La description bibliographique internationale normalisée. (International Standard Bibliographic Description)

Suzanne Honoré

En vue d'aboutir au contrôle bibliographique universel que rend seule possible une normalisation de la notice bibliographique, un groupe d'experts créé à cette fin par la Réunion internationale des experts de catalogage convoquée sous l'égide de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires a rédigé l'International Standard Bibliographic Description. Ce texte dont la traduction française est donnée ici et qui a été publié en anglais à la fin de l'année I97I, n'est pas une norme de catalogage. N'envisageant que la seule description bibliographique, il n'aborde pas les problèmes de choix des vedettes. Il vise essentiellement à définir, en leur fixant une place précise, tous les éléments qui doivent figurer dans une notice d'identification la plus complète possible.

Le texte que nous publions aujourd'hui est la traduction française de l'International Standard Bibliographic Description (désignée dans cet article sous son sigle anglais, devenu international, ISBD), publiée en anglais à Londres à la fin de l'année 1971 par la Commission de catalogage de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires (FIAB) 1. Ce texte a été établi par un groupe d'experts créé à cette fin par la Réunion internationale d'experts de catalogage (RIEC), convoquée sous l'égide de la FIAB à Copenhague au mois d'août 1969; ce groupe a tenu trois réunions, à Londres en octobre 1969, à Paris en mai 1970, et enfin à Lisbonne en mai 1971 2. Je représentais la France dans ce groupe présidé par A. J. Wells. Mlle Monique Pelletier a pu suivre les deux premières séancese et M. Joël Poncet a également assisté à la seconde. Après chaque réunion, un text rédigé par le rapporteur, Michael Gorman, a été diffusé aux comités nationaux de catalogage pour critiques et commentaires, dont il a été tenu le plus grand compte. Le texte final est d'ores et déjà appliqué dans plusieurs bibliographies nationales : la British National Bibliography et la Deutsche Bibliographie de Francfort depuis le Ier janvier 1972, et la partie officielle de la Bibliographie de la France/Biblio depuis le Ier janvier 1973. L'Australie, l'Afrique du Sud et le Canada ont donné leur accord à son utilisation; le Danemark compte l'employer à partir de 1974 et de nombreux autres pays envisagent son adoption. La Library of Congress l'utilisera pour l'enregistrement des notices bibliographiques sur bande magnétique (système MARC) dès que les programmes d'entrée auront été modifiés, et le code de l'American Library Association, « Anglo-American Cataloguing Rules », va être modifié en conséquence 3.

Pourquoi cet accord si rapide et si large, assez inhabituel sur le plan international, surtout en matière de catalogage, dont les spécialistes sont des gens généralement prudents et peu enclins aux novations ? C'est que tout le monde sent l'urgente nécessité d'aboutir à un accord; que l'automatisation est un fait acquis pour certaines bibliographies nationales, une nécessité inéluctable pour bien d'autres. C'est que le Contrôle bibliographique universel - plan ambitieux que la FIAB a adopté et qui découle directement des conclusions de la réunion de Copenhague -prévoit que chaque livre sera catalogué une fois pour toutes dans son pays d'origine; que la notice bibliographique complète publiée dans la bibliographie nationale sera utilisée dans les autres pays, notamment par échange de bandes magnétiques 4. Cet échange, qui assurerait une économie considérable en matière de catalogage, n'est concevable qu'à plusieurs conditions, la première étant de se mettre d'accord sur la normalisation de la notice bibliographique. En effet, différents codes de catalogage montraient que, dans nombre de bibliographies nationales, les mêmes éléments figuraient sur les notices; mais ils n'y figuraient pas dans le même ordre. Or, l'automatisation du catalogage, qui se répand très rapidement, demande une grande rigueur dans l'entrée des notices; il est indispensable d'entrer les éléments toujours dans le même ordre, d'avoir dès l'entrée une notice aussi correcte que possible, pour que toutes les possibilités de reconnaissance en machine se manifestent dans la fabrication des index, des cumulatifs, etc.; ce qui suppose l'écriture de programmes coûteux et compliqués. C'est dire que tous les centres de catalogage qui s'automatisent souhaitent adopter le plus tôt possible des notices normalisées pour se prémunir, autant que faire se peut, contre les changements. Voilà ce qui explique la rapidité du succès de l'ISBD.

