Les peuples ouraliens

leur culture, leurs traditions

par Jacques Karro
publ. sous la dir. de Péter Hadjú. -Roanne : Horvath ; Budapest : Corvina, 1980. - 372-[32] p. de pl. : ill. ; 23 cm. - (Histoire des nations.) ISBN 963-13-0379-9

De la Finlande aux confins de la Sibérie occidentale, de la Hongrie à la Laponie, les langues finno-ougriennes forment des îles et des îlots résistant à l'assimilation, bien que soumis à l'envahissante influence des groupes linguistiques voisins : germaniques, baltes, slaves, latin (roumain), turcs et toungouzes.

Les langues dites de culture comme le hongrois, le finnois, l'estonien, les langues en déclin : vepse, ingrien parlés en Carélie, les langues disparues : kamasse de l'Ienisseï, vote de Carélie, sont toujours ou ont été les supports culturels de peuples conscients de leur particularité ethnique.

Les peuples ouraliens, leur culture, leurs traditions, publié sous la direction de l'éminent linguiste Péter Hajdú, reflète l'aspiration profonde des peuples ouraliens à retrouver leur unité et, bien que les quinze études qui composent cet ouvrage, rédigées par quatorze savants hongrois et finlandais recouvrent des zones d'investigation différentes : linguistique, archéologie et anthropologie, civilisation matérielle, art populaire et mythologie, il est clair qu'exprimé ou non, le souci semble constant de retrouver l'unité dans une quête intellectuelle et spirituelle commune.

L'ouvrage présente la qualité majeure de tenter de répondre scientifiquement à la question essentielle que pose l'origine commune des peuples ouraliens.

C'est sans aucun doute l'étude de Péter Hajdù L'Arrière-fond linguistique de la parenté qui permet le plus rapidement de saisir la reconstitution du puzzle ouralien. Partant de la présupposition qu'il faut considérer la notion de peuple « préouralien » comme une donnée scientifique reconstituée grâce aux découvertes de l'archéologie et de la linguistique et non pas faire du « peuple préouralien » l'ancêtre des nations d'origine ouralienne disséminées en Eurasie, Péter Hajdú procède alors au classement des langues ouraliennes à partir de deux groupes distincts : les langues samoyèdes (A) et finno-ougriennes (B). Le groupe (A) se subdivise à son tour en langues samoyèdes Nord et Sud, le groupe (B) en langues ougriennes et finno-permiennes.

Cette commodité théorique qui pourrait paraître rébarbative, permet en fait au lecteur non spécialiste, même s'il ne l'assimile pas d'emblée, d'aborder plus aisément l'anthropologie ouralienne, ou selon un terme très répandu chez les ethnologues Est-européens, l'ethnogenèse ouralienne.

A cet égard, le document « Anthropologie des peuples finno-ougriens », dû à Pál Lipták, expose de façon très dense la complexité de la formation des peuples ouraliens qui, après leur longue marche vers l'Ouest, ont été soumis aux vagues déferlantes des invasions des nomades d'Asie centrale et de Haute Asie. C'est à travers l'analyse taxinomique que l'auteur aborde l'histoire et la typologie des Ouraliens. Cette introduction à l'anthropologie finno-ougrienne, à laquelle on peut cependant reprocher une trop grande insistance sur la formation de l'ethnie hongroise, présente les mêmes qualités d'érudition et de clarté que l'étude de Péter Hajdú.

Par « Chasseurs, pêcheurs, éleveurs de rennes dans le nord de l'Eurasie », Janos Kodolanyi, ethnologue et écrivain célèbre en Hongrie, nous introduit à J'ethnographie des finno-ougriens de l'Ob', peu étudiés en Europe occidentale. L'ethnologue Mihâly Hoppâl dénote aussi un désir d'ouverture sur des territoires moins connus dans sa contribution : « Les croyances des peuples ouraliens et le chamanisme », synthèse en quête d'une épistémologie actuelle.

Le chamanisme et la littérature orale sont deux composantes essentielles de la culture des peuples ouraliens. En Finlande comme en Hongrie, de nombreux laboratoires de recherche travaillent inlassablement sur les survivances des croyances chamaniques et des thèmes épiques. Ici, nous retiendrons deux textes qui semblent être de bonnes introductions à la lecture ou à l'étude des épopées finno-ougriennes : Le Kalevala et le Kalevipoeg par Väinö Kaukonen et La poésie épique des peuples finno-ougriens par Vilmos Voigt qui font le lien entre l'ethnologie, la littérature et l'histoire, en mettant l'accent sur la cristallisation romantique du genre épique à l'époque du réveil des nationalités.

Les peuples ouraliens, leur culture, leurs traditions, très bien traduit et pourvu d'une riche orientation bibliographique, est un excellent document de recherche de base, pouvant intéresser le lecteur éclairé, l'étudiant et le chercheur.

Il faut ajouter que les illustrations et les planches en noir et blanc sont significatives et belles mais que cet ouvrage, conçu intellectuellement comme des mélanges, ne contient pas d'index.