La collaboration en matière d'acquisition d'ouvrages dans quelques pays d'Europe et aux États-Unis

Rapport présenté à la 28e session du Conseil de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires. (Berne, 27-31 août 1962.)

Maria Razumovsky

Bref aperçu de la planification des acquisitions en Allemagne (République fédérale et République démocratique), en France, en Grande-Bretagne, en Pologne, aux États-Unis et en U.R.S.S.. Conclusions générales sur : l'organisation de ces différents plans d'acquisition, les ouvrages ainsi rassemblés et leur répartition, les bibliothèques coopérantes, la nécessité des services d'information bibliographique et l'intérêt d'une collaboration internationale

L'acquisition d'ouvrages en coopération est l'un des problèmes les plus discutés ces derniers temps dans le monde des bibliothèques. A elle seule, la littérature qui est apparue autour du « Farmington plan » remplit, dans la presse spécialisée, un nombre assez considérable de pages. Dans plusieurs pays, les considérations théoriques ont fait place, depuis un temps plus ou moins long, à des réalisations de fait, soit que l'on en soit à l'examen des résultats obtenus ou bien que l'on ait déjà mis fin à ces enquêtes. D'autres pays, par contre, commencent à peine à comprendre l'importance que revêt cette question dans la vie des bibliothèques. Dans les pages qui suivent, nous donnerons une brève vue d'ensemble de la situation de l'acquisition des ouvrages en coopération dans quelques pays. Des renseignements plus détaillés sur ce sujet seront fournis à partir de la bibliographie ajoutée à la fin. Le « Scandia plan », dont il a été question l'an dernier 1 de façon détaillée, ne sera évoqué ici qu'à titre de comparaison.

Que tous les spécialistes des problèmes d'acquisition de livres qui eurent l'amabilité d'apporter leurs encouragements et leurs informations, tant oraux qu'écrits, à ce travail, soient ici sincèrement remerciés.

Allemagne

République fédérale allemande.

Le plan d'acquisition d'ouvrages par domaines séparés (« Sondersammelgebiete ») fut conçu, en 1949, par la « Deutsche Forschungsgemeinschaft ». L'ensemble des sciences fut divisé en 105 groupes distincts, répartis entre 25 bibliothèques d'universités et d'écoles techniques supérieures (y compris celles de Munich et de Marburg). Il fut tenu compte, dans la mesure du possible, de la politique d'acquisition traditionnelle et des fonds existants dans les différentes bibliothèques. La « Deutsche Forschungsgemeinschaft » supporte les frais pour l'acquisition d'ouvrages étrangers (livres et périodiques A et B) se rapportant au secteur réparti. Les ouvrages parus dans le pays même doivent être acquis par la bibliothèque en question. Celle-ci est également chargée de cataloguer les livres, de les relier, de les conserver, de les signaler au catalogue central intéressé et de les mettre à la disposition du lecteur dans les salles de lecture ou par voie de prêt au-dehors. De 1949 à 1959, la « Deutsche Forschungsgemeinschaft » a déboursé, pour le plan d'acquisition d'ouvrages par domaines séparés (« Sondersammelgebietsplan »), la somme de 7 053 188 DM, dont 3 276 118 DM pour les monographies et 3 777 070 DM pour les périodiques (A et B). En 1960-196I, 5 446 volumes annuels de périodiques et 29 274 monographies ont été acquis pour un montant de 592 283 DM. 121 365 DM ont été consacrés à combler les lacunes existant dans les séries de périodiques.

Récemment, la « Forschungsgemeinschaft » a pris pour objectif de compléter ce plan fortement décentralisé par la création de « bibliothèques de présence » portant sur de grands secteurs de connaissance, principalement ceux ayant trait aux sciences appliquées. La première bibliothèque de ce type est la « Technische Informationsbibliothek » de Hanovre en activité depuis 1959; des organismes analogues ont été envisagés pour l'agronomie, la médecine et les sciences économiques. Quelle sera l'influence que, par leur existence, ces nouvelles bibliothèques centrales exerceront sur les principes d'acquisition actuels, nul ne peut le dire; pour l'instant, il n'a pas encore été envisagé d'abandonner la politique d'acquisition par domaines séparés pour les branches techniques.

