que d'une publication importante. A l'inverse, avant la visite commentée d'une des dernières expositions, une congressiste me demanda si j'étais la « personne qui avait signé la préface du catalogue » : cette préface ne contenait que les remerciements et quelques lignes d'introduction, mais le catalogue lui-même lui avait paru trop médical pour avoir été rédigé par quelqu'un d'autre qu'un médecin ! Nous ne bénéficions donc pas spontanément de l'aura qui entoure nos collègues des musées.

Les retombées de cette politique

Les retombées des expositions, à court et à moyen terme, sont toujours nombreuses.

A court terme, ce sont les demandes immédiates de reproduction faites par des congressistes et des revues ou les demandes d'autres expositions, dans des délais si brefs d'ailleurs qu'on doit les refuser : nous avons ainsi refusé d'organiser plusieurs expositions, non sans difficultés car l'universitaire qui nous la proposait affirmait alors se contenter d'un simple montage.

A long terme, on peut dire qu'une réputation se crée et qu'un très grand nombre de demandes sont émises, parmi lesquelles on essaye de discerner celles qui sont vraiment intéressantes de celles qui ne sont que ponctuelles, impossibles à satisfaire, du moins dans leur forme initiale, trop coûteuses en temps, ou ne relevant pas de la compétence de la bibliothèque, pour aussi ouverte qu'elle soit.

Des demandes diverses

La plupart des demandes personnelles proviennent des universitaires : cela va de demandes d'illustrations pour des articles ou des congrès, à une demande de recherche bibliographique plus ou moins importante (certaines peuvent aboutir à un travail intéressant pour la bibliothèque comme le montage audiovisuel que nous avons réalisé sur les transports d'urgence pour le congrès français des SAMU de 1981 et qui développait la première partie de l'exposition de 1979).

Les étudiants sont également demandeurs, souvent par l'intermédiaire du personnel: il faut alors les diriger sur les histoires de la médecine les plus appropriées au niveau de leur recherche, sur des encyclopédies ou sur les anciens fichiers. Cependant, plus intéressantes à suivre sont les thèses portant sur des sujets qui ont fait l'objet d'une exposition; les étudiants sont alors adressés à la bibliothèque par leurs professeurs : nous avons ainsi aidé, jusqu'à présent, à la préparation de sept thèses.

En outre, la bibliothèque a été sollicitée pour assurer un enseignement dans le cadre de diplômes universitaires : un certificat optionnel d'histoire de la médecine créé à Toulouse en 1983 pour les DCEM prévoit 28 heures de cours réparties entre trois thèmes (médecine et civilisations, médecine et société, histoire de quelques disciplines) et la bibliothèque a été chargée du cours sur l'imprimé médical.

Enfin, nous avons reçu des demandes de participation à d'autres expositions: ainsi, en 1983, avons-nous prêté des documents à la bibliothèque municipale sur le thème « la présence juive en Languedoc » et, pour l'inauguration du Musée d'histoire de la médecine situé dans l'Hôtel d'Assézat (où ont également lieu les réunions de l'Académie des Jeux floraux, la plus ancienne société savante d'Europe), avons-nous choisi des documents, reproductions, notices et commentaires.

Mieux diffuser les documents anciens

A l'inverse des demandes faites à la bibliothèque, il y a celles faites par la bibliothèque : il serait en effet dommage de ne pas trouver pour les documents anciens de possibilités de diffusion plus régulières que les expositions.

Dès 1980, nous avons obtenu de la Revue médecine de Toulouse la création de la chronique « ouvrages anciens » et publié 22 reproductions (soit une moyenne de cinq par an sur les dix numéros que compte cette revue, qui est dépouillée par les grandes bibliographies); les reproductions sont accompagnées d'un commentaire de quelques lignes qui réserve une part égale à l'histoire du livre, à l'histoire de la médecine et à la culture, mais en privilégiant l'aspect occitan (plutôt que le côté local trop restreint).

La proposition de la bibliothèque, réaliser la décoration des salles officielles des bâtiments construits en 1970 d'une des facultés de médecine, a été très bien accueillie. Une vingtaine de documents ont été choisis pour être reproduits, selon toute une série de critères : aptitude du document à supporter un agrandissement, équilibre entre les disciplines, qualités esthétiques et bibliophiliques, intérêt historique (régional ou non), etc. Les commentaires accompagnant les reproductions (réalisées par le service photographique des Archives départementales) font ressortir les aspects médicaux et l'orientation épistémologique de cette décoration *.

Mise en valeur du fonds

Enfin, il faut « tordre le cou », tout au moins au niveau provincial, à un vieil espoir, celui d'obtenir des dons importants : depuis de nombreuses années, et bien que nous connaissions plusieurs médecins bibliophiles, nous n'avons pu obtenir en don qu'un ex-libris, un manuscrit d'un naturaliste du XVIIIe siècle et son portrait, un texte dactylographié et corrigé d'un universitaire toulousain, membre de l'Institut; nous avons aussi reçu des photocopies de documents rares données par des lecteurs que nous avions aidés mais peu susceptibles de s'intégrer dans un fonds historique.

En revanche, on peut dire que la conséquence essentielle de cette politique d'expositions est la mise en valeur du fonds ancien et en particulier la détection d'ouvrages rares et précieux. Nous avons pu tirer de l'oubli quelques documents particulièrement intéressants : entre autres, un des premiers ouvrages de pneumologie rédigé par un doyen toulousain, fils d'immigrés juifs marranes, une des premières planches de Gautier d'Agoty, une grande page de titre d'une édition de Galien chez les Junte, une très belle reliure estampée à fermoirs, quelques brochages assez gais du XVIIIe siècle.

