L'inspection générale des bibliothèques

Maurice Caillet

Diverses mesures furent prises dès 1792 pour organiser la masse imposante de documents réunis en France lors de la Révolution. L'inspection générale apparaît en 1822, ce n'est cependant qu'en 1839 qu'un bureau des bibliothèques publiques fut institué au sein du Ministère de l'Instruction publique pour assurer une inspection régulière des bibliothèques. Les attributions des inspecteurs généraux varièrent toutefois considérablement avant d'être définies sous leur forme actuelle par le décret du I3 septembre 1945.

C'est avec la mise à la disposition de la Nation de la masse énorme de livres ayant appartenu aux établissements religieux supprimés, aux institutions abolies, aux émigrés et aux condamnés par les tribunaux révolutionnaires, que le problème de l'envoi à travers la France de « missionnaires » délégués par le pouvoir central s'est posé pour la première fois. Les autorités locales, débordées par l'importance de l'œuvre de rassemblement, de tri et de catalogage des fonds, qui leur incombait et sollicitées par d'autres tâches à leurs yeux plus urgentes, disposaient rarement de bibliographes compétents pour effectuer ce travail.

En 179I, sur la suggestion de l'Abbé Jacquemart, député suppléant du Clergé de la Sénéchaussée d'Anjou, on envisagea l'envoi dans les départements d'experts munis de pleins pouvoirs pour veiller au regroupement des ouvrages provenant des établissements supprimés et pour effectuer leur tri. Mais, sur l'intervention du duc de la Rochefoucault, ce projet fut repoussé.

Cependant, le « Comité des monuments » institué sur la proposition de ce dernier par l'Assemblée législative envoya en 1792 certains bibliographes en mission, mais cette initiative paraît avoir été sans lendemain 1.

Les vicissitudes des bibliothèques parisiennes et provinciales au cours de la période qui s'étend du 14 novembre 1789 (décret concernant les premières mesures conservatoires prises pour les fonds religieux) au 11 Floréal An X et au 8 Pluviose An XI (loi et arrêté consulaires qui marquent la véritable naissance des bibliothèques municipales) n'ont d'ailleurs pas à être évoquées ici.

Notons cependant la tendance croissante de l'administration centrale sous le Consulat et l'Empire à mettre sur pied une véritable organisation des bibliothèques. Dès 1806, nous voyons celles-ci relever, au Département de l'Intérieur, 3me Division, du Bureau des Sciences, ayant dans ses attributions l'Institut, les Bibliothèques et les Dépôts littéraires.

Rattaché successivement, au gré des vicissitudes politiques et des réorganisations ministérielles, à diverses divisions de l'Intérieur et changeant souvent de dénomination, ce bureau eut pour chef à partir de 1818 Charles-Hyacinthe His 2. En 1822, celui-ci, devenu entre-temps chef de la Division de la Librairie, sera, par décision royale du Ier juin, nommé titulaire du poste d'Inspecteur général des bibliothèques et dépôts littéraires du Royaume créé à son intention.

Il n'est pas inutile de citer ici le rapport au Roi du Ministre de l'Intérieur, comte de Corbières, qui est le point de départ de l'Inspection générale des bibliothèques : « Sire, les bibliothèques et autres dépôts littéraires, qui existent à Paris et dans les principales villes de votre royaume, exigent, surtout dans ces dernières, qu'il soit pris des précautions pour reconnaître leur situation, pour opérer des échanges qui peuvent enrichir plusieurs de ces dépôts sans appauvrir les autres, ainsi que pour soumettre désormais leur conservation à une prévoyante surveillance.

C'est dans ce but que j'ai l'honneur de demander à Votre Majesté de créer un inspecteur qui sera chargé de ce soin et de nommer à ce poste le Sieur His, l'un des employés supérieurs de mon ministère, que recommandent des travaux dans les lettres et de longs services dans l'administration. Ce sera pour lui une retraite méritée, en même temps qu'un moyen de continuer à être utile.

Enfin, je prie Votre Majesté de décider qu'il jouira à ce titre d'un traitement annuel de 8 ooo Frs. pris sur les fonds alloués au budget de l'Intérieur pour encouragement aux Lettres, lequel traitement demeurera indépendant des frais de route au remboursement desquels il aura droit toutes les fois qu'il sera envoyé en tournée. 3 »

En fait cette nomination aurait eu essentiellement pour but, selon His, de l'écarter de l'administration active par suite de divergences d'opinion avec son ministre.