Les bibliothèques ont été chargées de communiquer à la « Forschungsgemeinschaft », dans un rapport décennal, leurs expériences et leurs propositions concernant le plan d'acquisition d'ouvrages par domaines séparés. Un comité pour l'examen de tous les problèmes de cet ordre a été installé au début de 1960 et a commencé ses travaux. Il a été projeté d'entreprendre certaines enquêtes statistiques sur l'utilisation de la littérature acquise par le truchement du plan. Mentionnons encore ici le plan des bibliothèques municipales de Rheinland-Westphalen fonctionnant depuis deux ans environ. D'après ce plan, la littérature scientifique allemande est répartie de même, sous forme de domaines séparés affectés aux bibliothèques participantes. Les bibliothèques acquièrent ces ouvrages par leurs propres moyens et publient un catalogue collectif de leurs acquisitions.

République démocratique allemande.

Le plan de répartition des acquisitions par domaines séparés est entré en vigueur en 1956, lorsque des moyens financiers plus élevés furent, pour la première fois, mis à la disposition des bibliothèques pour l'acquisition d'ouvrages étrangers. L'ensemble des connaissances fut divisé en 61 groupes, répartis entre 9 bibliothèques participantes (5 bibliothèques universitaires, 3 bibliothèques d'État et la « Bibliothek der technischen Hochschule » à Dresde). La « Deutsche Staatsbibliothek » de Berlin et la « Deutsche Bücherei » de Leipzig n'ont pas été incorporées à ce plan, car elles ont à assumer certaines responsabilités spéciales d'acquisition et de conservation. Indépendamment de cela, la « Deutsche Staatsbibliothek », la Bibliothèque de l'Université et la Bibliothèque de la « Deutsche Akademie der Wissenschaften » à Berlin ont mis sur pied une convention concernant la coordination de leurs acquisitions, convention entrée en vigueur le Ier juin 1962 et se rapportant aux acquisitions nouvelles de périodiques, à la poursuite des achats de périodiques en cours de publication ainsi qu'à l'acquisition de manuscrits et d'ouvrages de référence importants et précieux. On n'a pas pu éviter de faire dépendre de certaines bibliothèques des secteurs d'acquisition pour lesquels n'existait, au sein de celles-ci, aucune tradition. C'est pourquoi un plan a été conçu qui vise à réduire le nombre des secteurs à répartir, et à accroître le nombre des bibliothèques participantes. Les « Senatskommissionen für Bibliothekswissenfragen » (Commissions de la Bibliothèque du Conseil d'administration) existant auprès de la plupart des universités sont les instances qui décident, en cas douteux, si un ouvrage sera acheté en plusieurs exemplaires. Tous les achats des instituts passent par la bibliothèque centrale.

En février 1960, pendant trois jours, se tint, à Berlin, une session de travail qui étudia la politique d'acquisition et ses problèmes, et mit en discussion, sur un plan théorique et pratique, l'acquisition d'ouvrages en coopération. Un organisme central, analogue à la « Deutsche Forschungsgemeinschaft », qui s'occuperait activement de l'acquisition d'ouvrages étrangers, et partant de la répartition des moyens financiers, n'existe pas.

