Les relations entre les langues négro-africaines et la langue française

par Pierre Barkan
Conseil international de la langue française avec le concours du Ministère français de la coopération et du gouvernement de la République du Sénégal, Dakar, 23-26 mars 1976. - Conseil international de la langue française, 1977. - IV - 794 p. ; 25 cm. ISBN 2-85319-032-3

Un tel congrès eut été impensable il y a vingt ans à peine. Il est avant tout dû à l'accession des pays d'Afrique noire à l'indépendance et aux bonnes relations que la France, cessant d'être une puissance coloniale, a su maintenir avec les anciens territoires colonisés.

L'enseignement du français, pratiqué dans certains pays (p. ex. au Sénégal) depuis un siècle et demi, a fait que notre langue est encore aujourd'hui la langue seconde la plus pratiquée dans toute l'Afrique. C'est même le seul continent où la langue anglaise en tant que telle occupe la seconde place.

Le français, après avoir été la langue imposée par l'occupant, est devenue la langue véhiculaire par excellence, langue de culture au plus haut niveau ou modèle d'expression pour certains, à coup sûr langue pratique pour la plupart, dans les villes surtout. Même si dans quelques régions une langue africaine sert de « lingua franca » (p. ex. le haoussa en Afrique occidentale, ou le swahili, en Afrique orientale) entre plusieurs pays, il n'est pas rare de voir en même temps coexister dans un même pays, trois, quatre ou cinq langues, et parfois davantage, considérées comme « officielles », avec des droits identiques, sans qu'il soit possible, pour des raisons faciles à deviner, de donner la préférence ou d'imposer l'une d'entre elles. L'usage du français (ou de l'anglais, parfois de l'arabe) résout donc le problème sans choquer les susceptibilités tribales. Il en va d'ailleurs de même en Inde où la déclaration du hindi comme langue officielle n'a pu vaincre complètement la résistance de plus de 800 langues et dialectes : c'est donc l'anglais qui continue à être la langue d'intercommunication, sans que personne n'y trouve à redire.

Une cinquantaine de communications du plus haut intérêt, œuvres d'Africains et d'Européens, linguistes et enseignants à tous les niveaux, font apparaître les divers problèmes posés par le contact du français avec les langues négro-africaines, y compris le malgache.

Il y a d'abord eu, au lendemain des indépendances, toute la gamme des nuancements entre le maintien ou l'abandon pur et simple de la langue du colonisateur. En aucun cas il ne pouvait être question d'un abandon total, car, outre l'apport culturel indéniable dans un monde où la culture occidentale domine depuis plus d'un siècle, des habitudes se sont créées qui ont eu des répercussions dans les deux sens.

Plusieurs communications étudient donc l'influence du français sur les langues africaines enseignées aujourd'hui sur une grande échelle, et l'influence de ces dernières sur le français parlé localement. A juste titre, beaucoup de conférenciers ont mis l'accent sur les espèces de français « dialectaux » qui ont pris naissance un peu partout, avec le temps, tout comme il existe un parler canadien, un français de Belgique ou de Suisse romande, des créoles aux Antilles, etc. Ce qui fait qu'il existe un « français de Dakar » ou « de Lumumbashi » auquel les autochtones tiennent avec raison. En même temps, beaucoup de mots ou de concepts français passaient dans les langues locales, adaptés selon chaque phonétique propre.

Dans l'ensemble, il apparaît plus nettement encore à quel point le français et les langues africaines diffèrent entre elles (phonétique, syntaxe, concepts), à telle enseigne que le passage de l'une à l'autre pose de très délicats problèmes, parfois insolubles.

Ce gros volume apporte beaucoup, non seulement d'abord aux africanistes, aux linguistes, mais aussi à tous ceux qui sont appelés à enseigner le français à des étrangers dont les langues maternelles sont très éloignées du français.

Un seul regret : l'absence de tables et d'index en rend la consultation peu aisée.