Un passeport encore valide ?

Regards sur une expérience passée et d'avenir

Alain Chante

Partant du constat des lacunes des étudiants primo-arrivants en matière documentaire, un travail collectif intercatégoriel, mené dans un contexte national et local favorable, a abouti en 1997 à la publication de l’ouvrage Un passeport documentaire de l’école à l’université : de la BCD au CDI et à la BU. Le moment est peut-être venu de relancer ce type de recherche.

Starting from the observation of the lacunae in information literacy of newly arrived students, a cross-category collective study, carried out at a favourable national and local level, has led to the publication in 1997 of a work entitled An information literacy passport from school to university: from the BCD to the CDI and to the BU. The moment has perhaps arrived to re-launch this type of research.

1997 wurde ein „Passeport documentaire de l’école à l’université : de la BCD au CDI et à la BU“ eingeführt der die Wissenslücke in der Informationsbeschaffung neu immatrikulierter Studenten füllen sollte. Es handelte sich dabei um eine gemeinsame Arbeit aller Dienststellen die in einem günstigen nationalen und lokalen Umfeld durchgeführt wurde. Vielleicht ist es jetzt an der Zeit Studien auf diesem Gebiet zu erneuern.

Partiendo de la constatación de las lagunas de los estudiantes recien-llegados en materia documental, un trabajo colectivo intercategorial, llevado en un contexto nacional y local favorable, concluyó en 1997 con la publicación de la obra Un pasaporte documental de la escuela a la universidad : de la BCD al CDI y a la BU. Ha llegado tal vez el momento de reactivar este tipo de investigación.

Il y a dix ans, une expérience de travail collectif menée dans l’académie de Montpellier avait abouti à la publication d’un ouvrage de la collection « Accompagner » du Centre régional de documentation pédagogique Languedoc-Roussillon, coordonné par Simone Brunel-Bacot : Un passeport documentaire de l’école à l’université : de la BCD au CDI et à la BU.

Une décennie après, l’expérience semble, sur le plan de la méthode, avoir laissé des bons souvenirs aux participants et pouvoir représenter un modèle de fonctionnement à reproduire, et, sur le plan des contenus, avoir proposé des axes de réflexion qui ne se sont pas démodés et qui semblent surtout susceptibles de s’inscrire dans de nouvelles actions à venir. Il a donc paru intéressant de la rappeler et de signaler ses possibles extensions.

Ce projet, c’était avant tout un groupe, créé dans un contexte favorable, faisant un constat et mettant au point une démarche, pour un résultat intermédiaire, malheureusement non continué.

Un groupe

Le travail sur le « passeport documentaire » constituait, nous semble-t-il, une action originale par la volonté qui a présidé à la constitution même du groupe de travail : en effet, pour faire participer tous les niveaux et toutes les institutions en cause dans l’apprentissage des méthodes documentaires dans l’Éducation nationale, un grand effort d’exhaustivité a été fourni, puisqu’on pouvait trouver dans l’équipe :

  • deux institutrices, l’une de maternelle et l’autre de l’enseignement élémentaire ;
  • une documentaliste animatrice en BCD (bibliothèque centre documentaire) ;
  • cinq professeurs documentalistes certifiés : trois travaillant en collège, un en lycée, un en lycée professionnel ;
  • deux documentalistes de CRDP (Centre régional de documentation pédagogique), une de CDDP (Centre départemental de documentation pédagogique), une du Centre académique de formation des adultes, une du Centre académique de la formation des administratifs ;
  • une inspectrice de l’Éducation nationale ;
  • une enseignante en documentation à l’IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres), responsable de la préparation au Capes de documentation ;
  • un maître de conférences en sciences de l’information à l’université de Montpellier III, responsable des modules de licence et de la maîtrise de sciences de l’information et de la documentation ;
  • quatre conservateurs de bibliothèques universitaires représentant les BU de lettres, de médecine et de sciences.

À ce collectif plutôt complet sont venus s’associer des intervenants ponctuels, comme la directrice de la bibliothèque interuniversitaire de Montpellier, le directeur du CRDP Languedoc-Roussillon, un chargé de mission pour la mission Lecture du ministère de l’Éducation nationale, un maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Montpellier III et le président de l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS).

Au total s’est ainsi formée une équipe couvrant tous les niveaux d’enseignement, du primaire au supérieur, en passant par les deux niveaux du secondaire, avec des membres de grandes associations professionnelles que constituent l’ADBS et la Fadben (Fédération des enseignants documentalistes de l’Éducation nationale), et des représentants d’institutions (CDDP, CRDP, ministère de l’Éducation nationale).