France

Quoique, en France, plusieurs projets aient été élaborés en vue d'une coordination des acquisitions, seules des mesures limitées ont été prises jusqu'à présent dans ce domaine. Dès avant la seconde guerre mondiale, à l'initiative de l'Administrateur général de la Bibliothèque nationale, les bibliothécaires des grandes bibliothèques parisiennes, réunis en commission, se mirent d'accord sur l'acquisition de certains ouvrages et périodiques très spécialisés, en général assez coûteux. Des réunions se sont tenues ces derniers mois à la Direction des bibliothèques de France : elles concernent notamment les acquisitions de périodiques soviétiques dans le domaine des sciences humaines et sociales et les publications africaines. En outre, un Service d'information bibliographique a été créé à l'intention des bibliothèques universitaires pour aider celles-ci dans leur acquisition d'ouvrages et de périodiques étrangers. La Direction des bibliothèques de France se propose de définir une politique d'acquisition à l'échelon national de telle façon qu'on puisse trouver en France en un exemplaire au moins tout ouvrage, tout périodique étrangers importants dont la valeur est reconnue pour l'étude et la recherche.

Grande-Bretagne

Les bibliothèques de Grande-Bretagne disposent d'un nombre étonnamment grand de plans pour la collaboration en matière d'acquisition d'ouvrages. Comme le « British Museum » est une « bibliothèque de présence », une position-clef incombe dans ce domaine à la « National Central Library ». Les plans les plus importants pour l'acquisition d'ouvrages en coopération portent avant tout, jusqu'à présent, sur la production nationale. Grâce à l' « Inter-Regional Coverage Scheme », tous les ouvrages signalés depuis le Ier janvier 1959 dans la Bristish national bibliography sont acquis par les différentes régions du pays d'après un système de répartition préétabli. Le « Background Material Scheme » doit protéger de la disparition la littérature antérieure à 1800. Les bibliothèques s'astreignent à rassembler et à conserver les publications parues dans le cours de tranches de temps déterminées, en général, par décennies.

En ce qui concerne la littérature étrangère se rapportant aux sciences naturelles et techniques, c'est la nouvelle « National Lending Library on Science and Technology » qui en assure la responsabilité. Celle-ci procure des périodiques et des livres (des ouvrages de base, uniquement, à l'exclusion de ceux de vulgarisation scientifique). En coordination avec l' « Inter-Regional Coverage Scheme », la « National Central Library » a modifié sa politique d'acquisition. Elle n'achète plus les livres britanniques parus depuis 1959; de cette façon, le rassemblement des publications antérieures et des ouvrages étrangers peut être mené plus activement, afin de répondre mieux qu'auparavant, grâce aux fonds propres de la bibliothèque, aux besoins des usagers. Une attention spéciale sera accordée aux publications officielles britanniques et aux publications des sociétés scientifiques. Les ouvrages de médecine, de belles-lettres et les livres pour la jeunesse seront, par contre, négligés.

La « Standing Conference of National and University Libraries » a instauré, en 1955, une commission pour la coopération en matière d'acquisition. Cette commission a donné naissance à différents plans de moindre envergure; des sondages ont été faits sur la présence d'ouvrages étrangers dans les bibliothèques du Royaume-Uni et un « Farmington Plan » britannique a fait l'objet de discussions approfondies. Dès que possible, une enquête organisée sur une plus grande échelle sera faite sur la littérature d'origine étrangère existant dans les bibliothèques britanniques. Entre-temps, les publications orientales et slaves seront l'objet d'une attention spéciale; deux commissions ont été créées à cette fin. Le rapport, publié en 196I, du « Hayter Committee », une commission de l' « University Grant Committee », établit les bases de plans qui entreront en vigueur en 1963 et feront de certaines universités déterminées des centres d'étude se rapportant aux sciences orientales et slaves. (Leeds, pour la Chine; Sheffield, pour le Japon; Hull, pour l'Asie orientale; Édimbourg et Birmingham, pour l'Afrique). Afin de prévenir les difficultés inhérentes au catalogage de ces ouvrages, un catalogage en coopération est également prévu.

