Journée d'étude sur l'édition musicale française

La Journée d'étude sur l'édition musicale française (19 décembre 1959) était organisée par le Groupe français de l'Association internationale des bibliothèques musicales, avec la collaboration de la Chambre syndicale des éditeurs de musique. En dehors des membres du groupe, de quelques bibliothécaires de province et d'éditeurs, plusieurs personnalités avaient bien voulu s'intéresser à cette réunion et participèrent aux débats, notamment MM. R. Loucheur, directeur du Conservatoire national de musique, André Jolivet, conseiller technique auprès de la Direction générale des arts et lettres, J. Chailley, professeur à la Sorbonne, N. Dufourcq et R. Siohan, professeurs au Conservatoire, J. Jacquot, directeur de recherches au C. N. R. S.

La séance du matin a été présidée par M. P. Lelièvre, inspecteur général des Bibliothèques. Au nom du Bureau du groupe, M. F. Lesure exposa les raisons qui avaient fait choisir le thème de l'édition musicale : sa situation très particulière au sein des diverses branches de l'édition, l'extrême faiblesse des tirages et des ventes en France même, enfin d'une manière générale le manque de documentation sur la question. M. Ph. Heugel lut un bref rapport de M. P. Rouart sur les éditions de musique ancienne, dans lequel sont soulignées les difficultés propres à sa transcription, qui doit satisfaire à la fois aux exigeances de la science musicologique et à celle des musiciens pratiquants. Dans la discussion qui suivit on souligna l'influence bienfaisante du disque dans ce domaine, mais la situation de cette partie de l'édition fut jugée particulièrement mauvaise.

M. Heugel aborda le domaine des éditions de « classiques », dans lequel les Allemands ont largement devancé l'édition française. Malgré cette redoutable concurrence, la maison Heugel a lancé après la guerre une collection de partitions de poche peu coûteuses qui connaît un succès très encourageant. Une discussion s'engagea alors sur le problème général de la lecture des partitions par des amateurs et notamment par les usagers des bibliothèques. M. Heugel indiqua à ce sujet qu'il avait publié une brochure pouvant aider les débutants 1. Diverses tentatives furent signalées tendant à ranimer le goût de la lecture de la musique en France, l'une d'elles étant l'Association du disque et de la partition. De leur côté, les bibliothécaires qui conservent aussi des disques dans leur dépôt, pourraient jouer un rôle non négligeable en proposant à leurs lecteurs la partition correspondant au disque demandé. Il serait donc souhaitable de voir se constituer dans ces bibliothèques, parallèlement à la discothèque, un petit fonds de partitions de poche.

M. Heugel aborda le chapitre particulièrement délicat de la musique contemporaine. En 1958, par exemple, on n'avait compté que 220 œuvres publiées en France, la musique légère étant exclue. Et encore ces éditions connaissent-elles de très faibles tirages (souvent 300 exemplaires). Presque nulle en France, la vente est surtout active dans des pays tels que l'Allemagne, les États-Unis, les Pays-Bas. Le disque ne jouant dans ce domaine qu'un rôle assez faible, le problème est en fait assez étroitement lié à celui de l'exécution publique de ces œuvres. M. Heugel souhaiterait pour la musique contemporaine une expérience analogue à celle du Centre dramatique de l'Ouest, qui joua d'abord devant des salles vides et qui attira finalement un public. Une discussion s'ouvrit, au cours de laquelle on déplora en particulier que les instituts français à l'étranger ne disposent pratiquement d'aucun crédit pour l'achat de musique contemporaine. Les démarches à faire dans ce sens sont confiées à M. Jolivet.

M. Heugel lut le rapport de M. Rouart concernant les ouvrages pédagogiques, pour lesquels la situation est toujours assez florissante. Le problème est lié très étroitement à celui de l'enseignement; on discuta de l'utilité qu'il y aurait de fournir aux instituteurs des manuels très simples, l'éducation musicale du public devant, pour être efficace, se faire dès l'école primaire.

La séance de l'après-midi fut présidée par M. Julien Cain, administrateur général de la Bibliothèque nationale, directeur des Bibliothèques de France. M. J. Bonfils exposa la situation des éditions de musique religieuse. Il n'existe plus en France que trois maisons spécialisées. C'est surtout par le biais des suppléments musicaux de revues telles que l'Organiste liturgique et Orgue et liturgie que se publie le répertoire religieux. Le public ainsi touché est régulier mais n'accepte que dans une faible mesure la musique contemporaine et les œuvres d'exécution trop difficile.

Mlle P. Salvan, qui avait pris une part très active à l'organisation de cette Journée d'étude, exposa brièvement le cas des bibliothèques de province, dans lesquelles les fonds musicaux sont souvent presque inexistants et presque toujours « morts ». Il existe cependant quelques exceptions, comme à la bibliothèque de Mulhouse et l'on peut espérer que le développement des discothèques dans un certain nombre de ces bibliothèques (Alger, Blois, Tours, notamment), favorisera la renaissance de leurs fonds musicaux.

M. J. Cain ouvrit la discussion sur le dernier point de l'ordre du jour concernant le projet d'une édition nationale de musique destinée à faire connaître les monuments de la musique française. Tous les orateurs s'accordèrent sur la nécessité d'une telle édition, dont il convient cependant de définir les buts. Pour les limites chronologiques à envisager sur lesquelles apparurent des divergences de vues, il parut préférable de s'en remettre à une commission restreinte. M. Lesure signala qu'un rapport a été rédigé par la commission des études littéraires et musicales du C. N. R. S. qui demande à cet organisme d'étudier en priorité ce projet d'édition nationale. Ce rapport sera prochainement publié. M. Heugel est chargé de prendre contact avec ses confrères aux fins de savoir si un groupe d'éditeurs pourrait s'intéresser au projet. Enfin, sur la proposition de M. J. Cain, une Commission provisoire fut créée qui doit étudier le plan et les principes de cette édition.

  1. (retour)↑  Lindenberg (Ed.). - Comment lire une partition d'orchestre. - Paris, Heugel, 1952, 34 P.