Formation aux CD-Rom à la Bibliothèque publique d'information

Dominique Baude

Les bibliothèques offrent désormais dans leur collection des documents informatisés. Le plus représenté dans les salles de lecture est certainement le CD-Rom. Mais peut-on « lire » un CD-Rom comme on lit un livre ? Y-a-t’il des techniques, des codes à apprendre pour trouver le document et l’exploiter ? La BPI organise des séances de formation, ouvertes à tous, qui traitent de ce support devenu indispensable pour la recherche documentaire. L’équipe de formateurs tente à la fois de donner les informations techniques nécessaires, d’aborder la notion intellectuelle d’outils documentaires, et de mettre en garde devant une facilité trompeuse.

Today, in their collections, libraries offer computerised documents among which CD-Rom are definitely the most often shown. But is it possible « to read » a CD-Rom as we read a book ? Isn’t it necessary to know codes, procedures to reach our document and to exploit it ? To help users dealing with this new media, now essential in document retrieval, the BPI organizes training sessions guided by a team of librarians (free and open to everyone). During 1 h 30, librarians try to give basic technical informations, to suggest what is a documentary tool from the intellectual point of view and to warn against an apparent easiness.

Die Bibliotheken bieten jetzt in ihrer Sammlung elektronische Dokumente, unter denen das CD-Rom das üblichste in den Lesesälen bleibt. Kann man aber ein CD-Rom sowie ein Buch « lesen » ? Gibt es Techniken, zu lernende Verfahren, um dieses Dokument zu finden und auszubeuten ? Die BPI veranstaltet Fortbildunggstagungen, die jeder besuchen darf, um diesen jetzt in der dokumentarischen Nachforschung unentbehrlichen Datenträger zu behandeln. Die Verantwortlichen dieser Fortbildung versuchen zugleich, die nötigen technischen Informationen zu erteilen, den intellektuellen Begriff der dokumentarischen Werkzeuge in Angriff zu nehmen und dem Publikum eine betrügerische Leichtigkeit abzuraten.

« L'idée même de progrès est liée à la conscience d'une continuité et aux inventions techniques qui permettent de fixer l'information. »
Michel Delon, directeur du Centre des sciences de la littérature de l'université de Paris X-Nanterre.

Depuis l'origine des temps, l'homme a inventé de nouvelles techniques pour « fixer l'information ». Mais jusqu'à une date récente, il n'était besoin, pour prendre connaissance de cette information, que de savoir lire. La comprendre est un tout autre problème, qui ne sera pas abordé ici. Depuis quelques années, il ne suffit plus de savoir lire, il faut aussi savoir utiliser de nouveaux moyens de communication avant d'accéder à l'information « fixée ». « Fixer » n'est d'ailleurs plus le verbe approprié. Sur un écran, le texte n'est plus imprimé, il apparaît et disparaît au gré de la volonté, au gré des jeux de doigts sur le clavier. Le texte se plie et se déplie comme par magie. Magie d'autant plus forte que l'on sait qu'un écran est perçu comme une image, et une image provoque plus d'émotions que de raisonnements. Là est le danger.

Au-delà de la fascination que ces nouvelles technologies peuvent exercer sur le public et sur nous-mêmes, il ne faut jamais oublier le rôle essentiel des professionnels de la documentation : permettre à toute personne, quels que soient son niveau ou ses motivations, d'accéder à l'information qu'elle recherche. Pour parvenir à cette fin, les bibliothécaires ont toujours assuré un rôle de formateur aux outils documentaires, – de plus en plus technique et complexe face aux nouvelles technologies.

Les bibliothèques offrent désormais, dans le cadre de recherches documentaires précises, ou dans le cadre d'une démarche de loisirs, des outils nouveaux. La recherche documentaire a toujours été difficile, mais jusqu'à une date récente, les outils nécessaires étaient, sinon connus, du moins familiers dans leur forme, physiquement identifiables et repérables dans l'espace. Ce qui est, pour les bibliothécaires, une multiplication de supports, se traduit en définitive par seulement deux supports : papier ou écrans. Le reste est en fait une « cuisine professionnelle », parfaitement transparente pour l'utilisateur qui ne saisit pas la différence entre un catalogue en ligne, un CD-Rom, une base bibliographique distante, etc.