Un autre programme, du nom de SCOLMA (« Standing Committee on Library Material on Africa ») a trait à l'acquisition en coopération des journaux, des documents officiels et autres, de provenance africaine. Vingt-cinq bibliothèques y participeront qui publieront une liste commune des acquisitions nouvelles.

Pologne

L'acquisition en commun préoccupe les bibliothécaires polonais depuis les lendemains de la première guerre mondiale. Elle servit, en 1929, de thème au deuxième congrès des bibliothécaires polonais. Depuis, la presse spécialisée de Pologne n'a pas cessé de traiter de cette question. Des dispositions techniques pour la coordination des nouveaux achats furent prises, en 1946, par voie législative. Au cours des années 1950-196I, plusieurs conférences furent organisées sur ce thème.

En 196I, l'Association des Bibliothécaires polonais a créé une Commission pour la collaboration des bibliothèques scientifiques. Elle a envoyé aux grandes bibliothèques scientifiques un questionnaire visant à établir quelles bibliothèques seraient disposées à collaborer à un plan d'acquisition par domaines séparés, de quels fonds elles disposent, etc.

Les résultats de cette enquête fourniront les bases du nouveau plan qui sera discuté au cours d'une conférence prévue pour 1963. La Bibliothèque nationale jouera un rôle actif en cette matière. Le travail en collaboration à l'intérieur des différentes catégories de bibliothèques (bibliothèques d'écoles supérieures, d'académies; bibliothèques populaires) a fait de grands progrès. C'est ainsi, par exemple, qu'à Lodz et à Poznan, l'achat des périodiques étrangers de toutes les bibliothèques scientifiques est décidé en fonction de catalogues collectifs régionaux. Les bibliothèques agricoles coordonnent leurs acquisitions depuis 1960.

En ce qui concerne la littérature polonaise, il existe depuis un temps assez long une répartition des obligations entre la Bibliothèque Jagellonne à Cracovie (livres antérieurs à 1800) et la Bibliothèque nationale (livres postérieurs à 1800). Outre cela, les bibliothèques régionales dans les voïvodats assurent certaines responsabilités particulières de rassemblement et de conservation.

États-Unis d'Amérique

Le « Farmington Plan » qui, on le sait, a pour but : « to make sure that at least one copy of each new foreign book and pamphlet that might reasonable be expected to interest a research worker in the US will be acquired by an American library, promptly listed in the Union Catalog at the Library of Congress and made available by interlibrary loan or photographic reproduction », continue à jouer un rôle important dans la politique d'acquisition des bibliothèques scientifiques américaines. Sous la direction de l' « Association of College and Research Libraries » (ACRL), 60 bibliothèques (dont 46 bibliothèques universitaires) sont intéressées par ce plan qui coordonne leurs acquisitions respectives d'ouvrages sur la base de critères librement acceptés. L'ensemble des sciences humaines est divisé en 271 secteurs étroitement délimités, certains sujets très connexes étant parfois assignés à des bibliothèques différentes. Jusqu'à présent, seules les monographies sont acquises. En général, le choix est fait par des libraires de l'État en question (« blanket order »), au compte du destinataire. Tous les ouvrages obtenus par la voie du « Farmington Plan » doivent être signalés, dans les trente jours, au « National Union Catalog ». Les périodiques, les journaux, les séries numérotées, les imprimés officiels, les cartes géographiques et les traductions d'une langue vivante dans une autre, ne sont jusqu'à présent pas acquis, mais l'achat de périodiques sera, à nouveau, mis en discussion sur la base de la nouvelle édition de l'Union List of Serials. De toute façon, les bibliothèques ne sont pas contraintes d'acquérir les ouvrages publiés dans le pays même et se rapportant à leur secteur propre. En 1959, le plan a été étendu à 13 pays d'Europe occidentale et à 3 pays d'Amérique du Sud, l'Australie et le Mexique, de même qu'à 85 pays plus lointains dont la production, jugée nécessaire, est assignée entièrement à des bibliothèques déterminées.