Il reste à expliquer à quoi répond le texte, et quelles sont ses limites. Les principales tiennent dans le programme de travail fixé au groupe par la Réunion d'experts de Copenhague.

La notice « devait comprendre très largement les données qui pourraient être utiles pour les catalogues des bibliothèques et pour toutes autres utilisations bibliographiques ». En fait, la doctrine du Contrôle bibliographique universel se précisant, il a été entendu que l'ISBD définirait tous les éléments devant figurer dans une notice destinée à une bibliographie nationale, c'est-à-dire une notice d'identification très complète. C'est donc une notice maximum. Il n'est pas indispensable que tous les éléments énumérés dans l'ISBD figurent dans une notice de catalogue; mais les éléments désirés doivent pouvoir être extraits de cette notice complète que l'on souhaite unique et définitive, c'est-à-dire évitant tout recours ultérieur à la publication elle-même. C'est pourquoi, par exemple, il est recommandé de toujours répéter la mention de l'auteur telle qu'elle figure sur la page de titre, même si l'auteur figure déjà en vedette : c'est dans un souci d'identification précise de la publication, la forme portée sur l'ouvrage pouvant être très différente de celle de la vedette.

Ces éléments retenus doivent être donnés - deuxième recommandation -dans un ordre fixe, qui n'est pas forcément celui de la page de titre. Le premier de ces éléments est le titre de la publication; le nom de l'auteur, même s'il figure en tête de la page de titre, est rejeté après le titre.

Mais il est bien entendu que la notice dont il est question dans l'ISBD est la seule description bibliographique. Ce qui veut dire que les vedettes, les titres uniformes et autres titres de classement ne sont pas du ressort de l'ISBD. En somme, l'ISBD couvre exactement le champ de la norme française NF Z 44-050. Les règles concernant les vedettes ne sont pas changées; Mme Verona a publié l'édition annotée des résolutions de la Conférence de Paris sur les principes de catalogage, qui doit servir de base à une étude ultérieure plus poussée des problèmes se rapportant aux vedettes 5.

L'ordre même des éléments retenus a été fixé dès 1969 par la Réunion d'experts, de sorte que le groupe de travail n'a pas eu à en discuter à nouveau, sauf détails mineurs.

L'ISBD n'est donc pas et ne souhaite pas être un code de catalogage, et il reste bien des précisions que les normes nationales devraient apporter. Toutefois, si l'on veut éviter que des interprétations divergentes n'aboutissent à contrarier la normalisation souhaitable, il est évident que des conférences ultérieures devraient amener à préciser bien des points. Pour notre pays, la nouvelle rédaction de la norme NF Z 44-050, que nous avons mise en chantier, apportera au texte de l'ISBD tous les compléments nécessaires.

Enfin, l'ISBD prescrit une ponctuation qui, nous le savons, bouleversera bien des habitudes - encore que le bon usage en matière de ponctuation ne semble plus s'enseigner dans les écoles comme il l'était autrefois. Cette ponctuation nouvelle est en réalité un codage qui permet d'identifier les éléments qui le suivent. Ainsi, les grandes zones de la notice sont séparées par un tiret - ce qui était déjà notre usage. L'auteur est annoncé par une barre oblique, dont le principal avantage est de ne pas nous obliger à ajouter la préposition par entre crochets chaque fois que le nom est rejeté après le titre. Si nous prenons, par exemple, l'adresse, dont les éléments n'ont pas changé, le nom de l'éditeur est toujours annoncé par deux points, ce qui permettra, dans une notice hongroise par exemple, comportant plusieurs noms de lieux et d'éditeurs, de distinguer aisément les uns des autres.

