Assises nationales pour l'éducation à l'information

Sylvie Chevillotte

Les 11 et 12 mars derniers, des professionnels de l’information et des enseignants organisaient à Paris des « Assises nationales pour l’éducation à l’information : l’éducation à l’information et à la documentation, clef pour la réussite de la maternelle à l’université 1 ».

On peut souligner d’emblée que le pari, difficile, de faire réfléchir ensemble les acteurs de la formation à l’information et à la documentation des enseignements secondaire et supérieur a été réussi. Pendant deux jours, ces milieux ont pu découvrir un certain nombre de problématiques communes.

L’appel à participer aux assises soulignait que malgré « l’accroissement du nombre des BCD (bibliothèques centres documentaires), CDI (centres de documentation et d’information) et BU (bibliothèques universitaires) depuis deux décennies, la prise en charge effective de la formation à l’information dans l’école n’est toujours pas reconnue comme une nécessité ». Le texte invitait les personnes intéressées à se réunir pour « confronter leurs expériences, leurs attentes et leurs projets à l’occasion de ces assises ».

La formation des élèves, des étudiants … et des enseignants

Le premier jour a permis de camper le décor. Le matin était consacré à « la réussite scolaire et universitaire : un enjeu politique ». Les débats furent dirigés par Colette Charrier-Ligonat, présidente de la Fadben (Fédération des enseignants documentalistes de l'Éducation nationale). La séance de l’après-midi, orchestrée par Isabelle Fructus (Institut universitaire de formation des maîtres [IUFM] d’Aix-en-Provence), s’intitulait « Regards sur des dispositifs pédagogiques mettant en jeu l’éducation à l’information ».

Jean-Claude Grignon (directeur de l’Observatoire de la vie étudiante) dressa un tableau de la situation d’un étudiant aujourd’hui. Puis Françoise Chapron (IUFM de Rouen) et Claire Panijel (Unité régionale de formation à l’information scientifique et technique de Paris) retracèrent les évolutions des formations documentaires dans le milieu scolaire, pour la première, et universitaire pour la seconde.

Alain Coulon (université Paris VIII) traita « de la démocratisation de l’université à la démocratisation de l’accès au savoir » en s’appuyant sur des enquêtes conduites à l’université Paris VIII 2. Ces enquêtes prouvent une augmentation des chances de réussite des étudiants ayant suivi des cours de méthodologie documentaire pendant le premier cycle. Il détailla ensuite quatre propositions « qui ne coûtent rien ! »

–une rénovation pédagogique des universités ;

–une rénovation de la méthodologie du travail intellectuel des étudiants ;

–la formation des enseignants de l’Enseignement supérieur (idée reprise par ses collègues au sujet du primaire et du secondaire) ;

–l’évaluation des enseignants et enseignements.

Ces propositions, ainsi que les exposés précédents, entraînèrent de nombreuses questions et commentaires de la salle. Tous insistèrent sur l’absence ou l’insuffisance de formation des enseignants dans le domaine de l’information.

L’après-midi vit se succéder des présentations et commentaires d’enquêtes en milieu scolaire, par Christiane Étévé (Institut national de recherche pédagogique) et Vincent Liquette (IUFM d’Aquitaine) ; universitaire, par Jean-Émile Tosello-Bancal et Mathieu Stoll (Sous-direction des bibliothèques et de la documentation) ; sur la formation des enseignants, par Daniel Warzager (IUFM de Créteil) ; ainsi qu’un tableau de la formation des doctorants dans un Centre d’initiation à l’enseignement supérieur (Paris), par Alain Coulon.

Un « curriculum » en information-documentation

Bernard Belloc (président de l’université Toulouse I) fit un exposé brillant et convaincant, s’appuyant sur ses expériences d’enseignant en sciences économiques, puis de président d’université. Il insista sur la MTU (méthodologie du travail universitaire) introduite par la réforme des DEUG (diplômes d’études universitaires générales) – dite « Bayrou » – en 1997. Cette MTU a donné un cadre pour appuyer les enseignements méthodologiques, y compris ceux à la maîtrise de l’information. Pour B. Belloc, « “éducation à l’information” est un terme préférable à “enseigner des méthodes d’information” ». Une formation, c’est, plus qu’utiliser des techniques, « développer un sens critique ». Il insista sur la nécessité de repenser les organigrammes ; d’« attaquer » le problème à tous les niveaux de l’enseignement ; de convaincre les présidents d’université que cette éducation doit faire partie d’une stratégie d’établissement globale et de mieux intégrer les enseignants disciplinaires.

Jean-Louis Charbonnier (IUFM de Nantes) proposa une réflexion sur « la place du “curriculum” en information-documentation dans la formation des élèves, des étudiants et des enseignants ». On peut regretter que cet exposé passionnant se soit déroulé à une heure tardive. Il releva que l’ensemble des interventions soulignaient de nombreuses carences. On introduit des dispositifs – par exemple, dans le secondaire, les TPE, travaux personnels encadrés – sans organiser ni structurer la formation des enseignants. Il est donc nécessaire de créer un « curriculum 3 ».

Le lendemain, les participants travaillèrent en atelier sur les enseignements scolaires et supérieur et la formation des enseignants, les contributions adressées par différents participants avant les assises enrichissant les débats. Une synthèse des problématiques, propositions et problèmes à continuer à débattre a été faite. Le contenu de ces ateliers est malheureusement trop diversifié pour que nous puissions en rendre compte ici.

Gérard Losfeld (professeur émérite, université Lille III) conclut ces deux journées de manière étincelante. Il remit en perspective et dans un contexte élargi tout ce qui avait été dit ou suggéré par les uns et les autres. Il insista sur la formation des enseignants, l’éducation à l’information dans tous les cycles scolaires, l’articulation avec le disciplinaire, la nécessité d’un cadre théorique pour les formations. G. Losfeld émailla son discours de métaphores permettant « d’ouvrir une fenêtre sur le monde » et de donner un souffle à ces assises.

En conclusion, il me semble que ces journées ont surtout dressé un tableau de « l’éducation à l’information et à la documentation » aujourd’hui. Ont-elles permis de dégager des pistes de travail ? G. Losfeld en a signalé quelques-unes. Une réflexion sur la clarification des termes employés – « éducation », « enseignement », « formation », « maîtrise de l’information »… – pourrait être menée. L’arrivée du LMD (licence, master, doctorat) a souvent été reprise de façon incantatoire, ainsi que la nécessité – mais est-ce bien nouveau ? – de former les enseignants et de travailler ensemble, professionnels de l’information et enseignants disciplinaires.