La littérature et le reste : éléments de bibliologie contemporaine

I : La littérature. 2 : Le reste

par Pascale Arnou

Jacques Breton

ENSB, Centre de Paris, 1978. - 2 vol., 169 + 170 p. ; 30 cm. Bibliogr. p. 161-169 + 166-168. - ISBN 2-85037-0045 et ISBN 2-85037-004-3

Réfutant d'abord la grille de dépouillement proposée par des statisticiens pour une bibliométrie bibliographique, dont les théoriciens avancent des hypothèses difficiles à vérifier, par exemple, sur la longueur relative des titres de livres en période de prospérité économique, M. Breton, qui retient pour définir le livre les critères de support de l'écriture, intégralité du texte et maniabilité, est d'abord tenté par une approche sémiotique ; mais les caractères concrets du signifiant, la multiplicité des signifiés l'amènent à préférer ce questionnement : « Qui parle ? Pour dire quoi ? Où ? A qui ? Avec quel effet ? ». On aboutit à un schéma à trois pôles : le destinateur (auteur-rédacteur) fait parvenir un message (l'écrit) au destinataire (lecteur-acheteur) par l'intermédiaire de l'éditeur (mais aussi de la presse, de la critique, des libraires). La bibliologie se définit comme « étude systématique des conditions de production, de diffusion et utilisation des écrits imprimés sous toutes leurs formes, incluant la recherche des facteurs d'explication des phénomènes - tant sur les plans économiques et techniques que politiques, sociaux et culturels, pour dégager des perspectives d'évolution tant qualitatives que quantitatives ».

M. Breton procède alors à l'analyse concrète des conditions de production et de diffusion de l'écrit-message, d'abord en ce qui concerne le livre traditionnel, « bien symbolique » (Bourdieu). La communication par l'écrit imprimé ne saurait s'apprécier qu'au niveau de la rétroaction (« feedback ») qu'il engendre ; or, du fait des conditions de sa production, mais surtout de sa diffusion (problèmes liés aux impératifs financiers de l'édition, à la critique, à la presse) le système connaît une mauvaise rétroaction.

Dans la seconde partie, M. Breton analyse le système de production-diffusion des livres à haut tirage, c'est-à-dire à la fois des livres scientifiques, des dictionnaires et encyclopédies, des publications scolaires et des livres pour les enfants, mais aussi des livres au format de poche (et cette rubrique comprend des publications aussi différentes que la « paralittérature » - policiers, romans d'espionnage, J. Benzoni et autres Guy des Cars - et des classiques tels que Marx et Freud). Dans ce domaine du livre de poche, il semble que soit stimulée prioritairement la « consommativité » du lecteur-acheteur ; à la limite celui-ci jetterait le livre après usage...

La conclusion qui semble se dégager de ces analyses est que si pour la littérature traditionnelle un équilibre relatif se maintient entre les pôles auteur, éditeur et acheteur-lecteur, pour les ouvrages scientifiques l'auteur joue un rôle souvent décisif, mais dans le système de production-diffusion du livre de poche, le pôle éditeur devient prépondérant : les services de vente ne conseillent plus des lectures, mais tendent à dicter des achats.