Nécrologie

Denise Turjman

Elie Melkoniantz

La Bibliothèque nationale est une fois de plus en deuil. Elle vient de perdre un de ses excellents éléments, de ceux qui ne laissent que des regrets et un souvenir ému. Entrée en 1943, nommée bibliothécaire en 1946, Mlle Denise Turjman a su très vite acquérir la sympathie et même l'amitié de ses collègues. D'humeur toujours égale, elle était très appréciée du public, lorsqu'elle prenait le bureau de la Salle des imprimés. Ses collègues pouvaient estimer sa complaisance et sa compétence lorsqu'ils avaient affaire à elle. Que ce soit au service de la photographie, au catalogue du fonds Le Senne ou au service des Anonymes, partout, elle n'avait que des amis. Depuis neuf ans elle dirigeait le service des Suites françaises où elle avait acquis une connaissance très précise des collections et de toutes les subtilités des éditeurs qui posent des problèmes permanents au bibliothécaire. Ceux qui avaient l'occasion de travailler avec elle étaient frappés par la clarté de son esprit, la logique de son raisonnement, sa mémoire prodigieuse et sa conscience professionnelle. D'une formation littéraire très poussée (licenciée ès lettres, diplomée d'études supérieures, D.T.B.), spécialiste de littérature et de civilisation américaines, elle avait, déjà en fonction à la Bibliothèque nationale, appris le grec moderne aux L.O.V. Elle se tenait très au courant de l'activité littéraire et artistique par des lectures nombreuses et variées, des conférences, des expositions. Même ses vacances étaient pour elle un moyen de s'instruire. Elle avait visité l'Europe entière et chaque fois par son esprit d'observation, son intelligence à faire la part du réel et du factice, elle augmentait sa connaissance du monde. Par ses récits vivants pleins d'anecdotes, elle savait faire revivre tout ce qu'elle avait vu. Elle se faisait des amis partout et aimait entretenir des correspondances dans tous les pays qu'elle avait visités.

D'une personnalité très riche, elle alliait à une intelligence supérieure, si appréciée professionnellement, de profondes qualités morales. D'une grande largeur d'esprit pourles autres, elle était stricte pour elle-même. Elle partageait les peines et les soucis de ceux qui l'entouraient mais se refusait à les alourdir de son propre fardeau.

D'une nature très sensible, sachant donner et recevoir avec amitié, elle était toujours prête à faire plaisir. La disparition d'une personne d'une telle valeur est pour la Bibliothèque nationale une perte très ressentie et pour tous ses collègues et amis une cruelle épreuve.