La nouvelle bibliothèque scientifique universitaire de Reims

Jeanne Condamin

Le bâtiment qui abrite depuis 1965 la Bibliothèque universitaire, créée dans le cadre de la Faculté des sciences de Reims, a été inauguré officiellement le 12 janvier 1967. Cette bibliothèque située dans la partie Nord-Ouest du terrain de la Faculté se caractérise par un bâtiment à deux niveaux principaux construits autour d'un patio. Après une description sommaire des locaux, la bibliothécaire, chef de service, indique brièvement les difficultés rencontrées et l'orientation que semble devoir prendre la bibliothèque au bout d'un an de fonctionnement.

Une année d'utilisation

Historique.

L'immeuble qui a ouvert ses portes, le 2 novembre 1965, aux divers usagers de la Faculté des Sciences, sur le plateau du Moulin de la Housse, constitue la première demeure autonome de la Bibliothèque universitaire de Reims. 1

La Faculté des Sciences fut créée par décret le 4 juillet 1959, avant même la création de l'Académie de Reims, intervenue en janvier 1962. De mars à novembre 1960, la Bibliothèque de la Faculté des sciences avait été installée dans un petit bureau provisoire, rue Vauthier le Noir; ce bureau servait également dans la journée de salle des professeurs de la Faculté et le soir de secrétariat pour les cours du C.N.A.M.

En novembre 1960, à la demande de M. l'Inspecteur général Masson, la municipalité de Reims nous accorda une salle de la Bibliothèque municipale, à titre provisoire. Cette installation dura cinq ans, pendant lesquels les premières collections de la bibliothèque furent réunies et mises tout de suite à la disposition des lecteurs, suivant la Classification décimale universelle. Dès 1962, la salle, qui pouvait recevoir 36 lecteurs, se révéla trop exiguë pour loger l'ensemble des ouvrages et des périodiques. Une partie du fonds dut être transférée dans la petite pièce du sous-sol servant de secrétariat. Ce fut l'embryon des secteurs spécialisés.

Pendant les trois années suivantes, les périodiques remplirent peu à peu la moitié du dernier étage des magasins de la Bibliothèque municipale. Les appareils de multigraphie et de photocopie furent entreposés dans des petites salles et dégagements de la bibliothèque qui nous hébergeait. Le divorce entre les besoins de la bibliothèque scientifique et les moyens mis à sa disposition s'affirmait de plus en plus. Mais grâce à l'extrême obligeance de M. Laslier, notre collègue de la Bibliothèque municipale et grâce à l'amabilité de son personnel, nous pûmes travailler dans un climat de bonne intelligence et de compréhension réciproque.

Pendant tout ce temps, la Faculté des Sciences et la bibliothèque s'édifiaient, sur le terrain du Moulin de la Housse. Des projets de construction sont dressés, dès juin 1960, par les architectes désignés pour l'ensemble des bâtiments de la Faculté, MM. Marcel Lods et Dubard de Gaillarbois, mais plusieurs modifications intervinrent par la suite. Les avant-projets reçoivent l'accord du Conseil général des bâtiments de France en mars 1961 et un arrêté ministériel de décembre 1962 prévoit l'engagement des dépenses pour la construction de la bibliothèque. Les travaux débutent seulement en juin 1964, des hivers rigoureux ayant retardé l'ensemble des constructions. D'autre part, des difficultés techniques liées à la hauteur des poteaux de la bibliothèque côté Nord ont entravé l'édification régulière du bâtiment.

En juin 1965, beaucoup reste à faire et l'installation se fait en automne dans un bâtiment qui est encore en chantier. Des travaux vont se poursuivre d'une façon sporadique durant tout le premier hiver d'utilisation.

Site de la bibliothèque.

Située à l'une des sorties de la ville sur la route de Châlons-sur-Marne, la bibliothèque se trouve à l'angle Nord-Ouest du territoire de la Faculté. Proche des locaux de l'administration, des amphithéâtres, du département de mathématiques, elle est excentrique par rapport à celui des sciences naturelles. L'architecte, pour faciliter des extensions latérales ultérieures, a prévu des bâtiments sans étage. La bibliothèque et les bâtiments de recherche de physique et chimie à deux ou trois niveaux sont l'exception.

Les autres bâtiments universitaires, en cours de construction ou en projet, sont situés au Sud et à l'Ouest de la ville. La dispersion des diverses sections de la bibliothèque qui en résultera nous forcera à prévoir la coordination de certaines activités, sans création à proprement parler d'une « section centrale ».

