Chronique des bibliothèques

Bibliothèque nationale.

Acquisitions

Au cours du mois d'avril 1958, le Service slave de la Bibliothèque nationale a fait l'acquisition de plusieurs ouvrages et recueils d'ouvrages importants : les œuvres complètes du romancier et ethnographe Maksimov (seul exemplaire existant en France); un ouvrage rarissime, l'œuvre philosophique du père Paul Florensky; le livre fondamental du panslavisme russe, La Russie et l'Europe de N. Danilevsky ; deux ouvrages rares sur le « raskol », schisme religieux du XVIIe siècle, ainsi que l'édition de base des œuvres complètes de Dostoïevsky en 2I volumes que ne possédait jusqu'à présent aucune bibliothèque française.

Le Cabinet des Estampes a acquis, dans une vente récente, un état intéressant d'une lithographie de Renoir, « Maternité, grande planche », vers 1912 (Cat. L. Delteil, n° 50).

Cet état, à notre connaissance unique, permet de comprendre le sens réel de la lithographie, car l'enfant tourné vers la gauche, regarde un groupe formé de deux autres enfants avec une balle.

Exposition « Byzance et la France médiévale »

Les expositions de manuscrits organisées ces dernières années à la Bibliothèque nationale esquissaient à larges traits, grâce aux richesses de nos collections publiques de Paris et de province, un tableau de l'histoire picturale française au Moyen âge telle que la représente l'enluminure du VIIe au XVIe siècle.

Il convenait d'en montrer d'autres aspects encore. La France a toujours été largement ouverte aux apports artistiques venus de l'extérieur et c'est dans les innombrables images qui décorent les manuscrits que ceux-ci se révèlent de la façon la plus nette. Le fonds grec de Paris, le plus important qui soit au monde, permet à lui seul d'indiquer l'essentiel de ce que la peinture médiévale française doit à Byzance : en exposant cette année une centaine de ses manuscrits grecs et quelques témoins de l'art grec choisis parmi les plus probants, la Bibliothèque nationale tentera de mettre l'accent sur certaines comparaisons nécessaires, sans prétendre épuiser, loin de là, un sujet immense et difficile. Elle s'attaquera plus tard, s'il y a lieu, à d'autres problèmes du même ordre.

L'ensemble des manuscrits présentés appartient donc à la Bibliothèque nationale (Cabinet des manuscrits et Arsenal). Mais, comme toujours en pareil cas, celle-ci a trouvé auprès des municipalités et des bibliothèques de province, dépositaires des manuscrits qui proviennent d'anciennes abbayes et appartiennent à l'État, l'aide compréhensive habituelle : Amiens, Bourges, Dijon, Épernay, Lyon, Reims, Saint-Omer, Valenciennes, nous ont prêté des volumes dont les peintures témoignent, parmi d'autres, de rapports étroits entre la France romane et l'Est méditerranéen. L'École nationale supérieure des Beaux-Arts, l'Alliance biblique française, la Société archéologique d'Avesnes, ont complété nos séries grecques et latines par l'octroi de pièces d'une grande qualité. Nous avons demandé à la « Landesbibliothek » de Stuttgart de nous confier le précieux Psautier qui est un de ses joyaux, et le Dr Wilhelm Hoffmann, directeur de cet établissement, en a aimablement obtenu l'autorisation du « Kulturministerium » de Baden-Württemberg. Les Musées de France ont également répondu généreusement à notre appel : ceux de Dijon et de Reims, le Louvre, auquel la Bibliothèque nationale ne s'adresse jamais en vain, ainsi que Mme Claudius Côte, se sont privés temporairement en notre faveur d'ivoires, de reliefs et de peintures propres à illustrer le thème de notre exposition 1.

Jean Porcher
conservateur en chef du Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale.

Exposition Dunoyer de Ségonzac

L'exposition Segonzac dans la galerie Mansart, organisée par le Cabinet des estampes, a été accueillie favorablement par la presse et le public.

Il s'agit d'un ensemble (plus complet que celui qu'on avait vu en 1937) de gravures et de livres illustrés de l'artiste allant de 1909 à 1958. On y a joint un certain nombre de dessins et plusieurs aquarelles (le Morin, le golfe de Saint-Tropez...), estimant qu'elles complètent et éclairent l'œuvre du peintre-graveur.

Le catalogue 2, rédigé par M. J. Adhémar, ne se présente plus sous la forme traditionnelle, avec les images rejetées à la fin; on y trouve une image par page, image surmontée de la liste des pièces de la suite ou des défets du livre catalogué, et au-dessous de laquelle un texte explique les conditions dans lesquelles l'œuvre a été réalisée, donne des indications sur les rapports du personnage représenté et de l'artiste, etc. Ce catalogue est précédé d'un avant-propos de M. Julien Cain, d'une étude sur l'artiste et son œuvre par M. Jean Vallery-Radot, et de deux pages dans lesquelles le Maître commente son attitude esthétique et sa théorie sur l'illustration d'un livre.