Bien qu'âgé seulement de 53 ans en 1822, il paraît avoir manifesté peu d'activité dans son nouveau poste, qu'il considérait comme une disgrâce et pour lequel, lors du transfert de la division des Lettres et des Sciences du Ministère de l'Intérieur à celui du Commerce et des Travaux Publics, en 1830, il avait eu l'amertume de voir son traitement amputé de 2 ooo Frs au profit de celui de l'inspecteur des haras.

La seule inspection faite par lui dont les archives aient conservé la trace, est celle qu'il effectua en 1839 des trois « bibliothèques secondaires de Paris », Arsenal, Mazarine et Sainte-Geneviève, en exécution de l'ordonnance royale du 22 février de cette année réorganisant les bibliothèques publiques de la capitale.

Auparavant les bibliothèques provinciales avaient bénéficié du zèle efficace de Jean-Baptiste Buchon. Cet homme de lettres, bon bibliographe, avait été chargé en 1828 par le vicomte de Martignac, Ministre de l'Intérieur, d'une mission d'enquête dans les départements sur l'état des bibliothèques, des archives et des musées.

Ses rapports, relatifs à des établissements situés dans une dizaine de départements du centre et de l'est de la France et l'excellent questionnaire qu'il avait envoyé en prévision de ses tournées aux maires et aux conservateurs, ont fait l'objet de plusieurs publications. Ils constituent pour les dépôts qu'il a visités une précieuse source de renseignements pour une période mal connue de leur histoire 4.

Buchon, nommé le Ier août 1829 inspecteur des archives du Royaume, sera révoqué moins de huit semaines après, en raison de ses opinions libérales, par le nouveau Ministre de l'Intérieur, comte de La Bourdonnais.

Les bibliothèques, détachées du Ministère de l'Intérieur au profit de celui du Commerce après la révolution de 1830, seront transférées en 1833 au Ministère de l'Instruction publique, division des Sciences et Belles Lettres. A part un bref rattachement de quelques mois à la fin de 1860 au Ministère d'État, elles ne quitteront plus jusqu'à nos jours ce département ministériel devenu en 1932 celui de l'Éducation Nationale.

La monarchie de Juillet, sous l'impulsion de Guizot et de Salvandy, fit un effort certain en faveur des bibliothèques. La loi du 20 juillet 183I entreprit, en particulier, de régulariser le fonctionnement trop souvent anarchique des bibliothèques publiques; elle prévoyait pour certaines d'entre elles contrôle permanent ou inspections. Comme, vraisemblablement, on ne pouvait compter sur His pour ces dernières, diverses personnalités furent chargées de missions temporaires; Miche-let est le plus illustre de ces inspecteurs occasionnels.

En 1838 Salvandy prend l'initiative d'instituer au sein de son ministère un bureau des bibliothèques publiques; en 1839, pour assurer à celles-ci une inspection régulière, il obtient du Roi que soit créé un poste d'inspecteur général des Bibliothèques publiques de France. Son premier titulaire, Félix Ravaisson-Mollien, universitaire de grande classe, est un des collaborateurs immédiats du Ministre. Chargé de l'inspection des Bibliothèques des départements, il se verra confier des missions à la Bibliothèque royale (ouverture d'une salle pour le Cabinet des Estampes, échanges de documents avec les Archives) et dans diverses bibliothèques parisiennes.

En 184I il est membre de droit de la commission instituée en exécution de l'ordonnance du 3 août de cette année prescrivant « qu'il sera dressé et publié un Catalogue général et détaillé de tous les manuscrits en langues anciennes ou modernes actuellement existant dans les bibliothèques publiques des départements » et ses successeurs auront à cœur de jouer un rôle souvent déterminant dans la continuation de cette vaste entreprise 5. L'année suivante il devient aussi membre du Comité pour la publication des documents inédits de l'Histoire de France.

La seconde République allait ajouter aux attributions de Ravaisson l'inspection des bibliothèques de l'ex-liste civile du roi, celles des palais de Saint-Cloud, Versailles, Meudon, Compiègne et Fontainebleau.

