La fin du catalogage ? !

Juliette Doury-Bonnet

Mort ou résurrection du catalogage ? Quel avenir pour les catalogues… et pour les catalogueurs ? Le sujet correspondait bien à une attente de la profession, car on avait dû refuser du monde à Médiadix, en ce 21 octobre 2004, pour la célébration de la fin du catalogage, si souvent annoncée et toujours reportée  1. Les organisateurs et le public ont regretté l’absence à la tribune d’un représentant officiel de la Bibliothèque nationale de France (BnF), seule capable de répondre à certaines questions.

Le catalogue, ce n’est pas la messe du dimanche !

Dominique Lahary (Bibliothèque départementale de prêt du Val-d’Oise) est parti de l’approche de Jean-Pierre Lardy (Urfist de l’Université Claude-Bernard Lyon I) qu’il remplaçait au pied levé. Il a cité les résultats d’une enquête réalisée en Rhône-Alpes auprès d’étudiants et de chercheurs : le catalogue de bibliothèque est rarement cité comme ressource documentaire, il apparaît comme « réduit, peu efficace, ringard ». En effet, ce n’est pas un outil de gestion de contenus. Le chercheur derrière son écran n’a pas la culture de base du bibliothécaire, il ne possède pas le langage documentaire intermédiaire. De plus, il recherche l’information primaire : il est dans « une logique de l’accès direct avec une consubstantialité entre le langage de la requête et celui du document primaire ». Et pour le grand public, bien sûr, c’est pareil.

« Les catalogues ont un avenir, mais leurs concepteurs doivent mettre en avant les besoins des utilisateurs pour qu’ils rejoignent les autres outils de recherche électronique » : Jean-Pierre Lardy prône une classification souple, des liens, une interface simple avec des mécanismes de correction d’erreurs, des résultats facilement identifiables à l’affichage. Même si tout le monde n’était pas d’accord, en particulier les formateurs, Dominique Lahary, toujours provocateur, a fait un sort au « mythe de la qualité et de la cohérence » : « Le catalogue, ce n’est pas la messe du dimanche. » Essayons de nous mettre à la place des utilisateurs : les données doivent se rapprocher des contenus en proposant des résumés et des tables des matières (déjà proposés par les fournisseurs), la simplicité des requêtes et la lisibilité de l’affichage feront le reste.

Vers le métacatalogue

Le premier site web de la ville, c’est souvent celui de la bibliothèque : c’est un enjeu politique. Christian Ducharme (CD-Script) a pris l’exemple de la Bibliothèque de Lisieux pour démontrer qu’avec « presque aucun moyen » – budgétaire, mais du savoir-faire… et du temps ! –, la bibliothèque devenue numérique offre davantage de services aux usagers, diffuse ses documents patrimoniaux, publie ses coups de cœur, sa collection de signets. Elle devient visible, son public s’élargit. Dans ce contexte, que devient le catalogue ? Soit il reste au centre, enrichi de notices plus complètes (résumés, sommaires, extraits, liens…). Soit la bibliothèque s’oriente vers un portail, une interface web donnant accès à des ressources documentaires (catalogue, listes de périodiques et de nouveautés, fonds numérisés, bases de données…), voire une interface unique de recherche comme celle que propose désormais la Bibliothèque municipale de Lyon, Catalog +. Cela représente beaucoup de travail et un paramétrage fin, mais cela correspond bien aux attentes du public.

« Paramétrage » et « jamais de silence » furent les maîtres mots de l’intervention de Claudine Belayche (Bibliothèque municipale d’Angers) qui s’est penchée sur la question des accès au catalogue. En effet, il faut réfléchir à l’exploitation maximale de la base de données et non pas se limiter aux accès offerts autrefois par les catalogues papier. Statistiques à l’appui, elle s’est attaquée à l’indexation matière – et aux vedettes Rameau en particulier – vite obsolète et qui ne correspond pas au langage des usagers. « Tous les enrichissements qui donnent accès au contenu tel qu’il est décrit par l’auteur lui-même, qui est quand même le mieux placé pour décrire son livre, sont les bienvenus. »

Qui fera le « catalogue mutant » ?

Ces questions sur l’avenir et la finalité des catalogues, les bibliothécaires du monde entier se les posent. Patrick Le Bœuf (BnF) est intervenu en tant que président du groupe de travail de l’Ifla sur les FRBR (Functional Requirements for Bibliographic Records ou fonctionnalités requises des notices bibliographiques). Élaborés entre 1992 et 1997, les FRBR sont un modèle conceptuel explicitant la structure sous-jacente des catalogues. Ils ont conduit à quelques expérimentations, tel que le prototype Fiction Finder d’OCLC  2 qui permet de compacter des listes de notices et de les présenter de façon plus digeste pour l’utilisateur. Patrick Le Bœuf a donné un aperçu des projets en matière de formats (« Jurassic Marc » contre XML) et d’interfaces graphiques. Les catalogues ont encore de beaux jours devant eux, mais ils seront peut-être faits en amont par les éditeurs. L’accent sera peut-être mis davantage sur les autorités et les liens que sur la description.

Du côté des éditeurs et des libraires, Laurent Dervieu (Électre Biblio) a rappelé l’intérêt du format Onix (Online Information Exchange)  3. Il a insisté sur le rôle des bibliothèques dans la chaîne du livre : « On a besoin de qualité et de normalisation. » Pour lui, le gros problème, ce n’est pas ce qu’on peut mais ce qu’on veut faire : les professions doivent s’ouvrir et collaborer.

Pierre-Yves Duchemin et Sandrine Lagore ont conclu la journée avec la présentation de l’offre de formation de l’Enssib et Médiadix en matière de catalogage : l’ISBD a le vent en poupe. Quant à la formation des utilisateurs, elle n’a pas été oubliée, grâce à une question du public : Google n’a pas réponse à tout.