Orienter, informer, former

Soixante écrans de consultation du catalogue en ligne, vingt-deux écrans de consultation de CD-Rom, deux bornes interactives, répartis sur trois étages : voilà ce que la BPI propose à ses 13 000 lecteurs quotidiens. Parler de labyrinthe, dans ce cadre, n'a rien de surprenant. Orienter, informer et former l'utilisateur sont désormais des tâches essentielles du personnel de la BPI. Toutes les directions ont été expérimentées et mises en place quand cela était possible : signalétique, dépliants consacrés à un thème ou à un média, modes d'emploi de la bibliothèque ou d'un service particulier, formation individuelle lors des permanences dans les bureaux d'information – l'aide apportée au public dans ce cas est ponctuelle, liée à une recherche précise, et il est rarement possible, par manque de temps, de « former » vraiment à tel ou tel outil –, enfin, séances de formation organisées.

Ces séances sont le résultat des observations faites lors des permanences dans les espaces de lecture et répondent à un besoin souvent exprimé : comment utiliser cet espace où tout est en « libre accès », mais pas forcément « accessible » à tous ? Elles sont thématiques : initiation générale à l'utilisation de la bibliothèque, au catalogue en ligne, aux CD-Rom ; thèmes tous proposés par les bibliothécaires, sauf la formation aux CD-Rom, demandée, souhaitée par les utilisateurs de la BPI.

Les séances de formation

Une enquête faite auprès des utilisateurs de CD-Rom, voici quelques années, et confirmée par des observations quotidiennes, a montré que, face à un écran, le document papier tout proche, qui est là pour aider, n'est lu que par une minorité. La fascination, même inconsciente et la concentration que requiert l'écran, éliminent de fait le support papier. Il est vrai qu'il peut paraître paradoxal de proposer un mode d'emploi imprimé pour un document informatisé. Les seules informations qui sont vraiment « entendues », « acceptées », sont orales et relèvent de la pratique.

Les séances ont lieu deux fois par mois, le mercredi à 14 h 30 et le jeudi à 18 h 30, durent environ 1 h 30, et sont ouvertes à tous. Ces horaires permettent de toucher à la fois le public des scolaires, des enseignants, mais aussi « tous les autres ». L'affichage des dates des séances, l'inscription des personnes intéressées, évitent les groupes supérieurs à douze personnes. La moyenne d'âge se situe autour de trente ans. La plupart des personnes ne connaissent pas, ou très peu, l'informatique et les documents électroniques et sont là, soit pour une recherche précise (ce qui peut servir de trame à la séance de formation), soit par curiosité personnelle. Parmi eux, se trouvent parfois de futurs professionnels des bibliothèques ou de la documentation.

Les formateurs sont des membres du personnel qui, intéressés par cette nouvelle technologie, ont accepté de suivre une formation approfondie. Cette démarche leur a permis d'analyser les problèmes spécifiques aux documents électroniques et de tester les « clefs » indispensables à leur « lecture ».

Acquisition et répartition

Avant d'aborder le déroulement des séances, il est peut-être utile de présenter rapidement les politiques d'acquisition et de répartition des CD-Rom dans les espaces de lecture.

Il n'y a pas de service CD-Rom à la BPI. La même politique d'acquisition est appliquée aux documents imprimés et aux CD-Rom, et ces derniers sont totalement intégrés à chaque fonds. Le critère essentiel est d'apporter un service meilleur ou complémentaire par rapport aux documents imprimés. On ne peut bien sûr pas échapper à un certain phénomène de mode, mais en le limitant le plus possible. Ce parti pris de complémentarité entre les différents supports explique que les CD-Rom, comme tous les autres documents, soient répartis dans les espaces en fonction de leur contenu intellectuel, par grands domaines de la connaissance.