En 1957-59, l'ACRL a confié à R. Vosper et R. Talmadge une étude d'ensemble sur les dix années d'activité du « Farmington Plan » et sur les résultats de celui-ci. Il résulte de cette enquête que, sur ces dix ans, 150 ooo monographies provenant de l'étranger, pour une valeur de 275 000$(budget annuel d'une grande bibliothèque universitaire) sont entrées aux USA. Une enquête ultérieure a prouvé que, sur 205 livres acquis dans le cadre du « Farmington Plan », 79 étaient uniques (= 38,5 %) et que 30 (= 14,5 %) existaient, en second exemplaire, à la « Library of Congress ». Parmi les 79 ouvrages acquis une seule fois, 26 (= II,5 %) étaient utiles, 18 (= 9 %) inemployables. L'enquête a montré que le plan s'avère encore nécessaire même en Europe et qu'il doit être étendu au monde entier. Les domaines d'accès difficile sont étudiés, dès à présent, par 7 sous-comités de « zones » en collaboration avec plusieurs sociétés scientifiques. L'organisme coordinateur est le « Farmington Plan Bureau » de l'ACRL auquel il conviendrait de fournir de plus grands moyens financiers et un personnel plus nombreux. Le rapport a montré également que les commandes effectuées par « blanket order » doivent être poursuivies même en Europe, car très peu de bibliothèques scientifiques, aux États-Unis, acquièrent leurs ouvrages suite au dépouillement des bibliographies nationales. Par contre, les bibliothèques qui sont chargées d'une « country responsability » ont la liberté de commander ces ouvrages comme elles l'entendent, sans recourir par conséquent aux « blanket orders ». Toutes les bibliothèques sont invitées à acquérir elles-mêmes des doubles des livres du « Farmington Plan » car un seul exemplaire n'est pas jugé suffisant.

U.R.S.S.

Les plans visant à coordonner l'acquisition des ouvrages étrangers pour l'ensemble du pays ne sont pas encore prêts à être discutés. Par suite des distances, des besoins élevés en livres, etc., des difficultés si grandes sont apparues qu'il ne faut pas compter sur une solution prochaine en ce qui concerne les travaux préliminaires. Par un décret de 1959 portant sur les « possibilités d'amélioration de la situation des bibliothèques », une intensification de la collaboration des bibliothèques fut entreprise à l'intérieur de certaines régions ou villes. Comme premier pas sur la voie de cette spécialisation, il a été procédé, dans toutes les bibliothèques, à une enquête minutieuse sur la situation présente de chacune d'elles et sur la politique d'acquisition suivie jusqu'à présent, car toute nouvelle base d'accroissement doit se développer organiquement à partir des traditions existantes.

A Leningrad a été créé un conseil inter-bibliothèques au sein duquel sont représentées les bibliothèques de même type et qui a sous son autorité une « Commission pour la coordination de l'achat d'ouvrages étrangers ». En suivant un plan provisoire, la Bibliothèque de l'Académie des sciences prend en charge les ouvrages techniques et de sciences naturelles, la Bibliothèque Saltykov-Ščedrin, les ouvrages de sciences sociales, de médecine et d'histoire de l'art, la Bibliothèque de l'Université, les ouvrages se rapportant aux sciences humaines, et l'Académie d'agriculture, ceux qui se rapportent à l'agriculture. Fort développée, par contre, est la collaboration au sein du réseau des bibliothèques d'académie. La Bibliothèque de l'Académie des sciences de Léningrad commande les ouvrages étrangers, pour elle-même et pour quarante et une de ses filiales. Sur la base de son orientation antérieure, elle rassemble les ouvrages de sciences naturelles, de technique, de géographie, de philologie et d'orientalisme; la Bibliothèque centrale de Moscou est responsable de ce qui concerne le commerce, les relations internationales, la philosophie et le droit.