Disposition des locaux.

La bibliothèque utilise une déclivité Sud-Nord du terrain, assez sensible pour qu'un sous-sol avec accès direct de l'extérieur ait pu être envisagé sur la face nord.

Elle se présente sous l'aspect d'un quadrilatère d'environ 45 m sur 33,50 m. L'entrée principale, très légèrement surélevée, se trouve sur le grand côté, orientée est-sud-est. Un patio central de 15,50 m sur 14 m permet à toutes les parties du bâtiment de recevoir un éclairage naturel suffisant.

L'architecte a utilisé pour l'ensemble des bâtiments de la Faculté des matériaux et une technique résolument modernes : piliers extérieurs en béton blanc supportant l'ensemble, aluminium anodisé et grands vitrages constituant les façades. Les rares cloisons intérieures sont en ciment. Les sols sont recouverts de dalles de gerflex au rez-de-chaussée, de lés de sisal gris foncé au premier étage. Ceux-ci ont malheureusement déjà changé de couleur malgré la présence de stores à lamelles orientables qui tamisent la lumière très crue de la Champagne. Le chauffage se fait par air pulsé; les gaines d'alimentation d'air chaud sont placées dans le faux plafond. Une gaine de reprise d'air court le long des allèges sous les fenêtres aux deux niveaux et sous les impostes du sous-sol. L'éclairage luminescent est fourni par des lampes encastrées dans le plafond.

Ce bâtiment a été conçu dès le début pour appliquer les instructions de 1962 concernant les bibliothèques universitaires. Les salles publiques sont sur deux niveaux.

Le sous-sol, de plain-pied avec l'extérieur, comprend une partie réservée aux magasins, deux pièces pour l'arrivée des paquets, la préparation de la reliure, les travaux de photocopie et de multigraphie. Plusieurs pièces entièrement obscures sont prévues pour l'installation d'un laboratoire de photographie.

Au rez-de-chaussée, par-delà le grand hall d'entrée, où quelques « chauffeuses » et guéridons bas ont été disposés, la banque de prêt se profile sur le petit côté du patio. Adossée au bloc magasin, elle commande l'accès de la salle de lecture et de travail de cet étage. Formée de deux parties, cette salle prend l'aspect d'un L renversé; le grand côté est orienté à l'ouest et le petit au sud. Elle offre 214 places réparties en tables de 4 personnes.

Trois bureaux et les dégagements des services intérieurs : couloir, escalier et ascenseur, sont aménagés à l'angle nord-est du bâtiment à la suite du catalogue sur la droite du hall.

A gauche, dans le hall, un grand escalier à trois volées monte au premier étage. Derrière, un emplacement est réservé pour le vestiaire sous la surveillance directe de la loge du concierge.

Le premier étage comprend exclusivement, à part deux bureaux situés à l'aplomb de ceux du rez-de-chaussée, une grande salle sans aucun morcellement de volume. Elle regroupe les différents secteurs spécialisés qui vont des mathématiques aux sciences biologiques quand on tourne autour du patio dans le sens des aiguilles d'une montre. « Présentoirs » à périodiques et rayonnages bas (hauteur : 1,30 m) alternent et délimitent les sections. Cet étage peut accueillir 140 personnes sans que l'installation des tables (I, 2 ou 4 places) et des chaises y soit très serrée. Le mobilier de ces deux étages est en plaqué acajou naturel.

Quelques remarques sur son fonctionnement depuis un an.

Dès l'ouverture de ses salles, la bibliothèque a été très appréciée par les étudiants. Par rapport à la dernière année passée Place Carnégie, les chiffres sont parlants : 6758 entrées en 1964-1965, plus de 27 ooo en 1965-1966.

La plupart des ouvrages sont en accès libre. Se trouvent dans les magasins : les collections plus anciennes, les 5e et 6e exemplaires, les thèses, les années antérieures de périodiques. Au rez-de-chaussée, réservé aux étudiants, les ouvrages sont placés dans des « caissons » sous les fenêtres et dans des rayonnages muraux. 4 000 ouvrages environ peuvent être consultés librement. Les sections représentées ont des importances variables :

Ouvrages généraux..................................... 84
- de mathématiques .......................... 82I
- de physique ................................ 1 075
- de chimie .................................. 646
- de géologie ..... 346
- de biologie ............................ 918