Société des amis de la Bibliothèque nationale

L'Assemblée générale annuelle de la Société des amis de la Bibliothèque nationale et des grandes bibliothèques de France s'est tenue le 20 mai 1958 à la Bibliothèque nationale, sous la présidence de M. Georges Duhamel, de l'Académie française.

Le rapport moral présenté par M. Jacques Guignard, secrétaire général, a souligné les avantages consentis aux adhérents au cours de l'exercice écoulé (visites guidées des expositions organisées à la Bibliothèque nationale, visite de la Bibliothèque municipale d'Avranches et du Mont Saint-Michel, réduction sur les achats faits au magasin de vente de la Bibliothèque nationale, les abonnements à un certain nombre de revues, etc.).

Le rapport financier présenté par M. Charles Peignot a permis à l'assemblée générale d'approuver les dons qui ont été faits d'une part à la Bibliothèque municipale d'Avranches de l'ouvrage de M. L.-M. Michon sur les Reliures mosaïquées du XVIIIe siècle et de celui de F. Masai sur la Miniature dite irlandaise, ainsi que le don fait à la Bibliothèque nationale d'un certain nombre de documents et lettres autographes émanant de l'abbé Mignot, neveu de Voltaire, de Mme Denis et M. d'Hormoy, qui reprochaient au marquis de Villette d'avoir soustrait le cœur du grand écrivain au moment où l'abbé Mignot faisait procéder précipitamment aux obsèques de Voltaire dans son abbaye de Scellière. Ces documents avaient d'autant plus naturellement leur place à la Bibliothèque nationale que c'est à celle-ci, comme on le sait, que les héritiers du marquis de Villette devaient finalement, en 1864, restituer le cœur du grand philosophe.

Avant de lever la séance, M. Julien Cain a fait part aux membres présents du programme des prochaines expositions prévues à la Bibliothèque nationale.

Bibliothèques municipales.

Agen (Lot-et-Garonne)

La Bibliothèque municipale a participé par le prêt de divers ouvrages de ses collections à la campagne artistique : Romantiques et réalistes du XIXe siècle, organisée par la Direction des musées de France et qui se tient au musée de cette ville du 29 mai au 26 juillet 1958 3.

Bourg-en-Bresse (Ain).

Du Ier juin au 15 juillet 1958, le Musée de l'Ain, à Bourg-en-Bresse, consacre une exposition à Marguerite d'Autriche, duchesse de Savoie et fondatrice de l'église de Brou. Cette exposition qui a été organisée par Mlle Baudson, conservateur du Musée et de la Bibliothèque de Brou, avec la collaboration de M. De Roo, archiviste conservateur du Musée communal de Malines, doit être ensuite présentée à Malines du 26 juillet au 15 septembre, consacrant ainsi le jumelage de ces deux villes.

De nombreuses collections publiques et privées, tant en France qu'à l'étranger, ont coopéré à la réussite de cet hommage rendu à la fondatrice de Brou. La Bibliothèque nationale, la Bibliothèque de l'Arsenal, celle de la Sorbonne, les bibliothèques municipales de Besançon, de Lyon et, bien entendu, de Bourg-en-Bresse ont prêté divers documents. La Bibliothèque nationale notamment expose les deux portraits de Marguerite et de Charles VIII, extraits d'un livre d'heures (ms. latin 1190), qui les représentent à l'époque où ils étaient promis l'un à l'autre. Les autres portraits exposés de Marguerite d'Autriche, de l'empereur Maximilien, son père, du duc de Savoie Philibert le Beau, son époux, de Philippe le Beau, son frère, et de princes de la Maison de Bourgogne, proviennent pour une grande part du Musée du Louvre, du Musée communal de Malines, des musées d'Aix-en-Provence, Dijon, Douai, Grenoble, Lyon, Tours, etc., de la « National gallery » de Londres, du « Kunstmuseum » de Vienne, etc., ainsi que de collections privées parmi lesquelles il faut citer celles de Mme Tudor Wilkinson (Paris). C'est assez dire l'intérêt que présente l'ensemble de portraits ainsi réunis; cet ensemble constitue en effet une savante introduction à l'iconographie de Marguerite d'Autriche, sur laquelle Mlle Baudson prépare d'ailleurs une étude, et à celle de ses contemporains. Le catalogue 4 édité à l'occasion de cette exposition, qui est également l'œuvre de Mlle Baudson, est déjà par lui-même un document précieux.

Clamart (Seine).