Au reste, nous ne pensons pas que les bibliothécaires français aient un grand mal à s'adapter à ces nouvelles règles. Nous voudrions ici signaler à leur attention les principaux changements.

Dans la zone du titre, nous voudrions évoquer le cas des avant-titres, assez répandus en France, semble-t-il, puisque j'ai été la seule à soulever la question dans le groupe de travail. Il a été entendu que le titre par lequel commence la description bibliographique est le titre principal qui servira au classement. S'il est précédé d'un avant-titre, ce dernier peut être, soit rejeté après le titre et traité comme un sous-titre si le sens le permet, soit rejeté en note. Le numéro de l'édition constitue une zone particulière; mais c'est la seule dont il est admis qu'elle peut ne pas être remplie. En effet, il n'est pas d'usage que les éditeurs indiquent « Ire édition » sur la page de titre, et il serait hasardeux de l'expliciter. Si donc on n'a pas de certitude en ce qui concerne le numéro de l'édition, on n'indique rien.

Pour l'adresse, aucun changement, sinon qu'il est demandé d'indiquer toujours une date, au moins approximative; la mention « s.d. » est proscrite, et personnellement je m'en réjouis; j'ai trop vu à la Bibliothèque nationale de notices non datées, alors que l'édition était généralement datable à quelques années, sinon quelques mois près.

La collation a donné lieu à maintes discussions. L'idée de base, dans un souci d'identification de l'édition, est de toujours indiquer la pagination de l'éditeur; les pages non numérotées peuvent être ajoutées entre crochets. Le principe retenu est d'indiquer séparément, d'une part l'importance matérielle de l'ouvrage par la pagination totale (planches comprises, mais non indiquées par le mot « planches »), d'autre part la mention qu'il est ou non illustré.

La collection n'est plus mentionnée à l'intérieur de la note, mais dans une zone spéciale entre parenthèses.

Les notes servent à compléter la notice, comme c'était le cas dans la norme française. Nous avons choisi de faire figurer obligatoirement, en tête des notes, le titre original quand il s'agit d'une traduction. Il est bien entendu que les notes sont rédigées dans la langue du catalogueur; seules les additions entre crochets dans la zone du titre sont de préférence dans la langue du titre.

Les lecteurs de la partie officielle de la Bibliographie de la France/Biblio ont déjà eu, depuis le Ier janvier 1973, l'occasion de voir le résultat des nouvelles normes. Nous avons dû rédiger les premières notices sans attendre que la norme française ait pris forme, même à l'état de projet, car nous tenions à honorer nos engagements internationaux. Mais, dès que la traduction française de l'ISBD a été achevée, au printemps 1972, nous avons demandé à l'AFNOR et à la Direction chargée des bibliothèques et de la lecture publique de ressusciter la Commission de catalogage pour mettre en chantier la refonte de la norme NF Z 44-050. Nous aurions souhaité voir travailler dans cette commission plusieurs collègues de province; la chose n'a malheureusement pas été possible, quoique certains d'entre eux aient déjà apporté leurs commentaires. Mais tous vont avoir l'occasion d'envoyer leurs remarques lors de l'enquête publique sur cette norme. Ils ont pu noter, dans la Bibliographie de la France, qu'au moins un de leurs vœux a été pris en considération : nous avons rétabli la mention de l'imprimeur, si utile à la gestion du dépôt légal et du prêt interbibliothèques.

Nous voudrions bien insister sur le fait que, seule la présentation de la notice étant changée, il n'est pas du tout indispensable de couper les catalogues en adoptant les nouvelles normes; ce qui ne serait pas le cas si les règles pour les vedettes subissaient des altérations. Ce n'est pas que la présentation des vedettes ne puisse être touchée par les nécessités de l'automatisation; au contraire, nous serons amenés très vite à uniformiser la présentation des titres honorifiques, aucun titre ne devant demeurer avant le prénom pour que la machine classe les homonymes d'après le prénom. Mais il s'agit là d'une présentation différente, et non d'une altération des principes présidant au choix des vedettes. La future tranche quinquennale du Catalogue général de la Bibliothèque nationale, pour les années 1970-1974, présentera des notices sous les deux formes.