Ces « bibliothèques de la Couronne », auxquelles le Second Empire unira celles des Tuileries, du Louvre et de l'Élysée, furent, en 1852, rattachées au Ministère d'État; de 1853 à 1855 elles eurent pour inspecteur général Auguste Romieu, qui acheva dans ces fonctions une carrière littéraire et mondaine brillante, mais précocement interrompue. Il paraît avoir été le seul titulaire de cet emploi, probablement créé pour lui.

Au cours du règne de Napoléon III les bibliothèques connaissent un nouvel essor grâce, en particulier, à l'action d'un remarquable ministre de l'Instruction publique, l'historien Victor Duruy, mais cette évolution n'aura pas de conséquences profondes pour l'inspection générale des bibliothèques publiques.

Celle-ci continue à se recruter parmi les universitaires : Ravaisson, Matter, Artaud, Baudrillart, ou les écrivains : Romieu, Nicolas, Empis, Wey. Beaucoup sont des érudits, la plupart ont exercé des fonctions administratives, mais aucun n'a de réelle expérience professionnelle. Leur fonction est assimilée à l'inspection générale de l'enseignement supérieur en vertu d'une décision de Salvandy, mais ils restent malgré tout en marge des structures universitaires. Il est caractéristique sur ce point que l'Almanach impérial, qui donne chaque année scrupuleusement la liste des inspecteurs généraux, de l'Enseignement supérieur aux Salles d'asile en passant par les Archives, les Musées et les Monuments historiques, ne mentionne jamais les inspecteurs des Bibliothèques. Il en est de même du décret organique du 9 mars 1852 sur l'Instruction publique et du rapport à l'Empereur du ministre Fourtoul du 19 septembre 1853. Il y est bien dit que les inspecteurs généraux sont nommés par le chef de l'État sur proposition du ministre, mais il n'est fait référence qu'à ceux de l'enseignement 6.

Pour la majorité des inspecteurs généraux des bibliothèques, leur poste n'est d'ailleurs qu'un palier dans l'attente d'autres fonctions, ce fut, notamment, le cas pour Ravaisson, Artaud et Nicolas, à moins que leur nomination ne marque la fin résignée de leurs ambitions, comme pour Empis ou Romieu. Wey, chartiste de formation et Baudrillart, universitaire converti à la lecture publique, feront par contre une longue carrière au service des bibliothèques et des archives.

Le domaine de l'inspection générale reste inchangé : bibliothèques municipales et grands établissements parisiens, essentiellement la Bibliothèque nationale veillant jalousement à sauvegarder son indépendance malgré quelques missions exceptionnelles confiées par le ministre aux inspecteurs généraux 7.

Mais le Second Empire vit aussi la naissance ou l'extension de deux sortes de bibliothèques qui furent un nouveau terrain d'action pour l'inspection générale, les bibliothèques universitaires et les bibliothèques populaires et scolaires.

Le 18 mars 1855 un arrêté du Ministre de l'Instruction publique, Fourtoul, instituait les bibliothèques des académies et le 20 mars une circulaire d'application du même ministre définissait pour les recteurs l'esprit dans lequel devait être envisagée l'implantation de ces bibliothèques dans les bâtiments destinés aux facultés nouvelles.

Il ne paraît pas que l'inspection des bibliothèques universitaires ait été prévue dès ce moment-là; ce n'est qu'en 1873 en tout cas que nous voyons Henri Baudrillart chargé d'inspecter les bibliothèques des facultés, comme d'ailleurs celles des lycées, qui se trouveront incluses dans le cadre de ses tournées d'inspection des bibliothèques publiques.

Le 31 janvier 1879 une commission centrale des bibliothèques académiques et des collections des facultés est créée et le 8 mai 1880 deux membres de cette commission, Jules de Chantepie du Dezert, ancien bibliothécaire de l'École normale supérieure et Lorédan Larchey, conservateur à la bibliothèque de l'Arsenal, sont chargés d'une mission d'inspection des bibliothèques universitaires. Ces missions furent régulièrement renouvelées pour Larchey jusqu'en 1883, pour Chantepie jusqu'en 1904. En 1905, Henri Omont, conservateur du Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque nationale, leur succède; il sera le dernier à porter ce titre, qui lui avait d'ailleurs été conféré surtout pour des raisons administratives. En fait l'inspection des Bibliothèques universitaires était à ce moment déjà du ressort des inspecteurs généraux des bibliothèques et des archives, qui l'ont conservée depuis dans leurs attributions.