    L’équipe s’est mise en place en constituant une structure souple, sans hiérarchie imposée, en application de certains principes de valeur, en particulier celui demandant de mobiliser des informations provenant de tous les acteurs d’une entreprise par la constitution d’une équipe, et celui consistant à constituer un système antihiérarchique, avec des personnes de niveaux différents, où chacun puisse s’exprimer librement.

    De fait, aucune structure n’a essayé de s’imposer, les membres de l’équipe n’étaient pas en concurrence et tout le monde a apprécié de se trouver en relation avec des collègues d’autres niveaux *.

    Un contexte

    Cette expérience est née dans un contexte particulier, dans ce qui, avec le recul, peut paraître comme une période de changement, et donc de créativité :

    • la création du Capes de documentation, cherchant sa place entre université et institut universitaire de formation des maîtres (à Montpellier, la préparation au Capes a été ouverte à l’université Paul Valéry avant de passer dans son intégralité à l’IUFM, et non pour partie comme cela aurait dû se faire) représentait la création d’une discipline (nous affirmons le mot, même si tous les enseignants documentalistes ne partagent pas cet avis) nouvelle qui devait développer des recherches, au niveau à la fois théorique et pratique ;
    • la création de la maîtrise de documentation, la suppression du CAFB (Certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire), la croyance, ou la crainte, qu’il y ait une liaison entre les deux et une volonté du Ministère, à terme, de supprimer les filières professionnelles de formation au profit des filières universitaires (qui ne s’est pas vérifiée, mais qui était sensible à l’époque) ;
    • la transformation des bibliothèques universitaires, qui plongeaient dans les nouvelles technologies et adaptaient leurs services.

    Tout cela débouchait sur des inquiétudes devant les transformations, mais aussi des espoirs comme celui d’une future agrégation, des ambitions, dont celle de devenir le pivot, la base de toutes les formations, et des ouvertures de diplômes « aventureu-ses » (comment recruter les enseignants d’une discipline nouvelle, puisqu’aucun ne peut avoir le diplôme qu’il va dispenser ; les commissions de spécialistes hésitaient entre professionnels des bibliothèques et diplômés universitaires d’autres disciplines, entre informatique, sciences de l’éducation, information et communication, lettres ou histoire), et finissait par donner un esprit « conquête de l’Ouest » particulièrement exaltant.

    Sur un plan plus local, plusieurs facteurs venaient renforcer la tendance.

    D’une part, la création en 1989 à l’université Paul Valéry Montpellier III d’un poste de maître de conférences en sciences de l’information et de la communication dépendant de la BIU de Montpellier, et non d’un département ni d’une UFR de l’université, avait permis de faire éclater les structures et de dépasser les clivages traditionnels entre institutions, disciplines et sections. Ce poste, que j’occupais, se voyait confier un service « étude et recherche » ayant pour fonctions de développer les filières « documentation » dans le cursus universitaire, de développer et coordonner des projets au service de la BU au niveau national et international (exemple, la responsabilité d’un projet Tempus, avec les universités roumaines de Cluj, Iasi, Sibiu, mené de la constitution du dossier en 1995 à la réalisation en 1996, 1997 et 1998), et de promouvoir des activités de recherche sur la documentation (mémoires de maîtrise, colloques Histoire et documentation et projet Information, savoirs et recherche, en réponse à un appel d’offres du ministère de la Recherche, en 1993-1995).

    D’autre part, la BIU menait une action vers la facilitation de l’accès à l’information en développant un anté-serveur et cherchait à mieux comprendre les pratiques de ses publics.

    Enfin, le CRDP voulait devenir le lieu-ressource de communication et d’ingénierie pour les documentalistes et enseignants des établissements scolaires.

    Des échanges de vue entre ces trois entités débouchèrent sur le projet et le CRDP s’appuya sur un appel d’offres du Ministère du 22 octobre 1992 – concernant les projets d’actions de formation continue intercatégorielles – demandant « de former ensemble les personnels qui ont à travailler ensemble », en interprétant l’adverbe « ensemble » par « se succédant habituellement ». Le projet était rattaché au Plan lecture du ministère de l’Éducation nationale et de la Culture de l’époque.

    Trois constats

    Le projet relevait d’un double constat : à leur entrée à l’université, les étudiants semblaient dans leur grande majorité perdus dans le lieu BU. Pas seulement sur un plan topographique – les surfaces concernées étant largement supérieures à celle d’un CDI (Centre de documentation et d’information), même d’un grand lycée –, pas seulement sur un plan de disponibilité – les ouvrages accessibles étant bien plus nombreux (mais les étudiants ont-ils conscience d’en avoir besoin un jour ?) –, mais sur un plan méthodologique : l’étudiant semblait perdu face aux outils récents (fichiers informatiques, cédéroms, Internet) et même classiques (catalogues, encyclopédies, ordre de classement).