La Bibliothèque universitaire de Moscou achète en bloc des ouvrages du pays même et de l'étranger pour les trente-six Instituts qui ont formé avec la Bibliothèque centrale un même fonds de livres. La littérature récente est, dans sa majeure partie, répartie entre les divers Instituts car l'on désire que le livre soit le plus près possible du lecteur; les ouvrages plus anciens vont, en général, dans le magasin central. La Bibliothèque Lénine est la seule bibliothèque nationale qui tente de rendre ses collections exhaustives en rassemblant activement des ouvrages se rapportant à toutes les disciplines. Dans certains cas isolés, elle s'entend avec d'autres grandes bibliothèques de Moscou, surtout avec la Bibliothèque d'État de littérature étrangère, sur la répartition d'acquisitions nouvelles moins importantes.

Organisation.

Les mobiles concrets pour lesquels les bibliothécaires d'un pays, souvent après de longues discussions, décident de coordonner les acquisitions des bibliothèques scientifiques suivant un système donné sont, en fait, partout les mêmes. Une même bibliothèque n'est plus en mesure, à elle seule, de rassembler la production livresque de tous les pays et de toutes les disciplines pour la mettre à la disposition du lecteur; cette tâche ne peut être remplie que par une communauté plus grande. Sans doute, la forme que prend cette collaboration diffère-t-elle. Aux États-Unis, à l'initiative de la « Library of Congress », 60 bibliothèques se sont groupées pour collaborer, et ce, par libre consentement. La direction est assurée par l' « Association of College and Research Libraries », une organisation purement professionnelle dépourvue de tout droit d'autorité sur les bibliothèques participantes, et dont la moitié des membres à peine font partie de l'ACRL. Les ouvrages acquis le sont au compte du budget régulier des bibliothèques. C'est maintenant seulement, après douze années d'activité du « Farmington Plan », que le « Farmington Plan Bureau » bénéficie de moyens financiers plus importants pour l'organisation de ses services et pour couvrir les frais résultant d'enquêtes.

Le « Scandia Plan », qui groupe, pour la première fois, plusieurs pays politiquement indépendants les uns des autres, est organisé de la même façon; les tâches d'initiative et la responsabilité incombent à la « Nordisk Vitenskapelige Bibliotekarforbund »; ce n'est qu'exceptionnellement que d'autres moyens sont employés pour acheter des livres. Par contre, dans la République fédérale allemande, intervient, pour l'organisation et la direction, la « Deutsche Forschungsgemeinschaft », cet organisme fédéral qui non seulement dispose des moyens financiers nécessaires pour l'acquisition d'ouvrages étrangers, mais aussi intervient dans la politique des bibliothèques participantes. Ainsi, par exemple, pendant trois ans, la « Deutsche Forschungsgemeinschaft » a offert aux bibliothèques, pour tout périodique étranger A acheté au compte du budget régulier, un autre périodique étranger A et a ainsi marqué de son influence l'élaboration de leurs fonds. Dans la République démocratique allemande, le plan de groupement par domaines séparés a été organisé par l'autorité supérieure; il n'y a pas de budget spécial mais la répartition des devises se trouve coordonnée par le plan. Celui-ci poursuit ici aussi le but de réaliser les « idées de coopération socialiste et de coordination dans l'élaboration des fonds ».

Que rassemble-t-on ?

Presque tous les plans européens sont nés, à l'origine, de la coordination dans l'acquisition des périodiques, car les abonnements aux périodiques sont l'une des plus lourdes charges qui puissent grever le budget d'une bibliothèque. En général, les monographies suivirent. Par contre, le « Farmington Plan » a volontairement négligé jusqu'à présent les périodiques. Les Américains, les Russes, les Polonais, les Allemands de l'Est limitent leurs plans d'acquisition à la littérature étrangère, en partie, du moins au début, afin d'être indépendants en cas de guerre, en partie, afin d'utiliser judicieusement les subsides prévus. Par contre, la « Deutsche Forschungsgemeinschaft » oblige les bibliothèques à acquérir également les publications nationales, et cela à leurs propres frais. Les publications officielles sont exclues « expressis verbis » du « Farmington Plan », puisqu'elles sont acquises par la « Library of Congress ». Dans la plupart des autres pays également, les bibliothèques parlementaires ont la responsabilité des imprimés officiels (en Allemagne occidentale, la « Westdeutsche Bibliothek »; en U.R.S.S., la Bibliothèque Lénine).

