Promotion, par la Commission des Communautés européennes, de la fourniture électronique des documents

Carlo Vernimb

La Direction générale XIII « Marché de l'information et innovation » de la Commission des Communautés européennes ouvre un crédit d'environ 2,5 millions de DM pour le cofinancement d'expériences dans le domaine de la fourniture électronique de documents et de l'édition électronique.

Pourquoi ?

Le premier aspect de la réponse est d'ordre macroéconomique. Pauvre en denrées alimentaires, en énergie et en matières premières, la Communauté, pour pouvoir importer les biens qui lui font défaut, doit exporter des produits industriels. Elle ne le peut que dans la mesure où ces produits sont compétitifs et ceux-ci ne le restent que si les techniques, et en particulier les techniques de l'information, sont renouvelées en permanence. Or, sur ce point précisément l'Europe a un retard à rattraper : sa production de composants micro-électroniques, par exemple, est loin de couvrir ses besoins ; ces produits d'une importance économique primordiale, l'Europe doit les importer. Pour la prospérité de la Communauté économique, il faut donc essayer d'améliorer les conditions d'un développement plus vigoureux des techniques nouvelles. Cet effort doit se déployer à différents niveaux, nationaux et communautaires. Un exemple d'encouragement de la recherche technologique au niveau européen est donné par le programme ESPRIT de la Commission. Mais les activités de la direction générale XIII portent essentiellement sur le domaine de l'application des techniques nouvelles et plus précisément de l'application de techniques nouvelles d'information afin d'accélérer le développement d'un marché de l'information en Europe. Nous arrivons ainsi au deuxième aspect, celui du marché de l'information.

La DG XIII a lancé le développement d'Euronet et facilité considérablement la création d'Euronet-DIANE, qui regroupe les services offerts par l'intermédiaire d'Euronet, tels que l'accès aux bases de données. Cette action a transformé le secteur de l'information en Europe. Il est aujourd'hui possible, ou du moins il est devenu possible plus rapidement grâce aux mesures prises par la DG XIII, d'« interroger » en direct des bases de données bibliographiques et autres. L'accès à des informations qui étaient déjà disponibles auparavant s'en est trouvé accéléré (accès « en ligne » au lieu d'accès « en mode différé »). Une fois créé, Euronet a favorisé « naturellement » l'apparition d'autres bases de données qui s'adressaient désormais à un marché préexistant de l'information en ligne. Pour abaisser davantage encore le seuil d'accès à ce marché en ligne, la DG XIII a aussi soutenu financièrement (à raison de 25 à 50 %) la création ou l'amélioration de ce genre de bases de données. De ce fait, le volume des données circulant par l'intermédiaire d'Euronet s'est accru, ce qui à son tour a justifié une structure tarifaire intéressante, fondée sur des hypothèses favorables de trafic prévisible.

Les utilisateurs, dont le nombre s'accroît constamment, se sont habitués rapidement au nouvel outil. Comme il fallait s'y attendre, leurs exigences se sont accrues. Il est venu immédiatement à l'esprit de compléter les recherches bibliographiques en ligne par une commande en ligne du texte intégral. Ce procédé est non seulement plus rapide qu'une commande par la poste ou par télex, mais il évite en outre les erreurs dans la transcription des citations. Plusieurs exploitants de bases de données bibliographiques ont offert ce service à titre complémentaire. Curieusement, le taux d'utilisation a stagné pendant plusieurs années à un niveau peu élevé. On ne note que depuis peu un accroissement marqué et apparemment constant.

Le gain de temps procuré par l'automatisation de la commande est peu sensible lorsqu'une attente de plusieurs jours ou, la plupart du temps, de plusieurs semaines ne peut être évitée, avant de recevoir par la poste le document intégral. Cette disparité entre les deux semaines nécessaires pour la fourniture (délai moyen en Europe) et les trente minutes de la recherche en ligne, commande comprise, peut être éliminée. Il ne s'agit pas en l'occurrence de rechercher la rapidité à tout prix et au détriment d'une qualité acceptable mais d'offrir des services de rapidité et de qualité différentes à des tarifs gradués. Ainsi, par exemple, un document peut être fourni du jour au lendemain en fac-similé de qualité groupe III (8 pixels par mm) au prix de 1 DM la page. Une meilleure résolution (12 ou 16 pixels par mm) et la fourniture dans l'heure coûteraient plus chers. Pour des raisons de capacité, un réseau à commutation de paquets tel qu'Euronet ne se prête guère à la transmission en mode fac-similé ou par caractère codé (par exemple Télétex). La tarification d'Euronet ne convient guère elle non plus. D'autres possibilités doivent donc être trouvées en collaboration avec les administrations des PTT. L'une d'elles réside dans l'utilisation des satellites.