Problèmes et solutions

Quels sont les problèmes et quelles solutions peut-on proposer, solutions provisoires en attendant des jours meilleurs où les remarques des bibliothécaires seront prises en compte par les éditeurs et les concepteurs de logiciels ?

Le premier risque auquel se trouve confronté l'utilisateur est un risque de confusion : les soixante écrans verts, un peu tristes, ne proposent que le catalogue de la bibliothèque – celui des documents que l'on trouve sur place –, les autres écrans « ouvrent » sur... quoi ?

Depuis des siècles, il est bien connu que, lorsqu'un livre est ouvert, il suffit de le refermer pour découvrir son titre, son auteur, sur la couverture. Petit geste fait sans réfléchir et qui donne la clef, une clef essentielle qui permet de situer immédiatement ce document dans un ensemble vaste, celui de la connaissance, et dans ou hors d'un ensemble restreint, celui d'une recherche précise.

« Fermer » un écran pour savoir quel document a été ouvert n'est le geste que de quelques personnes. Qu'un même écran puisse permettre la lecture de plusieurs documents reste encore une découverte pour beaucoup. Jusqu'à présent, pour consulter plusieurs documents, il fallait changer physiquement d'ouvrages, aller les quérir sur un rayonnage, structure spatiale servant de repère. Maintenant ce sont en quelque sorte les documents qui se déplacent, défilent sans aucune consistance.

De même, il existe des collections dans lesquelles tous les titres ont un aspect physique identique, une même apparence visuelle. Il faut donc apprendre que deux écrans présentant la même couleur, le même graphisme, peuvent « cacher » des titres différents.

Pour permettre au public des séances de formation de reprendre pied dans un univers plus familier, il est important de lui présenter un CD-Rom, de lui donner quelques explications techniques. Cette présentation physique de ce qui semble être totalement virtuel est fondamentale. Elle permet d'intégrer cette nouvelle technologie à un environnement connu et banal, celui du CD-Audio. Un écran de consultation de CD-Rom est donc une porte ouverte sur plusieurs documents. La répartition des titres dans les espaces de lecture par grands domaines rend plus simple la réponse à la question « Que puis-je trouver ici ? ».

Les risques de confusion expliqués, il faut permettre au lecteur d'utiliser son document.

Le premier barrage rencontré est le clavier. Malgré les statistiques prévisionnelles optimistes plus qu'abondantes ces dernières années, il n'y a pas encore un million de foyers équipés de micro-ordinateurs, et seul un faible pourcentage de la population fréquentant les bibliothèques sait utiliser un clavier d'ordinateur. Ce premier barrage peut malheureusement être définitif.

Comment fermer ou ouvrir un document, comment revenir à un sommaire général, lorsque rien ne l'indique sur l'écran ? Si de surcroît, les rares indications fournies correspondent à des claviers anglais alors que, bien entendu, on ne dispose que d'un clavier français, il ne reste plus qu'à s'adresser à la personne compétente la plus proche, ou partir sans information, si on n'ose pas. Cette dernière phrase n'est pas une boutade. Ce problème est quotidien. Depuis toujours, chacun « sait » qu'arrivé à la fin de la page d'un livre, il faut la tourner pour lire le mot suivant ; mais il faut « apprendre » à tourner les pages de l'écran à l'aide des touches du clavier. Les quelques clefs données lors des séances de formation permettent souvent de débloquer une situation très simple et d'accéder enfin au document. Dans dix ans, dans quinze ans, cette étape sera dépassée. Les générations qui arrivent sauront utiliser l'informatique et les logiciels d'interrogation.

