Désinsectisation de la Bibliothèque de la Société des sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg

L'opération de désinsectisation de la Bibliothèque de la Société des sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg, effectuée sous la direction de Mlle Gaudillot, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Cherbourg, a été précédée par des opérations semblables, réalisées notamment à la Bibliothèque municipale d'Arles (avec déplacement de livres d'Arles à Sète), et à la Bibliothèque de l'Arsenal (l'une avec déplacement des collections de l'Arsenal à l'Annexe de la Bibliothèque nationale à Versailles, l'autre sur place et dans des conditions très comparables à celles de Cherbourg).

La Bibliothèque de la Société des sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg, composée d'environ 120.000 volumes et fascicules se trouvait avoir de nombreuses reliures attaquées par un insecte (psoques vraisemblablement). La contamination des ouvrages se faisait d'autant plus rapidement que jusqu'alors aucune précaution n'avait été prise pour l'enrayer. Aussi quand il fut décidé d'y remédier ne put-on retenir que la solution d'une désinsectisation totale des bâtiments et des locaux. En dehors du point de vue technique cette opération a posé de nombreux problèmes non seulement d'organisation mais aussi de matériel et de personnel; de plus, elle a eu pendant un an des répercussions sur les activités de la bibliothèque et même sur celles de la Société des sciences.

En effet, il a fallu : I° éliminer les documents fragiles tels que les herbiers; 2° envisager de faire dans un minimum de temps passer dans une étuve qui, en raison de ses proportions, devait rester en dehors du bâtiment, 10.000 ouvrages et 40.000 tomes de périodiques, les uns et les autres non cotés; 3° faire un nettoyage complet des locaux et vaporiser un insecticide (xylophène Pechiney-Progil) sur les deux kilomètres de rayonnages en bois pendant les quelques heures où les volumes étaient absents; 4° procéder au reclassement et à l'inventaire des ouvrages. Or la bibliothèque ne dispose en temps ordinaire que d'un employé à mi-temps et d'une femme de ménage huit heures par semaine; les magasins, non chauffés, sont d'une hauteur de trois étages, on y accède par des échelles du type escalier de bateau, il n'y a pas de monte-charge.

L'opération a été décidée en février 1960, la préparation a duré un mois environ, la désinsectisation proprement dite douze jours, le reclassement et le nettoyage des livres trois mois. Quant à l'inventaire, il n'est pas terminé. L'ensemble a coûté environ 7.400 NF.

Personnel.

La bibliothécaire de la Bibliothèque municipale a assuré la direction et l'organisation du travail avec l'aide de l'employée de la Bibliothèque des sciences. M. Jacques Boiziau, chef d'équipe à la Bibliothèque nationale, s'était rendu à Cherbourg pour le premier jour de l'opération.

On avait dû faire appel à un personnel temporaire pour compléter celui de la bibliothèque; il comprenait : 3 employés et 2 aides pour le maniement des livres; 4 manoeuvres pour la manutention des caisses, le chargement et le déchargement de l'étuve; 2 femmes de ménage; un homme pour vaporiser le xylophène ; un technicien pour l'étuve.

Matériel.

Un panier monte-charge a été sommairement installé dans chaque magasin.

Les caisses de format 88 X 46 X 23 se sont révélées d'un format extrêmement pratique pour le rangement des in-8°. Les grands formats étaient mis directement dans l'étuve avec toutes les précautions possibles.

Cent quatre-vingt-onze caisses ont été utilisées : 70 caisses (50 X 35 X 12) pour les petits formats, 70 (88 X 46 X 23) contenant chacune environ 30 livres in-8°, 50 caisses (70 X 40 X 40) contenant chacune environ 30 livres in-4°; une caisse pour les folios, les cartes et les plans. Ce nombre était insuffisant, il ne donnait que trois jeux de caisses (I jeu en cours d'emballage, 1 dans l'étuve, le troisième en déchargement) : un quatrième jeu aurait permis moins de précipitation certains jours de fatigue. Toutes les caisses étaient numérotées de 1 à 19I.

Un « diable » était utilisé pour faire les manutentions des magasins à l'étuve.

L'étuve était prêtée par la Maison Mallet (10, rue de Milan, Paris, 9e). C'est un groupe monobloc d'une contenance de 5 m3, pesant près de 3.000 kg et mesurant 3,60 m de long, I,90 m de large et 2,20 m de haut. Elle devait être mise dans un endroit aéré mais protégé des intempéries : pour des raisons pratiques elle a été bâchée et laissée dehors sur la remorque qui l'avait apportée de la gare. Il a fallu faire un plancher temporaire pour la relier au rez-de-chaussée surélevé du bâtiment.

L'appareil fonctionne sur un courant électrique triphasé (30 ampères, 220 volts, 50 périodes) pour l'alimentation d'un moteur 8 CV et un courant monophasé pour deux éléments chauffants de I.000 watts.