Grandes entités culturelles ou disciplines étroitement délimitées.

Les discussions portant sur le point de savoir s'il faut donner la préférence à une branche étroite de la connaissance ou à une plus large entité culturelle ont, depuis toujours, été très animées. Dans l'Allemagne de l'entre-deux-guerres, les deux possibilités se rencontrent (Kiel : région de culture du Nord; Koenigsberg: philosophie). En Union soviétique et en Autriche, on groupe les sciences humaines, la médecine ou la technique. La tendance actuelle est de diviser l'ensemble des sciences en groupes plus petits et de les confier aux bibliothèques participantes. C'est le « Farmington Plan » qui a été le plus loin dans ce sens avec 271 groupes. Outre cela, ce dernier laisse aussi à certaines bibliothèques la responsabilité pour des pays entiers. La répartition est établie comme suit :
États-Unis : 271 groupes de connaissances pour 60 bibliothèques
Allemagne de l'Ouest : 105 pour 25
Allemagne de l'Est : 61 pour 9 2

Dans le « Scandia Plan », on rencontre aussi bien les divisions par disciplines que celles par régions de culture, mais on ne doit pas négliger de considérer que, jusqu'à présent, seuls des « sujets périphériques » ont été pris en considération (p. ex. la protection des côtes maritimes, la linguistique javanaise).

Bibliothèques participantes.

Ce sont le plus souvent les bibliothèques scientifiques, surtout les bibliothèques universitaires, qui se sont montrées disposées à accepter cette collaboration. En Grande-Bretagne, les bibliothèques publiques ont été des pionniers dans ce domaine. Dans la plupart des plans établis, les bibliothèques nationales jouent un rôle prépondérant, dans d'autres, elles sont volontairement tenues à l'écart (U.R.S.S., R.D.A.). En Scandinavie et en Union soviétique, on a fait remarquer combien il était important de prendre nettement conscience des fonds avant d'effectuer la répartition des tâches particulières.

Centralisation ou décentralisation?

Dès le début, les plans pour l'acquisition d'ouvrages en coopération ont été fortement décentralisés. Ils partaient du principe que plus d'une bibliothèque devait supporter les charges inhérentes à cette activité. En ce qui concerne le partage, on suit cependant aussi d'autres voies. La « Deutsche Forschungsgemeinschaft » s'efforce de réagir contre la trop grande dispersion en favorisant les « bibliothèques de présence » où le lecteur trouve tout ce dont il a besoin et n'est pas amené à emprunter à l'extérieur. En Angleterre aussi, la tendance à la collaboration par coordination est fortement affirmée. La « National Central Library », en tant qu'organisme central, coordonne le travail pour chaque région. Le projet a été fait, en ce qui concerne les publications étrangères se rapportant aux sciences naturelles et techniques, de constituer une nouvelle bibliothèque centrale, disposant même de fonds anciens, plutôt que de surcharger de cette responsabilité les bibliothèques déjà existantes.

Nombre d'exemplaires.

Tous les plans en vue de l'acquisition de livres en commun visent à introduire un seul exemplaire des publications étrangères dans le pays intéressé et à le mettre à la disposition du lecteur. Au cours des dernières années, on a entendu à plusieurs reprises des voix critiques qui souhaitaient que, pour des ouvrages importants, un second exemplaire, et même plusieurs, soient acquis. Bien que les bibliothèques soient partout obligées de prêter leurs livres au-dehors, on ne peut alourdir ce service déjà très chargé. Il semble que les bibliothèques américaines n'aiment pas prêter au-dehors leurs livres « Farmington », bien que 60 % seulement de ces livres soient des doubles.