    Une expérience de mesure, réalisée dans le cadre du projet Information, savoirs et recherche, en réponse à un appel d’offres du ministère de la Recherche, visant à étudier les comportements des étudiants et à créer des cours d’apprentissage de la documentation en Deug (diplôme d’études universitaires générales), licence et maîtrise, montrait une grande ignorance des termes (thésaurus, classification, indexation…) comme des pratiques (réaliser un plan de classement, une bibliographie, juger de la pertinence d’un document…), alors que les programmes annoncés pouvaient laisser croire à une pratique assidue du CDI au long des études. On pouvait aussi noter, en première année, que c’étaient les étudiants les plus âgés, redoublants ou en reprise d’études, qui voyaient l’intérêt de l’acquisition de ces savoirs et savoir-faire, alors que les plus « jeunes » pensaient avoir déjà tout acquis.

    On pouvait s’amuser à lancer la pierre dans le champ du voisin, puis à se relancer la balle : les étudiants étaient mal (ou pas) formés vu de l’université, ou bien mal accueillis vu du secondaire ; ils étaient surpris par l’absence de cohésion entre les actions de formation rencontrées aux différents niveaux, et les professionnels étaient surpris, eux, par l’hétérogénéité des publics ; les outils n’étaient peut-être pas bons, trop professionnels au départ pour contenter un large public non initié. Il y avait sans doute un peu de tout cela, mais il fallait pouvoir se rencontrer, échanger, savoir ce que devenaient les éléments donnés aux élèves (oubliés, mal compris, mal utilisés, ou inadéquats) et essayer d’harmoniser.

    Deuxième constat : si l’on se référait aux programmes et intentions des différents niveaux, on voyait apparaître, peu ou prou, toujours la même chose. Qu’ils aient de 5 à 25 ans, il fallait toujours leur présenter les mêmes outils, expliquer les mêmes pratiques. Impossible de repérer une progression, des niveaux. Selon le choix du formateur, l’apprenant était un éternel débutant ou un éternel surdoué. Le même problème se rencontre également avec l’informatique, où l’on doit mettre à niveau des étudiants en leur expliquant ce que des classes de cours moyen bien équipées savent faire.

    Que fallait-il en conclure ? Que certains parmi les plus jeunes étaient trop ambitieux, que les plus âgés étaient en retard, que certains allaient se voir répéter la même chose cinq ou six fois sans souci de progression, alors que d’autres allaient découvrir l’eau chaude en fin de cursus ? Ou que les mêmes termes recouvraient des réalités bien différentes et que les mêmes mots comprenaient en fait différents niveaux d’explication ? Ou encore que les différents niveaux utilisaient différentes méthodes de classement, de recherche et que le jeune apprenant se perdait dans cette diversité ?

    Troisième constat : les réunions se sont révélées très intéressantes parce qu’elles permettaient aux intervenants de découvrir ce qui se passait dans leur domaine aux autres niveaux, dont ils connaissaient finalement peu de choses et dont les actions étaient plus souvent connues par des expériences de parents d’élèves que par des accords professionnels. En particulier, peu de monde était au courant de tout ce qui se passait dans les BCD. Bien évidemment, cela ne fait que reproduire ce qui se passe dans toute l’Éducation nationale, où enseignants de primaire, de collège, de lycée et d’université connaissent rarement les programmes, les innovations, les expériences des autres.

    Une démarche et un résultat

    Un premier travail de communication entre personnels permit de dégager des points de réflexion et d’interrogation. Exemples de ces constats :

    • Le besoin est trop souvent aligné sur l’offre. Cela rend plus faciles les actions pédagogiques, qu’on peut mieux programmer, mais limite la créativité.
    • Il faudrait exploiter les besoins ludiques qui poussent l’élève à devenir son propre prescripteur.
    • Le prescripteur et le médiateur se mélangent, se complètent ou s’affrontent selon les situations, dans un jeu difficilement compréhensible par les élèves.
    • On oscille sans cesse dans la recherche d’information entre zapping superficiel couvrant de vastes surfaces et exploitation « à fond » d’un document passé au crible.

    Puis on avança, par des réunions bimestrielles, vers l’élaboration de ce que nous avons appelé Passeport documentaire (on parla même de Doc-Pass !), car il s’agissait de passer les barrières (ou les fossés) existant entre les différents niveaux.

