Librarianship and information work worldwide 1993

an annual survey

par Marc Chauveinc
general ed. Maurice B. Line ; ed. Graham Mackenzie and Ray Prytherch. London ; Melbourne ; Munich : Bowker-Saur, 1993. – XIV-274 p . ISBN 1-85739-082-2 : DM 20

Voici le troisième volume d’un annuaire publié sous la direction de Maurice B. Line, bien connu des bibliothécaires du monde entier. L’ouvrage reprend, pour la bibliothéconomie, une habitude déjà ancienne des scientifiques, celle des annual reviews, des synthèses, des mises au point. Il s’agit de résumer le développement des bibliothèques et de la bibliothéconomie dans l’année écoulée en faisant l’analyse des principales publications. C’est dire l’importance de ce type d’ouvrage pour une mise au courant rapide. Comme il s’agit déjà d’un abrégé de centaines d’articles en 274 pages, le résumer encore en trois feuillets ne peut qu’élaguer une grande part des idées. L’important est qu’il favorise l’orientation dans une sorte de bibliographie commentée.

Le livre est composé de plusieurs articles faisant la synthèse des publications mondiales dans onze secteurs différents : contexte général, bibliothèques universitaires, secteur public, bibliothèques nationales, collections et services, gestion et performances, édition, réseaux et coopération.

Développement et évolution des bibliothèques

Ann Irving donne le contexte général du développement des bibliothèques en 1993. Vitesse, synthèse et sélection sont, pour elle, les mots-clés de ce développement. S’appuyant sur une longue bibliographie, elle analyse les politiques de l’information dans différents pays et la croissance de l’information électronique dont les bibliothèques n’ont pas vraiment pris conscience, en continuant à privilégier l’imprimé et le catalogage alors que l’information circule, sous leur nez, directement d’un auteur à un lecteur. Le savoir devenant la principale richesse de la société post-capitalistique, le concept de bibliothèque et d’information devient plus fluide et plus volatile.

John Willemse, Noel Shillinglaw et Gwenda Dalton analysent ensuite l’évolution des bibliothèques universitaires. Les tendances générales constatées dans la littérature sont la baisse des crédits et l’influence grandissante des nouvelles technologies. La première est sévère en Grande-Bretagne et aux États-Unis (la France est absente du compte rendu), et a pour conséquence l’utilisation grandissante de l’information électronique et un changement de philosophie qui passe de la « possession permanente » à l’accès, avec l’installation de « stations de travail » permettant d’interroger de nombreuses sources d’information. Le concept de bibliothèque virtuelle est de plus en plus employé, lié au prêt entre bibliothèques et à plusieurs expériences de fourniture de textes en ligne.

Volontairement élargi au secteur public, Rosemary Raddon considère que le contexte politique et social des bibliothèques est devenu prioritaire dans la littérature. Celui-ci évolue. La baisse des crédits, la société de consommation, le développement technique conduisent les bibliothécaires à se poser des questions sur leur rôle dans la société, entre l’industrie de l’information et une fonction culturelle. D’où les questions du paiement des services, des pressions politiques, de la fonction éducatrice et, par-dessus tout, celle du personnel.

Bibliothèques nationales, réseaux, coopération

Birgit Antonsson, sur les bibliothèques nationales, donne une description des nouvelles situations faites aux bibliothèques nationales en Europe de l’Est, en Allemagne et analyse les tendances qui se manifestent : ouverture plus large, paiement des services, planification stratégique, conversion rétrospective, préservation, nouveaux bâtiments (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Autriche, Norvège et Danemark). Elle termine par une description d’un jumelage entre la Bibliothèque nationale de Stockholm et celle de Managua.

En dernier lieu, est abordée la question des réseaux et de la coopération. Après avoir analysé différents types de réseaux, Stella Keenan reprend l’idée de la bibliothèque virtuelle, en constatant un passage progressif de la localisation du document à l’accès au savoir, c’est-à-dire une évolution qui va du produit au service, favorisée par la baisse des crédits d’achat des bibliothèques et le progrès technologique. Plusieurs exemples de réseaux et d’éditions électroniques sont donnés dans différents pays, dont la France, là aussi, est absente.

Enfin, Maurice B. Line conclut l’ouvrage par un épilogue plutôt pessimiste dans lequel il rappelle l’effet désastreux des conflits modernes sur les bibliothèques, les effets néfastes de la privatisation de l’information qui favorise le court terme et la diminution des moyens, les promesses non tenues de la bibliothèque virtuelle dont le rêve est grand, mais dont les problèmes économiques et sociaux sont encore loin d’être résolus.

Le grand intérêt de ce livre est qu’il fait la synthèse des recherches et des tendances de la bibliothéconomie mondiale, principalement anglo-saxonne. On peut regretter l’absence d’articles français (le Bulletin des bibliothèques de France est cité une fois, la France n’apparaît que trois fois pour la Bibliothèque nationale de France, et les seuls auteurs français mentionnés sont Geneviève Boisard, Emmanuel Le Roy Ladurie, Jean Gattégno, Éric de Grolier, Marie-France Plassard, Renée Lemaître et Anne-Marie Chaintreau). Ceci est peut-être un peu de notre faute par la faiblesse de la recherche française en bibliothéconomie. Néanmoins, pour ceux qui s’intéressent à l’avenir des bibliothèques et de la profession, cet ouvrage est indispensable, car il permet de s’orienter dans l’importante bibliographie qui suit chaque article. D’autant plus qu’un index des sujets et des auteurs facilite la recherche.