Les sciences appliquées sont regroupées à la suite des sciences fondamentales correspondantes. Une vingtaine de périodiques très généraux sont à la disposition des étudiants. Un exemplaire des manuels et des cours les plus demandés a été « exclu du prêt » pour permettre le travail sur place. Toutefois, à la fin de l'année, il a fallu mettre tous ces ouvrages « exclus du prêt » derrière la banque, sous la surveillance directe des gardiens. En effet, le récolement de fin d'année a fait apparaître un nombre important de disparitions. On espère qu'elles ne seront que momentanées et correspondent à des emprunts « clandestins ». Le nombre réduit de gardiens (2 pendant l'année écoulée) et l'absence de vestiaire nous ont rendu tout contrôle difficile. L'ouverture des serviettes à la sortie fut faite à intervalles trop irréguliers pour être efficace.

La salle du premier étage, réservée essentiellement aux professeurs, assistants et étudiants préparant un diplôme, n'a pas eu une fréquentation intensive. Par contre, elle est tout aussi fréquentée en juillet qu'en cours d'année; les assistants qui préparent des thèses et les étudiants qui font des recherches particulières ont plus de temps lorsque les cours sont terminés. Une bibliothécaire ou une sous-bibliothécaire de service assure l'orientation de la recherche. Là aussi, ouvrages et périodiques sont en libre accès. 2 800 volumes environ et 353 titres de périodiques sont présentés dans les rayonnages bas, qui délimitent les sections, ou dans les « présentoirs ». Les ouvrages et les périodiques se répartissent ainsi dans les sections :
Généralités .................. 116 volumes et 78 titres de périodiques
Mathématiques ............... 510 - 31 -
Physique .................... 454 - 55 -
Chimie ...................... 595 - 53 -
Géologie .................... 377 - 45 -
Biologie...................... 727 - 9I -

Les ouvrages généraux prennent place entre le patio et les sections de géologie et de biologie. Pour eux, on a utilisé le volume délimité par le patio et les grands poteaux porteurs qui, depuis les soubassements, montent le long de la cloison des magasins du sous-sol et du rez-de-chaussée. Cette section « Généralités » est placée près du catalogue et de l'escalier d'accès.

Dans toutes les sections, les rayonnages à livres et les « présentoirs » à périodiques alternent dans des meubles relativement bas, souvent placés dos à dos. Les « caissons » situés sous les fenêtres sont réservés aux bibliographies rétrospectives et courantes; ces dernières, si nécessaires dans le domaine scientifique, exigent très vite beaucoup de place. Nous avons pu installer là la totalité des collections bibliographiques que nous possédons, notamment : Mathematical reviews et Biological abstracts depuis leur origine, Chemical abstracts depuis 1913.

Pour les périodiques, le dernier numéro arrivé est placé sur l'abattant du « présentoir », l'année en cours et les années antérieures, de un à dix ans suivant l'encombrement de la revue, sont placées à l'intérieur du meuble.

Les livres sont classés selon la classification décimale universelle (C.D.U.); les périodiques l'ont été également au début de notre installation. Est-ce que notre système d'indexation ou de signalisation était défectueux? Lecteurs et employés de la bibliothèque s'y retrouvaient mal et l'ordre s'en ressentait. Au milieu de l'année, un nouveau classement a été établi dans chaque section, les périodiques ont été classés par ordre alphabétique de titre. Cet ordre moins rationnel semble plus pratique et les utilisateurs actuels le respectent davantage.

Les collections du premier étage peuvent également être empruntées à domicile, sauf les grands traités, les bibliographies et les fascicules de périodiques non reliés.

A la demande du département de chimie et d'un professeur de biologie ont été organisés, dans ces deux disciplines, des prêts d'orientation bibliographique. Ces prêts s'appliquent aux derniers numéros de périodiques, soit de chimie, soit de biologie, arrivés dans la quinzaine précédente. Ils reviennent à la bibliothèque au bout du même laps de temps. Dans l'intervalle, ils sont à la disposition des chercheurs dans la salle de travail du département sous la responsabilité d'un assistant. Les professeurs ont préféré cette solution à la photocopie diffusée des sommaires des revues. Quand le périodique est rapporté à la bibliothèque, il est à la disposition de tous et la communication à l'extérieur se fait sous forme de photocopie.