    Dans un premier temps, on envisagea une réalisation pratique, un livret des élèves et étudiants où seraient comptabilisées les compétences documentaires acquises (avec le problème de la durée : comment inciter l’élève à garder un document d’une année sur l’autre ?) et/ou un livret destiné aux enseignants et aux professionnels de la documentation. Puis on décida de s’arrêter à l’étape préalable, celle de l’élaboration d’un outil destiné aux enseignants et professionnels présentant nos réflexions et des pistes de travail pour une harmonisation et une progressivité de la maîtrise de la recherche documentaire au fil des cycles. C’était plus réaliste, le livret (au moins celui de l’élève) n’ayant d’intérêt que pris en charge à un niveau beaucoup plus élevé de l’Éducation nationale pour avoir un impact autre qu’anecdotique.

    Il s’est donc agi :

    • de déterminer les éléments mis en jeu pour l’apprentissage des informations documentaires (AID), d’identifier les concepts, de les hiérarchiser, et de modéliser les relations entre l’apprenant en information documentaire, les besoins, les médiateurs, les objets, les processus, sans oublier l’environnement et le temps ;
    • de préciser les « axes d’attaque » de ces éléments de base : prétexte, motivation, questionnement, reformulation, repérage…
    • de lister les apprentissages susceptibles de donner lieu à des progressions par niveaux, démarche qui a abouti à sélectionner 8 axes principaux : appropriation des lieux, lecture de consignes et formulation de la demande, maîtrise des vocabulaires, des codes et des outils, apprentissage du jugement (juger de la pertinence, se faire une opinion), rédaction d’une biographie, élaboration d’une bibliographie, création d’une base de données personnelle ou d’un simple carnet d’adresses, restitution et communication des informations (affichette, panneaux…) ;
    • d’élaborer des grilles et des fiches pour chaque apprentissage sur les compétences répertoriées (mention du prescripteur, des besoins, des processus, des médiateurs, des supports et outils, du contexte) croisées avec les différents niveaux ;
    • et de présenter pour chaque apprentissage des exemples de travaux déjà menés sur chacun des niveaux ;
    • pour conclure sur les actions de médiateur du documentaliste.

    Au terme de deux ans de travail, nous avons débouché sur une publication dont nous avions conscience qu’il ne s’agissait que d’une étape, d’un commencement qu’il aurait fallu prolonger (cf. bibliographie).

    Une interruption

    Nous aurions aimé continuer dans cette voie. Mais la situation évoquée a changé. Comme souvent, des changements de poste pour certaines personnes, de priorité pour les institutions, la difficulté de jouer sur la durée dans une époque de vitesse qui privilégie la succession des innovations à un ancrage en profondeur, ont dilué l’équipe.

    Sur un plan local, le poste de maître de conférences en BIU est rentré dans le rang des sections et des départements universitaires, sans bien trouver sa place (avec la section Documentation dans son ensemble, il a changé de département et d’UFR et s’apprête de nouveau à le faire), tant il est difficile de faire apparaître quelque chose de nouveau dans un monde où les moyens et le pouvoir relèvent souvent de la tradition. La BIU s’occupe de bibliothèque, l’université d’enseignement, la recherche ne s’intéresse pas aux professionnels non inscrits en thèse. Et si l’on parvient à obtenir des habilitations et à monter des enseignements, il est presque impossible d’obtenir des postes pour une filière attractive en pleine croissance (charges horaires quadruplées en cinq ans).

    Sur un plan national, la documentation peine à trouver pleinement non seulement sa place dans des sciences de l’information et de la communication, lieu de conflits disciplinaires débouchant sur des tentatives de mainmise et des ostracismes, mais même ses priorités (dans les textes du Ministère, l’intitulé de la maîtrise de documentation a changé régulièrement, et sans commentaire, passant de « sciences de l’information et de la documentation » à « d’information et de documentation », puis à « de documentation et information » révélant l’hésitation entre sciences et techniques et une délicate hiérarchisation des termes – sans mentionner le terme d’information documentaire qui semblerait le plus adéquat –, avant que les masters n’introduisent une grande diversité de titres et de programmes).

    Le projet d’une agrégation est toujours repoussé, sans doute pour des problèmes financiers, mais aussi parce que trop de documentalistes nient le côté disciplinaire de leur activité. Or une agrégation repose sur la notion de discipline.