Mais c'est surtout sur le plan iconologique et documentaire que l'apport des bibliothèques universitaires peut devenir indispensable sur des thèmes d'histoire des disciplines scientifiques (divers dialogues médecin-malade, l'élaboration d'une oeuvre, une des premières positions de la main sur un instrument chirurgical, une scène d'étiologie, les significations du squelette, etc.). Toutefois, la relative pauvreté des fonds anciens des bibliothèques universitaires doit les inciter à se montrer prudentes et à tenir compte des fonds des autres bibliothèques.

Il arrive enfin qu'une telle politique entraîne quelques désillusions : ainsi nous avons retrouvé un document illégalement détourné pendant la Révolution et que la famille actuellement détentrice ne veut pas vendre parce qu'il contient deux portraits d'ancêtres sur la vingtaine de chirurgiens en chef du premier hôpital de la ville rose du XVIe au XVIIe siècle représentés.

Une conclusion en forme de projets

La compétence que la bibliothèque s'est fait ainsi reconnaître doit aboutir à planifier un ensemble de projets qui prendront forme après les trois expositions prévues pour 1984: consacrées à la chirurgie de la main, la rhumatologie et la recherche, elles inaugureront une politique plus axée sur la reproduction photographique et sur une exploitation partielle des collections de la section centrale.

Sans qu'on puisse encore indiquer un ordre prioritaire, ces projets sont les suivants :

Une mise en ordre de certains travaux antérieurs : rédaction du catalogue sur l'ophtalmologie après avoir refondu les deux expositions portant sur ce sujet et rédaction du catalogue de l'exposition sur le livre ancien médical, dont le succès laisse à penser qu'on pourrait utiliser un support vidéo dans le cadre du certificat optionnel d'histoire de la médecine.

Une mise en valeur systématique du fonds ancien qui ne peut donc être assurée de façon durable que par le relais de fichiers manuels et automatisés; dans un premier temps, la reprise des notices commentées extraites des catalogues aboutira rapidement à une description exacte d'un certain nombre d'ouvrages et on pourra prévoir des entrées nombreuses (auteurs-anonymes, alphabétique-matières, systématique, ex-libris, dédicaces, imprimeurs, libraires, possesseurs, reliures, formats, siècles, etc.). Ensuite, il deviendra nécessaire de faire un examen systématique des collections sur rayons et le fichier de base (inventaire ou auteurs-anonymes) sera réalisé dans un format suffisamment important pour pouvoir inclure des notes ou des zones suffisantes afin d'éviter un recours trop fréquent aux documents eux-mêmes. Il serait par ailleurs souhaitable que l'illustration puisse être reprise dans un projet de banque d'images tel que celui actuellement expérimenté par la Bibliothèque Sainte-Geneviève. A partir de ces instruments, la publication d'un catalogue imprimé serait alors envisageable et utile aux autres bibliothèques.

Doivent être considérés à part les travaux à faire sur le fonds de 10 000 publicités pharmaceutiques francophones que nous avons constitué à partir de doubles refusés par les bibliothèques et grâce auquel une exposition a été organisée. Il a été classé de trois façons, dans la mesure où on a pu disposer de plusieurs exemplaires (le premier par ordre chronologique, le deuxième au nom du produit et le troisième au nom du laboratoire), mais sa conservation et sa diffusion posent des problèmes qu'il faudrait résoudre par un transfert partiel sur de nouveaux supports. En outre, il faudrait en obtenir une étude statistique sérieuse par un traitement informatique dans le cadre d'une thèse de médecine ou de pharmacie. La question se pose aussi de l'accroissement de ce fonds : en effet, nous ne pourrons plus compter que sur quelques-uns de nos doubles. Or, l'appel systématique aux autres bibliothèques est gênant d'un point de vue déontologique et l'appel aux universitaires sera en l'occurence peu rentable; il nous faudra faire des demandes auprès de l'ensemble des laboratoires pharmaceutiques, comme en 1980, lors de la constitution du fonds. Enfin, une communication devant une société savante nationale nous a été demandée mais n'a pu être réalisée car le catalogue dans son état actuel ne s'y prête pas.

La rédaction d'un polycopié sur la façon de préparer une bibliographie de thèses d'histoire de la médecine est devenue indispensable à cause de leur augmentation prévisible à la suite de la création du certificat d'histoire de la médecine, de l'intérêt manifesté depuis quelque temps par les universitaires toulousains et de l'ouverture d'un Musée d'histoire de la médecine toulousaine. Leurs bibliographies doivent donc être fiables, qu'il s'agisse de la recherche, de l'exploitation ou de la présentation des références.

L'adhésion à des sociétés savantes d'histoire du livre et d'histoire de la médecine est souhaitable, plus pour insérer la bibliothèque dans un contexte et dans un circuit d'information dont elle est assez éloignée par manque de temps, que pour la conduire à organiser de nouvelles expositions.

Le dernier point est évident, prévoir un plan de restauration des ouvrages très endommagés, heureusement peu nombreux, dont l'état appelle cependant des mesures rapides.

La réalisation de ces projets, dont il faut souhaiter qu'elle ne soit pas trop éloignée dans le temps, nécessitera un effort soutenu qui aura trois conséquences : offrir un intérêt certain pour l'ensemble du personnel, apporter une contribution à la recherche épistémologique ou iconographique, aider à l'information du public dans le cadre des nouvelles missions dévolues à l'Université et aux Bibliothèques.

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Les dix-huit espositions

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Deux exemples de notices

  1. (retour)↑  La faculté a édité une plaquette tirée en 500 exemplaires et largement diffusée.