Des logiciels de recherche non standardisés

Car il est bien question de logiciels au pluriel, et non pas d'une seule technique de recherche. Ces logiciels représentent le deuxième barrage à l'utilisation de ces documents informatisés. En schématisant, on peut dire qu'à chaque titre correspond un logiciel de recherche différent. Il ne s'agit pas seulement d'un graphisme différent, mais d'une approche différente, d'une conception différente et donc d'une démarche intellectuelle différente. Il n'existe aucune uniformisation de ces logiciels, et cela, disent les éditeurs, pour mieux exploiter la richesse de chaque document.

Depuis des années, il est expliqué que toute standardisation des logiciels de recherche nuirait au contenu des CD-Rom. Les recherches les plus récentes dans ce domaine prouvent la mauvaise foi de ce discours, et dans quelques années, ce problème devrait être en partie résolu. Pour l'instant, là aussi, des clefs, des méthodes sont données, en particulier quant à la lecture d'un écran, au décryptage des quelques informations fournies. Car il s'agit bien, d'une certaine manière, d'apprendre à lire un écran, comme on a appris à lire des bandes dessinées, et pas seulement à les regarder.

Même si, de prime abord, nous le concevons comme une image, comme un tout, il faut dissocier le document lui-même et les textes ou mots qui permettent de l'exploiter et qui sont situés sur les bords de « l'image » ; un peu comme si dans la marge d'un ouvrage imprimé figuraient des indications pratiques. Mais ces « nouvelles marges » ne sont pas familières.

Présentation du document

Il faut aborder ensuite la partie fondamentale des séances de formation. Car, comment expliquer un ou plusieurs logiciels de recherche sans présenter d'abord le document choisi ? Comment démontrer les potentialités d'un logiciel si on ne sait pas quels renseignements peut fournir le document ?

La frontière entre apprentissage d'une nouvelle technologie et recherche documentaire est franchie à ce moment-là, le passage se fait naturellement alors qu'il n'était ni envisagé, ni demandé par les participants à ces formations. En passant d'un secteur à l'autre de la bibliothèque afin de montrer plusieurs exemples de CD-Rom, différents types de documents sont analysés, tels que bibliographies, annuaires, encyclopédies, etc. ; les formateurs insistent sur la complémentarité des supports, et donc des documents entre eux, ainsi que sur la complexité d'une véritable recherche documentaire.

Le dernier point abordé est une mise en garde : quelques clefs essentielles pour utiliser les CD-Rom sont fournies, mais pas les connaissances qui permettent d'accéder au contenu d'un document. Les nouvelles technologies, et en particulier les CD-Rom, mettent souvent à la portée de tous des ouvrages de spécialistes. Ils permettent d'accéder à plus d'information, plus vite, mais lire cette information ne suffit pas, il faut être capable de la comprendre. Pouvoir entrer facilement dans un document qui nécessite des connaissances approfondies dans un domaine est un leurre. Les séances de formation ne donnent aucune clef pour cela.

Formation du personnel

Cette formation destinée au public demande un investissement important de la part du personnel qui doit régulièrement réviser et entretenir sa propre formation. Cependant elle devrait se développer encore plus pour répondre à la demande. Il faudrait, entre autres, organiser des formations aux CD-Rom par domaine, et même parfois, pour un titre particulier, ce qui, pour des raisons de temps, n'est pas possible. Il faudrait aussi pouvoir mieux analyser l'attitude du public face à ces nouvelles technologies. Nous n'avons ni les compétences, ni la formation nécessaire, pour tirer les conclusions psychologiques, philosophiques et sociologiques des transformations qui s'opèrent actuellement dans les établissements. Les séances de formation sont des moments privilégiés pour connaître le public, entrevoir tous ces changements et porter un regard extérieur sur notre métier.

Octobre 1994

  1. (retour)↑  Cet article a été rédigé avec la collaboration de l'équipe de formateurs à l'utilisation des CD-Rom de la BPI.
  2. (retour)↑  Cet article a été rédigé avec la collaboration de l'équipe de formateurs à l'utilisation des CD-Rom de la BPI.