Notons aussi, dans le domaine universitaire, la création par arrêté du 25 octobre 1883 d'un poste d'inspecteur du service des échanges universitaires. Auguste Carrière, professeur à « l'École des Langues Vivantes », membre de la commission centrale des bibliothèques universitaires, en sera titulaire jusqu'en 1890, date à laquelle il est remplacé par Jules de Chantepie, délégué dans ces fonctions jusqu'en 1903.

A côté des bibliothèques municipales cantonnées strictement la plupart du temps. dans le rôle de bibliothèques de conservation et d'étude, le courant d'idées généreuses et sociales qui s'était développé en France au milieu du XIXe siècle avait fait naître des bibliothèques populaires.

Celles-ci, dont la création était due à l'initiative de municipalités, de grands propriétaires, d'industriels, d'associations à caractère social, philanthropique ou religieux, commencèrent par proliférer de façon anarchique. Victor Duruy, ministre très ouvert aux idées nouvelles, fit un effort considérable en leur faveur ainsi qu'en celle des bibliothèques des écoles publiques, des hôpitaux et des casernes. Il favorisa par tous les moyens en son pouvoir leur création et leur développement, en particulier par ses interventions auprès des autorités locales et des dons de livres; les nombreuses et intéressantes notes qu'a publiées à ce sujet le Bulletin administratif du Ministère de l'Instruction publique témoignent de l'ampleur de son action et de son efficacité. Parallèlement aux initiatives du Ministre, la Ville de Paris entreprend alors de s'équiper en bibliothèques publiques. La première bibliothèque d'arrondissement est ouverte en 1865 et, l'année suivante, son promoteur, Alexandre de Saint-Albin, voit créer pour lui par le préfet de la Seine le poste d'inspecteur des bibliothèques populaires des mairies 8.

La troisième République, à ses débuts, poursuivra l'œuvre de Duruy et l'intensifiera, en particulier sous l'impulsion de Jules Ferry. En 1874 un service des bibliothèques populaires est créé au Ministère de l'Instruction publique; la même année un arrêté ministériel confie l'inspection des bibliothèques populaires « qui accepteraient le contrôle du ministère » à l'inspecteur général des bibliothèques, aux inspecteurs d'Académie dans leur ressort, à un membre de l'Université, ou à un ancien élève de l'École des Chartes.

En fait les résultats furent décevants; les rapports de Baudrillart témoignent des réticences, voire des refus auxquels il s'est heurté pour accomplir sa mission, pour des raisons politiques ou confessionnelles, soit de la part des animateurs locaux soit de celle de la Ligue de l'Enseignement qui « coiffait » de nombreuses bibliothèques populaires. Comme le note, désabusé, l'inspecteur général, les dons du ministère sont volontiers acceptés, mais non son contrôle.

Pour faciliter celui-ci et donner plus de poids aux directives de l'administration centrale, deux inspecteurs des bibliothèques populaires et scolaires sont nommés en 1878. L'un de leurs successeurs deviendra en 1884 inspecteur général des bibliothèques et des archives 9 et cette inspection particulière disparaîtra.

1884 est, d'ailleurs, une date importante dans l'histoire de l'inspection générale, Jusqu'alors celle-ci avait été assurée par des fonctionnaires aux attributions parfois mal définies : tel inspecteur des bibliothèques municipales s'occupe, en outre, de bibliothèques universitaires et populaires; tel inspecteur des bibliothèques universitaires reçoit mission de contrôler l'état des fonds anciens des bibliothèques municipales; des inspecteurs de l'instruction publique visitent des bibliothèques en Corse et en Algérie... Comme les établissements de leur ressort, ces inspecteurs relevaient aussi de bureaux différents du ministère, le troisième pour les « grandes bibliothèques », le quatrième pour les bibliothèques populaires, ce qui aggravait la confusion.

Le décret du 21 mars 1884 pris en application de la loi des finances du 20 mars va profondément modifier cet état de chose. Sur la proposition du ministre de l'Intérieur, Waldeck-Rousseau et de celui de l'Instruction publique, Fallières, les archives départementales, communales et hospitalières ne relèveront plus désormais de l'Intérieur, mais de l'Éducation Nationale.