Les Établissements Mallet ont fourni l'oxyde d'éthylène et la glycérine nécessaires au fonctionnement.

Une bâche fermée partiellement sur les côtés permettait d'avoir un trajet couvert de l'étude au bâtiment.

Des tables de travail étaient nécessaires dans les magasins et au pied du monte-charge pour réceptionner ou entreposer les livres au moment du chargement et du déchargement des caisses.

Du matériel de nettoyage a évidemment été prévu.

Un xylophène conseillé par la Bibliothèque nationale a été vaporisé sur les rayons à l'aide d'un petit compresseur à main, celui-ci avait été prêté par le Service d'hygiène de la Mairie. L'employé qui le faisait fonctionner portait un masque et des gants de caoutchouc très épais.

Organisation.

Les caisses.

I° Comme les caisses n'étaient pas cotées, leur ordre était conservé par rayon. Une fiche signalétique était alors établie et suivait tout au long de l'opération l'unité ainsi constituée par chaque rayon. 2° Chacun de ces rayons était descendu séparément dans le monte-charge. 3° La mise en caisse se faisait au rez-de-chaussée. Le contenu des caisses était inscrit sur une feuille avec leur numéro d'ordre afin d'éviter toute erreur. 4° Au fur et à mesure que ces caisses étaient faites, elles étaient entreposées à proximité de l'étuve. Il fallait 24 caisses 88 X 46 X 23, 12 caisses 70 X 40 X 40, 12 caisses 50 X 35 X 12 : soit 48 caisses. Ces quatre opérations prenaient environ trois heures. 5° L'étuve une fois ouverte, les 48 caisses qu'elle contenait étaient enlevées. 6° Elle était ensuite chargée de la nouvelle série qui venait d'être préparée (chargement et déchargement : durée une heure). 7° Les caisses étaient ensuite déposées auprès du monte-charge et l'opération de remise en place se faisait de la même façon et en même temps (durée trois heures, par une équipe parallèle) : vidage des caisses, monte-charge, remise en rayon sans ordre intérieur (ce dernier rangement a été fait ultérieurement, une fois l'étuvage complètement terminé).

Les livres désinsectisés ne devant jamais se trouver en contact avec les autres, il fallait prendre les livres dans un magasin et les remettre dans un autre, étage par étage (les deux magasins ont la même disposition et la même superficie); au besoin le monte-charge et les tables étaient passés au xylophène.

Le déchargement et le chargement de l'étuve se faisaient à 9 h, 13 h 30 et 18 h. Le personnel qui en était chargé pouvait être indépendant de celui occupé à la mise en caisse. Des équipes étaient prévues par roulement avec des horaires différents pour assurer l'ensemble du travail qui a été effectué sur une base de six jours par semaine.

L'étuve (opération entièrement confiée à un opérateur spécialisé).

Les caisses étaient rangées dans l'étuve de façon à prendre le moins de place possible. Une fois l'appareil fermé, la désinsectisation sous vide partiel, sans changement de température, durait à peu près deux heures trente-cinq : I° mise sous vide partiel : dix minutes; 2° mise sous gaz pendant deux heures; 3° rinçage par air; 4° remise sous vide partiel; 5° deuxième rinçage.

Il est à remarquer que lors d'une première expérience faite en novembre 1959 à la Bibliothèque de l'Arsenal à Paris, M. Melkoniantz, conservateur à la Bibliothèque nationale chargé de diriger la désinsectisation, a précisé que l'oxyde d'éthylène se cristallise au-dessous de + 6°, ce qui diminue les possibilités d'évaporation et rend le travail pénible. Une telle désinsectisation est donc à déconseiller pendant les mois d'hiver.

Rayonnages.

I° Le nettoyage des rayonnages et des locaux était entrepris dès que les livres étaient enlevés des rayons. 2° Une fois ce nettoyage terminé, du xylophène était vaporisé sur les rayonnages et les planchers avec toutes les précautions possibles (en dehors des heures de travail du reste du personnel; l'opérateur portait des gants et un masque, etc...). 48 litres ont été nécessaires pour une superficie de 2.000 m2.

Rangement.

Lors de leur sortie des caisses les ouvrages étaient remis sur les rayons sans ordre intérieur. Deux employés ont été nécessaires pendant deux mois et demi pour ranger ces livres. Il a ensuite été procédé à un inventaire minutieux des collections.

L'ensemble de cette désinsectisation a demandé un travail considérable (135.000 fascicules répartis sur 2,500 km de rayonnages, soit 1.680 caisses en 35 étuves) qui n'a pu être réalisé que grâce à une équipe solidaire et compétente. La période choisie, au printemps, semble la meilleure : les larves d'insectes qui commençaient à sortir se sont trouvées complètement détruites, et sept mois après il n'en reste absolument aucune trace.