L'ISBD sert aussi à la rédaction des bordereaux qui permettent l'enregistrement des notices des livres annoncés par la partie officielle de la Bibliographie de la France/Biblio sur bandes magnétiques; ces bandes servent actuellement à tester les programmes qui permettront l'édition photocomposée, la fabrication des index et des cumulatifs que l'automatisation doit nous permettre de publier. De plus, des négociations sont menées parallèlement avec nos collègues belges et suisses pour aboutir à une structure commune dite « format francophone », qui permettra dans l'avenir d'obtenir par simple cumulation une bibliographie des ouvrages en français publiés dans les trois pays.

Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines, et nous avançons vers l'automatisation trop lentement à notre gré. Mais nous avons conscience d'être sur la bonne voie et de travailler dans un esprit de coopération internationale dont nous tirerons à notre tour profit quand nous pourrons utiliser directement dans nos catalogues les notices des ouvrages en anglais, en allemand, etc. qui entrent dans nos bibliothèques.

Enfin, nous ne voudrions pas terminer cette note sans annoncer la prochaine publication de l'ISBDS (International Standard Bibliographie Description for Serials), notice bibliographique normalisée pour les publications en série, qui a été établie sur le modèle de l'ISBD par nos collègues Marie-Louise Bossuat et Monique Pelletier, respectivement présidente et secrétaire de la Commission des publications en série de la FIAB Cette nouvelle norme internationale va être prochainement publiée, simultanément en français et en anglais, par le secrétariat de la Commission de catalogage de la FIAB à Londres. Dès la sortie de ce texte, la norme NF Z-44-063 sur le catalogage des publications en série (rédaction de la notice catalographique) sera à son tour remise en chantier.

  1. (retour)↑  International Standard Bibliographic Description : (for single volume and multi-volume monographic publications) / recommended by the Working Group on the International Standard Bibliographical Description set up at the International Meeting of Cataloguing Experts, Copenhagen, 1969. - London : IFLA Committee on Cataloguing, 1971. -36 p.; 25 cm. ISBN o 903043 0I 7 : 13 F.
  2. (retour)↑  État présent de la normalisation du catalogage dans la perspective de l'automatisation, in : Bull. Bibl. France, 15e année, n° 3, mars 1970, p. 127 à 135. Voir plus spécialement les résolutions de la Conférence concernant les notices bibliographiques, p. 132 à 133, et la relation de la première réunion du groupe de travail, Londres, 26-27 octobre 1969, p. 134 à 135. Pour la 2e réunion du groupe de travail, qui s'est tenue à Paris les 23 et 24 mai 1970, voir Bull. Bibl. France, 15e année, n° 9/10, septembre-octobre 1970, p. 528 à 530.
  3. (retour)↑  Cf. Bull. Unesco Bibl., vol. 26, n° 6, nov.-déc. 1972, notice 413.
  4. (retour)↑  Kaltwasser (Franz Georg). - Le Contrôle bibliographique universel, in : Bull. Unesco Bibl., vol. 25, n° 5, sept.-oct. 1971, p. 268 à 276.
  5. (retour)↑  Conférence internationale sur les principes de catalogage. 196I. Paris. - Statement of principles adopted at the International Conference on Cataloguing Principles, Paris, October, 196I. - Annotated edition with commentary and examples by Eva Verona, assisted by Franz Georg Kaltwasser, P. R. Lewis, Roger Pierrot. - London, IFLA Committee on Cataloguing, 1971. - XVIII-119 p.; 25 cm. ISBN o 903043 00 9 : 35 F.