Euronet et les services bibliographiques en ligne ont stimulé le marché européen de l'information. Il faut s'attendre à ce que la fourniture électronique des documents ait des conséquences plus radicales encore, qui pourraient éventuellement aller jusqu'à une restructuration du marché. Cette idée s'appuie sur les considérations suivantes :

Aujourd'hui déjà de nombreux auteurs utilisent des appareils de traitement de textes pour préparer leurs publications. De nombreux éditeurs acceptent déjà volontiers les disquettes (disques Floppy) pour ne pas devoir réintroduire le texte au clavier. On peut non seulement accélérer ce processus, mais également le rendre « plus interactif » encore en organisant la transmission du document sous forme électronique de l'appareil de traitement de textes de l'auteur à celui de l'éditeur puis la transmission en sens inverse, par le même moyen, du texte remanié. Des co-auteurs et d'autres personnes (par exemple les membres de jurys de lecture) pourraient participer au processus. La méthode la plus simple consiste à fournir le texte électroniquement (boîte aux lettres électronique) et à se le faire renvoyer après modification pour ensuite le retravailler, etc. Mais on peut également imaginer une commutation de type conférence pour le télétraitement en commun de textes.

Ce système, dont il existe déjà quelques utilisations expérimentales, peut parfaitement être appliqué plus largement.

Les spécialistes d'un domaine, qui se connaissent mutuellement, pourraient, par exemple, échanger et commenter leurs brouillons de publications par voie électronique ; ils pourraient renoncer purement et simplement à une publication écrite. La « publicité » des textes existerait par le fait que n'importe qui, en principe, a accès aux textes électroniques ; de nombreuses « publications » telles que les tableaux de statistiques ou de valeurs de mesures ne seraient jamais définitives mais seraient complétées en permanence par différents « auteurs ». Il se formerait des « collèges invisibles » de la télécommunication, qui produiraient des documents semi-achevés, achevés ou, encore, jamais totalement achevés qui seraient l'oeuvre de différents types de collectivités. L'éditeur sélectionnerait les textes les « plus achevés » et proposerait à leurs auteurs de les imprimer. De nombreux lecteurs continueront sans doute de donner la préférence aux documents imprimés ; certains auteurs souhaiteront toujours pouvoir présenter un ouvrage imprimé tandis que d'autres accorderont la priorité au degré d'actualité. Le marché de l'information deviendrait plus complexe et plus difficile à cerner, mais il gagnerait aussi en interactions, en dynamisme et en rapidité.

Ces innovations ne seront pas appréciées par tous. Les éditeurs redoutent le piratage. Les bibliothèques craignent que l'évolution ne s'opère sans elles. La Commission doit par conséquent agir avec prudence et s'entendre avec les différents groupes d'intérêts, en veillant surtout à ne pas négliger les petites et moyennes entreprises. Lorsqu'elle aura réalisé un consensus, il conviendra de commencer par quelques expériences afin de sonder les réactions des utilisateurs et d'apporter des réponses aux questions concernant la rentabilité. Ces expériences porteront à la fois sur la transmission électronique de documents et sur l'édition électronique. L'apport financier de la Commission sera relativement réduit (d'environ 25 %) afin que les éditeurs, bibliothèques, utilisateurs, etc., qui participeront à ces expériences le fassent activement et pour permettre de déterminer les services qui pourront être fournis le plus tôt dans des conditions commerciales. Le dernier délai pour le dépôt des propositions est le 6 mai. Jusqu'à présent la Commission a déjà reçu 95 déclarations provisoires d'intérêt.

Les personnes qui s'intéressent à ces expériences, mais ne sont pas en mesure d'y participer activement, sont invitées à commander la publication Euronet-DIANE News auprès du service « Euronet-DIANE Information », bâtiment Jean-Monnet, B4-009, Commission des Communautés européennes, Luxembourg.