A l'exemple de celle de Neuilly, la Bibliothèque municipale de Clamart a entrepris de créer une discothèque de prêts. Un référendum a été organisé auprès des lecteurs de la bibliothèque, en vue de connaître leurs préférences. La musique classique vient en tête, suivie des disques de variété, de musique légère et, en dernière position, de jazz. Un taux de location a été prévu en fonction du format du disque et des amendes seront perçues sur les emprunteurs retardataires.

Colmar (Haut-Rhin).

Dans le cadre de la section enfantine de la Bibliothèque de la ville de Colmar ont été exposés des dessins d'enfants ayant participé à un concours ouvert par la municipalité. Les jeunes artistes devaient soit illustrer une œuvre musicale, soit composer une affiche touristique.

Ce concours, désormais entré dans la tradition, a, une fois de plus, suscité de l'enthousiasme chez les jeunes. Cent dessins environ ont été proposés à l'appréciation du jury, qui a découvert de petits chefs-d'œuvre.

Évreux (Eure).

En présence ne M. le préfet du département de l'Eure et de M. le maire de la ville d'Évreux, une exposition retraçant l'évolution du livre depuis la fin du xve siècle jusqu'à l'époque romantique a été inaugurée à la Bibliothèque municipale d'Évreux, le 7 juin 1958.

Tous les ouvrages exposés étaient tirés du fonds de la bibliothèque, attestant la richesse de ses collections qui se sont particulièrement accrues au cours du XIXe siècle grâce à de nombreuses donations.

Narbonne (Aude).

Le mardi 27 mai, s'est tenue, à la Bibliothèque municipale de Narbonne, une journée d'étude des bibliothèques du midi, fort bien organisée par le bibliothécaire, M. Bertrand. A cette journée d'étude, ont participé 24 bibliothécaires des bibliothèques municipales et universitaires entre Rhône et Pyrénées.

Au cours de la séance de travail de la matinée, présidée par M. Lelièvre, inspecteur général des Bibliothèques, ont été présentées les communications suivantes :
- Restauration, conservation et catalogage des fonds anciens, communication de M. Caillet, conservateur de la Bibliothèque municipale de Toulouse, et de M. Moor, chef de l'atelier de restauration de cette bibliothèque.
- Usuels et livres de documentation, communication de M. Descadeillas, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Carcassonne.
- Catalogue collectif relatif à la documentation locale et information réciproque en ce qui concerne les « spécialités » de chaque bibliothèque, notamment pour les achats, communication de Mlle Masson, conservateur de la Bibliothèque municipale d'Albi.

A 13 heures, un déjeuner amical, offert par la ville de Narbonne, réunissait les congressistes. Ceux-ci ont pu admirer les remarquables réalisations que présente la Bibliothèque municipale de Narbonne dont la section « Heure joyeuse » vient de s'ouvrir. Une exposition des principaux ouvrages de la Réserve avait été organisée à leur intention.

Saint-Girons (Ariège).

Le jeudi 29 mai a été inaugurée la Bibliothèque municipale de Saint-Girons, par M. l'inspecteur général Lelièvre, M. Vignaud, sous-préfet, M. Loubet, maire, en présence de M. Coumes, bibliothécaire, et de nombreuses personnalités de la ville et du département.

Le local où a été installé la bibliothèque a été aménagé de très heureuse façon par M. Henri Bacque, architecte.

Cette bibliothèque, très gaie et très lumineuse, comprend au rez-de-chaussée deux salles destinées à la jeunesse et à d'éventuelles expositions, ainsi qu'une pièce pour la réserve des livres; au premier étage, une pièce vaste et claire donne par trois grandes baies sur les allées plantées de platanes qui bordent la rivière du Salat. Elle est à l'usage du prêt et de la lecture sur place pour les adultes.

Un intéressant fonds d'ouvrages relatifs à la littérature française et à l'histoire locale, légués à la ville de Saint-Girons avant 1918, par l'abbé Duclos, historien ariégeois, a été transféré dans ce local, il y sera conservé et mis en valeur.

Les premiers éléments d'un fonds moderne ont déjà pu être constitués grâce à des crédits votés par la ville de Saint-Girons, à des subventions de la Direction des bibliothèques et de la Caisse d'allocations familiales de l'Ariège, enfin à un prêt de la bibliothèque circulante départementale du département.

Cette bibliothèque dont la création est pour une grande part l'œuvre de M. Vignaud, sous-préfet de Saint-Girons et infatigable ami de la lecture publique, a bénéficié d'une aide importante, pour les travaux et les collections, de la Direction des bibliothèques.

Elle est un excellent exemple de ce qu'avec des moyens modestes, peut, dans ce domaine, réaliser une ville de 7 ooo habitants.

Toulouse (Haute-Garonne).