Par voie de conséquence l'inspection des archives est tranférée à ce dernier ministère et, suivant les termes du rapport ministériel, ce rattachement « permettra d'utiliser les inspecteurs chargés de les vérifier, pour la visite des bibliothèques qui, dans l'état actuel, à cause de l'insuffisance du personnel, ne peuvent être qu'imparfaitement surveillées. Le ministre de l'Instruction publique ne dispose en effet, que d'un inspecteur pour toutes les bibliothèques savantes et d'un inspecteur pour les bibliothèques scolaires et populaires. Les archives et les bibliothèques paraissent présenter assez d'affinité pour que leur tenue puisse être contrôlée par les mêmes fonctionnaires. En réunissant les inspecteurs des archives à ceux des bibliothèques, on fera, sans augmentation de dépenses, visiter plus fréquemment les unes et les autres et les deux services y gagneront. »

En conséquence de quoi le décret du 3I mars suivant nommait inspecteurs généraux des bibliothèques et des archives MM. Baudrillart, membre de l'Institut, inspecteur général des bibliothèques municipales, Lacombe, inspecteur général des archives, Robert, inspecteur général des bibliothèques populaires et scolaires et Servois, inspecteur général des archives.

Les effets bénéfiques de cette mesure n'allaient pas se faire longtemps sentir; quand Gustave Servois fut, en 1888, nommé garde général des Archives, il ne fut pas remplacé, mais, comme le chiffre de trois inspecteurs s'avérait insuffisant, des missions de plus ou moins longue durée furent confiées à des inspecteurs généraux hors cadre, comme de Chantepie ou Omont, ou honoraires comme Lacombe.

En 192I une mesure plus restrictive encore va intervenir : au moment où Camille Bloch quitte l'inspection générale pour prendre la direction de la bibliothèque-musée de la Guerre et où son remplacement par Henri Courteault, le futur directeur des Archives de France, est prévu, un décret, pris le 15 juin, dans le cadre des mesures d'austérité alors en vigueur, ramène de trois à deux l'effectif des inspecteurs généraux des archives et bibliothèques. Il n'allait plus varier jusqu'en 1945.

Le décret du 6 avril 1880 organisant l'inspection générale des services administratifs du ministère de l'Intérieur prévoyait que les inspecteurs généraux des archives devaient être recrutés parmi les archivistes paléographes.

Un conflit s'éleva à ce sujet en 1902 quand, à la mort d'Alphonse Passier, Pol Neveux, romancier et chef adjoint du Cabinet du Ministre de l'Instruction publique, Georges Leygues, fut nommé pour lui succéder. L'historien Auguste Molinier et quatre autres archivistes paléographes se fondant sur le décret de 1880 formèrent un pourvoi contre cette nomination. Le Conseil d'État, par arrêté du 4 décembre 1903, se prononça contre eux, mais Pol Neveux, qui n'était pas chartiste, n'eut l'inspection que des bibliothèques.

Au début du xxe siècle, il se trouvait plusieurs commissions intéressant les bibliothèques au sein du ministère de l'Instruction publique. Les plus importantes étaient la commission supérieure des bibliothèques et les quatre commissions des bibliothèques nationales et municipales; populaires, communales et libres; universitaires; de l'enseignement primaire. Les inspecteurs en étaient membres, à l'exception de la dernière.

Il existait aussi un comité des inspecteurs généraux des bibliothèques tenant séance sous la présidence du directeur de l'Enseignement supérieur; il paraît avoir fonctionné de façon sporadique de 1903 à 193I.

Il y a peu de faits à relever concernant l'inspection générale au cours des années ayant précédé la guerre de 1014; on peut cependant constater qu'à ce moment-là, sans doute sous l'impulsion du directeur de l'Enseignement supérieur Bayet, les attributions des inspecteurs tendent à déborder leur cadre traditionnel; c'est ainsi qu'en 1905 Bernard Prost visite les bibliothèques municipales et populaires de Paris et qu'à plusieurs reprises l'inspection intervient à la Bibliothèque nationale 10.

La période de l'entre-deux-guerres fut essentiellement marquée par la participation des inspecteurs, en particulier Pol Neveux et Charles Schmidt, à la reconstitution des bibliothèques sinistrées et à l'insertion de celles des départements recouvrés dans le cadre des bibliothèques françaises.