Le service de photocopie s'alourdit de mois en mois. Au cours des mois d'avril à juin 1966, un gardien a consacré à cette activité presque le tiers de son temps de travail. Les résultats obtenus par l'appareil Fertomat, notamment pour les reproductions de planches, ne valent pas, en qualité et précision, ceux que nous procureraient un cliché photographique. Le remboursement des frais de papier électrophotographique (dépense qui serait trop lourde pour le seul budget de la bibliothèque) est assuré par le service général de la Faculté. Cet appareil de photocopie est, en fait, beaucoup plus utilisé que les divers lecteurs de microfilms, microfiches, et lecteur-reproducteur que la bibliothèque possède depuis le printemps dernier. L'utilisation de ces trois appareils installés au premier étage, dans un endroit accessible à tous, le long du patio, implique que les stores Kirsch soient perpétuellement baissés de ce côté-là.

Ouelques projets et suggestions.

Depuis novembre 1966, nous faisons, tant auprès des étudiants qu'auprès des professeurs, une publicité nouvelle; par des visites commentées de la bibliothèque par groupes et l'établissement de guides bibliographiques par spécialité nous espérons faire mieux connaître les ressources de la bibliothèque. Un guide du lecteur, depuis quelque temps, est distribué à tout nouvel arrivant.

La réforme des études supérieures, la création d'un Institut universitaire de technologie (I.U.T.), le nombre croissant des étudiants en sciences, nous amèneront sans doute, d'ici un an ou deux, à prévoir une nouvelle utilisation des locaux : la salle du rez-de-chausée serait toujours réservée aux étudiants du premier cycle, mais les étudiants de la deuxième année de maîtrise, qui ont besoin d'ouvrages plus spécialisés pourraient avoir accès au premier étage.

La disposition même du bâtiment nous interdit de penser à créer des petites salles réservées à des conférences, à des réunions ou à des séances de travail en groupe qui sont souhaitées par les étudiants et les assistants. L'insonorisation est imparfaite : la cage d'escalier transmet les bruits avec beaucoup trop de fidélité. D'autre part, l'impossibilité d'obturer parfaitement les fenêtres nous empêchent de prévoir des séances de projection; celles-ci pourraient se tenir dans les amphithéâtres obscurs ou les salles de travail des différents séminaires. L'installation de la bibliothèque est de toute façon trop récente pour qu'un jugement définitif puisse être porté sur son utilisation. Cette première année doit être considérée comme une année d'expériences.

Des améliorations de toutes sortes sont sans doute à envisager. Nous pensons notamment à modifier les horaires d'ouverture en fonction de la présence, sur le domaine de la faculté, d'un restaurant et d'une résidence universitaires et à créer un fichier des collections possédées par les laboratoires, ce qui ferait de la bibliothèque un centre d'information bibliographique locale. Certains de ces laboratoires pourraient, un jour, adhérer au Catalogue collectif des ouvrages étrangers. Mais il nous faut prévoir une formation du personnel des laboratoires pour que le fichier soit homogène. Les sous-bibliothécaires affectés à la section Sciences sont en nombre trop restreint pour qu'on puisse envisager actuellement un détachement de notre personnel, même à titre temporaire. D'autre part, nos listes d'acquisitions diffusées tous les deux mois ne suffisent plus à certains professeurs, qui aimeraient avoir dans leur département les fiches des ouvrages susceptibles de les intéresser. Mais pourquoi alors limiter cette diffusion aux seules ressources de cette bibliothèque ? Les collections de la bibliothèque de la Faculté mixte de médecine et de pharmacie peuvent, par exemple, intéresser des chimistes et des biologistes. De toute façon, cette demande réclame une étude plus approfondie. Plusieurs des suggestions faites par le corps professoral, si elles étaient suivies, transformeraient peu à peu notre établissement en un organisme de documentation.

Cette orientation n'est sans doute à rejeter ni a priori, ni, de toute façon, en totalité. Centre de documentation pour la recherche, même la plus spécialisée, la bibliothèque universitaire peut et doit l'être; mais parallèlement, il est pour elle une autre vocation non moins impérieuse, celle de demeurer l'instrument de travail essentiel au service de tous ceux que baigne le grand courant universitaire.

Cette dualité de vocation exige souvent de nous des choix difficiles et des options susceptibles d'engager plus ou moins l'avenir. C'est essentiellement, il faut bien l'avouer, de l'accroissement régulier et sensible de nos moyens en personnel et en matériel que dépendra en réalité la réponse que nous pourrons apporter aux espoirs du corps professoral et des étudiants du troisième cycle.

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Coupe transversale Sud-Nord

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Plan du sous-sol

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Plan du rez-de-chaussée

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Plan de l'étage

  1. (retour)↑  Voir ci-après p. 167, le compte rendu de l'inauguration.