    La formation en première année de Deug (maintenant dite L1) à la méthodologie universitaire, qui pouvait devenir le lieu de formation à ces principes documentaires, et qui l’a été, voire l’est toujours dans un certain nombre d’expériences réussies, aurait pu se systématiser loin des orientations disciplinaires si les universités avaient mené une politique de recrutement de PRCE (professeurs certifiés) de documentation pour assurer ces nouveaux cours. Mais on a fait semblant de croire que, puisqu’il s’agissait d’un contenu généraliste, ces cours pouvaient être assurés par n’importe quel diplômé. Ils sont plutôt confiés à des enseignants de la discipline choisie par l’étudiant, enseignants en manque de quelques heures pour achever leur service et qui détournent les programmes vers la méthodologie disciplinaire, avec la volonté de fabriquer des spécialistes avant l’heure.

    On pouvait croire qu’après cette période de nouveauté féconde, on revenait vers une normalité, vers des habitudes plus pesantes.

    Entre passé et futur

    Alors, ce texte ne serait-il qu’un regard nostalgique vers une expérience passée ? On peut essayer de nuancer cette affirmation, voire la récuser.

    D’une part, l’expérience du Passeport documentaire, si elle est passée, n’est en rien dépassée : les enjeux, les besoins sont toujours là. Les études de terrain auprès des étudiants primo--arrivants et de ceux qui entrent en maîtrise montrent que les lacunes restent grandes. Si les choses sont vues, et ce n’est pas toujours le cas, elles sont rarement mémorisées et utilisées. Il semble que les apprenants ne comprennent pas que les acquis d’un niveau sont les bases du suivant, et pensent plutôt qu’ils vont ouvrir un nouveau dossier vierge. Et nous pensons qu’il convient de mieux préciser les acquisitions possibles selon le niveau de développement de l’élève, en évitant à la fois les b.a.-ba répétés éternellement et les ruptures énormes de niveau et d’exigence.

    Ensuite, des progrès ont été faits dans d’autres cadres. À l’université Montpellier III, peu à peu, la section Documentation a mis en place des enseignements, sur les deux axes de l’enseignement généraliste et de l’orientation professionnelle : la création d’une licence professionnelle Ressources documentaires et d’un M2 professionnel Traitement de la documentation, qui entourent la maîtrise existante, devenue M1, a permis de développer les contacts et les partenariats avec des associations professionnelles (ADBS). D’autre part, la création du consortium Documenta préparant la mise en place d’un master européen en collaboration avec les universités Carlos III de Madrid, de Coimbra au Portugal et de Wroclaw en Pologne va permettre de comparer les programmes et les acquis d’étudiants d’autres pays européens.

    En outre, l’ébauche de filière complète d’enseignement de documentation que nous avons réalisée en L1 et L2 Médiation culturelle avec 117 heures de cours sur la documentation et l’information, plus 78 heures sur l’histoire de la documentation a permis de toucher un nombre important d’étudiants (avec lesquels on peut mener des enquêtes et des expériences) et de constituer une équipe de chargés de cours où l’on retrouve documentaliste de collège, documentaliste du CRDP, conservateur de BU, ce qui permet d’envisager des échanges fructueux.

    Des recherches que nous menons sur la modélisation de la documentation (en particulier l’idée d’une triadisation des schémas) et sur la notion de médiateur (de passage, d’arbitrage, de transformation, de liaison) ont permis de progresser dans la perception des éléments que nous avancions en fin d’ouvrage.

    Enfin, il nous semble que le moment est venu de relancer ce type de recherche, car un cadre nouveau se met en place : l’équipe de documentation de l’université Montpellier III va rejoindre l’équipe d’information-communication de la même université au sein du Ceric, le Centre d’étude et de recherche en information et communication, pour obtenir la création d’un institut des techno-sciences de l’information et de la communication sur l’antenne biterroise de l’université de Montpellier III.

    Dans l’Institut et dans le groupe de recherche, la documentation devrait disposer de deux axes sur les sept prévus : à côté de communication des organisations et management, communication multimédia et édition numérique, dispositifs sociotechniques et formation à distance, communication interculturelle et négociation, communication externe, médiatique et publicitaire, on trouvera documentation et gestion de l’information numérique et documentation, culture et enseignement. Ce dernier thème pourrait entre autres reprendre les recherches sur le passeport documentaire.

    Nous terminons donc avec l’idée d’un « Passeport II : le retour » qui serait un « retour vers le futur », dont il faudra rendre compte un jour. S’égrènent quelques notes de musique, avec un refrain « Rendez-vous dans dix ans, même lieu… ».

    Septembre 2005

    1. (retour)↑  Il faut noter un élément difficilement programmable, à savoir un très bon relationnel (signe prosaïque mais révélateur : le désir de rester ensemble et de partager la même table lors du repas de midi !) qui s’est mis en place entre la majorité des membres et qui déboucha sur d’autres collaborations et sur de véritables amitiés. Cela mérite d’être signalé.