La même tâche incomba à l'inspection générale après la guerre de 1939-1945 qui avait plus durement encore frappé nos bibliothèques. En 1945, après la création d'une Direction des Bibliothèques de France et de la Lecture Publique rattachée à la Direction Générale des Arts et des Lettres du Ministère de l'Éducation nationale, le nombre des inspecteurs généraux fut porté à trois (décret du 13 septembre 1945) en même temps que l'inspection générale des Bibliothèques était dissociée de celle des Archives. Un quatrième poste d'inspecteur général a été créé au premier janvier 1969. Les conditions de recrutement du corps des inspecteurs généraux des bibliothèques fixées par le décret du 16 mai 1952 n'ont pas été sensiblement modifiées par le nouveau statut du personnel scientifique des bibliothèques ayant fait l'objet du décret du 3I décembre 1969. (à suivre)

Annexe

Listes chronologiques

I. - Inspecteurs généraux des bibliothèques

1822 - HIS. Inspecteur général des Bibliothèques et Dépôts littéraires du Royaume, j. 1848.

1839 - RAVAISSON-MOLLIEN. Inspecteur général des Bibliothèques publiques, j. 1844, puis de 1847 à 1852.

1845 - MATTER. Inspecteur général des Bibliothèques, j. 1846.

1852 - ARTAUD. Inspecteur général des Bibliothèques, j. 1854.

1854 - NICOLAS. Inspecteur général des Bibliothèques de France, j. 1859.

1860 - EMPIS. Inspecteur général des Bibliothèques, j. 1868.

1869 - BAUDRILLART. Inspecteur général des Bibliothèques, j. 1884, puis des Bibliothèques et des Archives, j. 189I.

1884 - ROBERT. Inspecteur général des Bibliothèques populaires et scolaires, j. 1884, puis des Bibliothèques et des Archives, j. 1903.

1884 - LACOMBE. Inspecteur général des Archives, j, 1884, puis des Bibliothèques et des Archives, j. 1900.

1884 - SERVOIS. Inspecteur général des Archives, j. 1884, puis des Bibliothèques et des Archives, j. 1888.

1892 - DUCOUDRAY de LA BLANCHERE. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 1896.

1896 - PROST. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 1905.

1901 - PASSIER. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 6 octobre 190I.

1902 - NEVEUX. Inspecteur général des Bibliothèques, j. 1035.

1904 - Bloch. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 1921.

1906 - CHEVREUX. Inspecteur général des Bibliothèques er des Archives, j. 1913.

1913 - VIDIER. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 1927.

1928 - SCHMIDT. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 1940.

1936 - DACIER. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 1941.

1940 - BOUTERON. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 1944.

194I - CELIER. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 1945, puis Inspecteur général des Archives seules.

1944 - MASSON. Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, j. 1945, puis des bibliothèques seules, j. 1970.

1945 - LELIÈVRE. Inspecteur général des Bibliothèques, adjoint au Directeur, j. 1964.

1945 - VENDEL. Inspecteur général des Bibliothèques, j. 1949.

1949 - BRUN. Inspecteur général des Bibliothèques, j. 1963.

1963 - CAILLET. Inspecteur général des Bibliothèques.

1965 - POINDRON. Inspecteur général des Bibliothèques, adjoint au Directeur.

1970 - DESGRAVES. Inspecteur général des Bibliothèques.

II. - Inspecteur général des bibliothèques de la couronne

1853 - ROMIEU. j. 1855.

III. - Inspecteur général des bibliothèques départementales et communales

1856 - WEY. Inspecteur général des Bibliothèques départementales et communales, puis, à partir de 1858, des Archives et Bibliothèques départementales et communales, j. 1882.

IV. - Inspecteurs généraux des bibliothèques scolaires et populaires

1878 - TOPIN. Inspecteur général, j. 1884.

1878 - KLEINE. Chargé des fonctions d'inspecteur général,j. 1885.

1883 - ROBERT. Inspecteur général des Bibliothèques populaires, j. 1884, puis des Bibliothèques et des Archives.

1884 - ROBERTET. Chargé de l'inspection générale des Bibliothèques populaires et scolaires des académies d'Aix, Clermont et Montpellier, j. 1886.