Bien que disposant de quatorze dépôts de quartiers, dans des écoles, cercles laïques, établissements industriels, etc., la section de lecture publique de la Bibliothèque municipale ne peut atteindre aussi complètement qu'elle le désirerait la population de Toulouse, ville extrêmement étendue. En particulier, les dépôts existants présentent le double inconvénient de n'être ouverts que certains jours et à certaines heures et d'échapper pour partie à l'influence et au contrôle de la bibliothèque.

Pour pallier cet inconvénient, il a été entrepris la réalisation de véritables bibliothèques de quartiers, avec lecture sur place, usuels, périodiques, section de prêt et coin pour les jeunes.

La construction de bâtiments complètement indépendants devant être onéreuse, il a paru intéressant d'utiliser les facilités à la fois techniques et financières que donnent les constructions scolaires, étant bien entendu que, quoique situées dans le même bâtiment, la bibliothèque et l'école sont entièrement indépendantes l'une de l'autre.

La première bibliothèque de ce genre a été inaugurée samedi 3I mai, par M. l'inspecteur général Lelièvre, M. Badiou, maire de Toulouse, M. Périllier, préfet de la Haute-Garonne, et M. Dottin, recteur de l'Académie. Construite en plein cœur du vieux Toulouse, sa disposition en demi-cercle à l'angle de deux rues lui permet, grâce aux larges baies dont elle est dotée et à des vitrines d'exposition, de toucher au maximum le public.

La disposition intérieure, étudiée avec un soin tout particulier par le Service d'architecture de la ville, rend facile la surveillance de la salle grâce à l'aménagement en éventail des rayonnages, et l'ambiance obtenue avec des murs de couleurs gaies et un mobilier en chêne clair a tout de suite été très appréciée du public. La Direction des bibliothèques, qui avait suivi de très près l'élaboration de ce projet, a largement contribué à sa réalisation.

Le samedi 7 juin a été inaugurée l'exposition des éditions d'art du Dr Manuel Bruker, en présence de celui-ci et de M. Jacques Guignard, conservateur de la Réserve à la Bibliothèque nationale, qui a fait, à cette occasion, un exposé sur le livre illustré moderne et, en particulier, sur le rôle de l'éditeur dans ce domaine.

Cette exposition présente, soit dans des vitrines, soit en planches isolées sur les murs, la presque totalité des ouvrages édités par le Dr Bruker et notamment la suite des Éloges consacrés aux peintres et aux graveurs contemporains.

Bibliothèques universitaires.

Poitiers (Vienne).

La croix de la Légion d'honneur a été remise à Mlle Giraud, conservateur de la Bibliothèque universitaire de Poitiers, le 16 juin, par M. l'inspecteur général Masson, représentant M. le Directeur général des Bibliothèques.

Au cours de cette cérémonie, à laquelle assistaient de nombreuses personnalités universitaires, M. le recteur Loyen a rappelé les services rendus à l'Université par Mlle Giraud et M. Masson a retracé sa carrière universitaire en insistant sur la qualité de ses travaux bibliographiques. Le Manuel de bibliographie littéraire, publié en 1939 pour la période 1931-1935 et en 1956 pour les années 1936-1945, doit recevoir prochainement une suite pour les années 1946-1955. Chronologiquement, cette publication donne la suite du Manuel de Lanson, mais l'étendue des informations et la richesse de documentation sur le Comparatisme et sur l'Histoire des idées en font un travail entièrement original. Une telle œuvre prolonge l'action professionnelle de son auteur et fait bénéficier de son expérience tout le corps des bibliothécaires.

Bibliothèques centrales de prêt.

Moselle.

Un stage d'éducation populaire a été organisé du 24 au 28 juin 1958 à l'École normale d'instituteurs de Montigny-les-Metz à l'intention des élèves de 4e année. Ce stage, dont l'animation a été confiée à l'Association des amis de la Bibliothèque centrale de prêt de la Moselle en collaboration avec le Groupe mosellan d'éducation populaire, a porté essentiellement sur la question du montage culturel dans l'éducation populaire et il a permis aux assistants de participer à la réalisation de cycles sur la Lorraine et sur le sport.

Bulletins de bibliobus.

Le Service technique de la Direction des bibliothèques de France a reçu deux nouveaux fascicules de bulletins édités par des bibliothèques centrales de prêt ou des services départementaux de lecture publique. Le Bulletin de l'Association des amis de la Bibliothèque centrale de prêt de l'Isère (n° 5, mars 1958) est consacré presque dans sa totalité à une liste sélectionnée de livres sur la mer. Dans le Bulletin du bibliobus du Loiret (n° 7, 2e trimestre 1958), on trouvera une étude sur les prix littéraires pour les jeunes ainsi que le début d'un article de M. J. Le Maire, ancien président de la Société archéologique du Loiret, consacré à l'Orléanais.