Nécrologie

Marie Kuhlmann (1897-1975)

Jean Sansen

Mme Charles Kuhlmann, née Marie Schittler, a été enlevée à l'affection de ses nombreux amis le 14 avril 1975. Conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg qu'elle dirigea par interim en des circonstances très difficiles, Chevalier de la Légion d'Honneur, elle accomplit une carrière marquée par la connaissance approfondie des problèmes scientifiques et par un dévouement absolu à sa profession.

Marie Schittler est née à Munster le 26 août 1897. Après de bonnes études, surtout littéraires, elle épousait en 1924 Charles Kuhlmann, ingénieur et professeur à l'École nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg, qui lui apporta toujours une aide très active, même sur le plan professionnel. Reçue première en 192I à l'examen qui lui ouvrait la carrière des bibliothèques, elle eut tout d'abord à Aix-en-Provence la responsabilité d'un fonds littéraire et juridique. Dès 1928, elle obtenait une mutation à la BNU de Strasbourg, qu'elle ne devait plus quitter désormais.

Cette stabilité apparente n'excluait pas la diversité des activités et des aptitudes. Dans un établissement dont on connaît la complexité, Mme Kuhlmann allait donner sa mesure, en exerçant des responsabilités bibliothéconomiques mais aussi administratives. Chargée de gérer le fonds de périodiques, elle publia en 1937 l'Inverataire des périodiques des bibliothèques de Strasbourg, en suivant des méthodes de travail très fermes et très précises qui ont fait de cet ouvrage un des meilleurs guides en la matière. En 1939, elle était déléguée dans les fonctions d'administrateur et chargée à ce titre d'organiser le transfert à Clermont-Ferrand de la BNU de Strasbourg. Elle devait mener à bien cet effort considérable, et participer ensuite courageusement aux épreuves qui atteignirent cette bibliothèque pendant la période d'armistice. Arrêtée par la Gestapo le 25 novembre 1943, elle subit alors huit semaines de captivité.

Après la guerre, Mme Kuhlmann joua un rôle essentiel dans la remise en ordre des fonds dont plusieurs séries avaient été atteintes par les destructions. Par ailleurs elle fut l'adjointe principale de l'Administrateur de la BNU et chargée de nouveau plusieurs fois de diriger par interim l'établissement. Atteinte par la limite d'âge en 1962, elle se retirait à Strasbourg, où elle conservait pendant de nombreuses années beaucoup d'activité. Tous ceux qui eurent le privilège de travailler avec elle gardent le souvenir de sa grande culture, de sa largeur de vues et d'une charité très efficace.