V. - Inspecteurs généraux des bibliothèques universitaires

1880 - CHANTEPIE du DEZERT (de). Inspecteur général des Bibliothèques universitaires, puis Inspecteur général hors cadre des Bibliothèques, j. 1904.

1905 - OMONT. Inspecteur général des Bibliothèques universitaires, puis Inspecteur général hors cadre des Bibliothèques, j. 1940.

VI. - Inspecteurs du service des échanges universitaires

1883 - CARRIÈRE. j. 1890.

1890 - CHANTEPIE du DEZERT (de). Délégué dans les fonctions, j. 1903.

VII. - Chargés d'inspection dans les bibliothèques

1828 - BUCHON. Chargé d'une mission d'enquête dans des bibliothèques de départements du centre et de l'est de la France.

1830 - VITET. Chargé d'une mission d'enquête dans des bibliothèques de départements de la région parisienne et du nord.

1835 - MICHELET. Chargé d'une mission d'inspection dans des bibliothèques des départements du sud-ouest.

1873 - LARCHEY. Chargé de missions de recherche et d'inspection dans des bibliothèques universitaires et municipales, j. 1883.

1876 - COURGEON. Chargé d'inspecter les bibliothèques de la Corse et de l'Algérie, j. 1877.

1878 - CHASLES. Chargé d'inspection des bibliothèques d'Alger.

194I - BONNEROT. Chargé depuis 1939 de la direction de l'ensemble des bibliothèques de l'Université de Paris, avec rang et prérogatives d'inspecteur général à compter de 194I.

  1. (retour)↑  Sur cette question des « missionnaires » bibliographes, cf. RIBERETTE (Pierre). - Les Bibliothèques françaises pendant la Révolution (1789-1795). - Paris, Bibliothèque nationale, 1970, 8° (Comité des Travaux Historiques et Scientifiques) pages 13, 35 et 123.
  2. (retour)↑  Sur ce personnage, comme sur les autres inspecteurs des bibliothèques, cf. les notes biographiques à la fin de l'article.
  3. (retour)↑  Archives Nationales, F. 17 20957, dossier personnel de Ch. H. His.
  4. (retour)↑  Sur le petit nombre de bibliothèques municipales existant en France à cette époque, cf. aussi BAILLY (Jean-Louis). - Notices historiques sur les bibliothèques anciennes et modernes... - Paris, Rousselon, 1828, 8°.
  5. (retour)↑  A ce propos, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que le trop célèbre comte Libri ne fut jamais inspecteur des bibliothèques. C'est sous le couvert de ses fonctions de secrétaire de la Commission du Catalogue général des manuscrits qu'il a « écumé » les fonds anciens de trop nombreuses bibliothèques parisiennes et provinciales.
  6. (retour)↑  En 1861 une note ministérielle relative à une querelle de préséance intéressant la bibliothèque de la Sorbonne précise que l'inspecteur général des bibliothèques relève directement du Ministre. (A.N.F. 17. 3570).
  7. (retour)↑  Lors de la nomination le 25 février 1860 d'Adolphe Empis, l'administrateur général de la Bibliothèque nationale, Jules-Antoine Taschereau, protesta avec véhémence contre les attributions, trop larges à ses yeux, qu'il avait obtenues et eut gain de cause.
  8. (retour)↑  Sur l'inspection des bibliothèques de la Ville de Paris et du département de la Seine, cf. le chapitre placé en appendice.
  9. (retour)↑  A côté de ces inspecteurs, d'autres fonctionnaires du ministère se virent confier temporairement des missions d'inspection, tel, de 1884 à 1886, le chef de bureau Georges Robertet, dans les bibliothèques populaires des académies d'Aix, Clermont et Montpellier.
  10. (retour)↑  Par exemple : 19II, 17 janvier, lettre du Ministre à l'Administrateur Général : « j'ai l'honneur de vous informer que j'ai chargé MM. les Inspecteurs généraux des bibliothèques de procéder dans le courant de cet hiver à une nouvelle inspection de la Bibliothèque nationale. L'objet principal de leur visite sera de se renseigner sur les points suivants : organisation du département des imprimés; confection du catalogue général et des catalogues particuliers; fonctionnement du dépôt légal; le dépôt des journaux; le département des manuscrits. »