Service d'informations.

Dans tous les pays, on se heurte à la conviction que l'attribution d'une orientation particulière de collection à une grande bibliothèque scientifique change le caractère de celle-ci. De nouveaux centres de gravité se créent, qui tendent non seulement à contraindre les Instituts à acquérir la littérature propre à leur secteur de connaissance (en Allemagne, aussi bien celle du pays même que celle provenant de l'étranger), mais encore à renforcer l'activité d'information, pour le domaine dont il s'agit. Une grande importance est donnée à ceci, dans le « Scandia Plan » par exemple. La conséquence en est que la bibliothèque doit pouvoir disposer de techniciens et bibliothécaires de référence qui doivent garantir la rentabilité du secteur assigné. Ce point de vue influence aussi le recrutement du personnel. C'est la raison pour laquelle d'autres bibliothèques du pays pourront, ensuite, bénéficier de l'activité des centres spécialisés. Les secteurs doivent être confiés définitivement à une bibliothèque et l'on évite les modifications trop grandes ou les nouvelles attributions. En Allemagne de l'Est seulement, une réorganisation est envisagée.

Perspectives à propos d'une collaboration internationale.

Lorsqu'on parle de plans pour une collaboration internationale en matière d'acquisition d'ouvrages, il importerait que l'on ne perde pas de vue le sort qu'ont connu d'autres entreprises internationales. Cette prudence que T. Kleberg préconisait en parlant du « Scandia Plan », vaut, dans une mesure plus grande encore, pour les nouveaux projets. Malgré cela, pour des secteurs déterminés et bien particuliers ou pour des catégories bien délimitées d'ouvrages (par exemple, les publications officielles), il doit être possible d'établir un plan commun d'acquisition, au sein d'une zone supra-nationale. Une proposition serait à examiner, venant indépendamment des deux parties de l'Allemagne, en vue d'établir un échange d'information pour les acquisitions récentes entre les bibliothèques concernant les mêmes secteurs. Pour réaliser ce plan, il faudrait commencer par dresser des listes de bibliothèques ressortissant aux mêmes sujets. La question se pose pourtant de savoir si, en vue de groupements plus ou moins étroits dans les différents pays, une telle égalisation serait possible :
Technique (en général) Agriculture (en général)
Techn. Informationsbibliothek, Hanovre U. B. Bonn
Bibl. d. Techn. Hogeschool, Delft Uu L.B. Halle
Nat. Lending Library on Science and Tech- National Library of Agriculture, nology, Londres Washington
Bibl. d. Techn. Hochschule, Dresde Bibl. d. Hochsch. f. Bodenkultur,
Bibl. d. Techn. Hochschule, Vienne Vienne
Bibl. de l'Académie des sciences, Leningrad Centr. Naucnaja Biblioteka Akad.
University of Illinois Library chozjajst. nauk, Leningrad
Statní technická knihovna, Prague

Pour tous les projets concernant une collaboration quelconque en matière d'acquisition d'ouvrages, vaut ce que T. Kleberg disait, à Édimbourg, à propos du « Scandia Plan » : « Decisions should not be made unless indications are quite clear. We are trying to avoid unrealistic speculations. We aim at concrete results that, as far as can be predicted, might prove permanent. They must be given time to crystallize » 3.

  1. (retour)↑  Réunion du Conseil de la FIAB à Édimbourg, 196I : Tönnes Kleberg, Somes notes on the « Scandia Plan », 9 p.
  2. (retour)↑  Ce nombre est considéré comme trop restreint et sera augmenté.
  3. (retour)↑  Traduit de l'allemand par Roger Brucher.