Merise et le schéma directeur informatique

Jean-Guy Sayous

La Direction de l'information scientifique, technique et des bibliothèques - DISTB - au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, réalise actuellement le schéma directeur informatique des réseaux des bibliothèques universitaires. A cette fin, la Direction adopte des mesures d'accompagnement. Parmi celles-ci figure la mise en place de solutions méthodologiques relevant du domaine de l'ingénierie des systèmes d'information. Au programme pour l'année 1994 : la méthode de conception de systèmes d'information Merise puis le choix et la mise en œuvre d'une méthode de conduite de projet. Afin de faciliter l'avancement des travaux des groupes de travail du schéma directeur, la Direction a mis la priorité sur Merise. Aujourd'hui, soixante-cinq personnes environ - bibliothécaires et informaticiens - ont suivi une formation de cinq jours dispensée par la Société DEFI.

Merise est une méthode de conception de systèmes d'information, connue en France vers la fin des années 1970 et qui à pour but d'améliorer la rationalité de l'informatisation des administrations. C'est une méthode. Autrement dit, selon le Petit Robert, c'est un ensemble de démarches raisonnées suivies pour parvenir à un but. C'est une méthode de conception. En d'autres termes, toujours en se référant au Petit Robert, le but, c'est une création par l'imagination. C'est une méthode de conception de systèmes d'information. Ce qui signifie enfin que le résultat de cette création, c'est un système d'information.

Système d'information (SI)

Pour préciser ce qu'est un système d'information, il nous faut aller au-delà de ce que propose le dictionnaire. Nous en donnerons ici deux définitions différentes mais qui expriment deux points de vue complémentaires. La première en précise la finalité. La seconde en donne une représentation organique, opérationnelle.

La première définition découle d'une représentation très « merisienne » des organisations. Dans Merise en effet, toute organisation est considérée comme un système, appelé système-organisation par la suite, remplissant une finalité dans - et pour -son environnement. Ainsi, l'ensemble des bibliothèques universitaires - le système-bibliothèque - pourrait être considéré comme une organisation devant assurer des finalités telles que : contribuer à la diffusion du savoir consigné au cours du temps sur différents médias et préserver certains de ces médias pour les générations futures. Le système-organisation est lui-même représenté comme constitué de trois systèmes (cf. figure ci-dessus), à chacun desquels est conventionnellement attribué un ensemble de fonctions qui le caractérise.

Au premier de ces systèmes, appelé système opérant, correspond la fonction d'exécution : le système fait. Dans le système-bibliothèque, le système opérant reçoit des emprunteurs, leur apporte du conseil, réceptionne les colis d'ouvrages en provenance des fournisseurs, les classifie, etc.

Le deuxième système élabore la stratégie de l'organisation, ainsi que les principes et les règles de fonctionnement. Sur cette base, il régule l'ensemble du système-organisation, dont le système opérant. C'est le système de pilotage. Dans le système-bibliothèque on peut supposer que le système de pilotage définit la politique d'acquisition, fixe les conditions des prêts d'ouvrages, affecte les moyens aux fonctions, choisit les règles de codification des ouvrages et s'assure de leur respect, etc.

Le système d'information est le panneau central de ce triptyque. Par convention, il assure les fonctions d'échange, de mémorisation et de transformation de l'information produite ou consommée par l'organisation, dans le cadre de son activité.

Pour le système-bibliothèque par exemple, les demandes de prêts, et les commandes aux fournisseurs illustrent ce que sont des échanges d'information. Selon notre modèle du système-organisation, ces échanges, appelés messages par la suite, sont traités au niveau du système d'information. Pour remplir cette fonction, Merise propose de considérer le système d'information comme constitué de deux sous-systèmes : le système de données et le système de traitements. La fonction du système de données est de mémoriser les informations portées par les messages que produit ou que reçoit le système-organisation. Celle du système de traitements est de produire ou de recevoir ces messages, en appliquant les règles qui traduisent les principes de fonctionnement du système-organisation.

Selon ce modèle, on peut considérer que c'est le système de données du système-bibliothèque qui mémorise les informations relatives aux emprunteurs, aux exemplaires d'ouvrages, aux emprunts, aux commandes fournisseurs, etc. Et c'est le système de traitements qui, par exemple, transforme les demandes de prêts (message en entrée) soit en prêts effectifs (message : prêt accordé) soit en refus (message : prêt refusé), selon que le nombre maximum d'ouvrages autorisé par emprunteur est atteint ou pas (règle).

La première définition du SI exprime ce qu'il fait. La seconde propose une représentation de sa structure. Les fonctions attribuées au système d'information sont généralement opérationnellement remplies par des dispositifs organisationnels et par des moyens technologiques, qu'il convient de correctement articuler entre eux. Les moyens technologiques consistent en des systèmes techniques de base (ordinateurs, systèmes d'exploitation, systèmes de gestion de bases de données, réseaux, terminaux, etc.) et en des applications informatiques, supports logiciels du système d'information. Les dispositions organisationnelles consistent en des structures organisées et en l'information elle-même, présente sous la forme de données. Cette information peut être mémorisée à l'aide des moyens technologiques ou sous toute autre forme (papier par exemple). Cette décomposition est représentée sur la figure dessous.

Les apports de Merise

Concevoir un système d'information, c'est donc concevoir un système destiné à favoriser les échanges d'information au sein de l'organisation ou entre celle-ci et son environnement. A terme, ce système d'information se concrétisera en de la technologie et de l'organisation du traitement de l'information. Ainsi peut se résumer le processus de conception de systèmes d'information.

Le premier des apports de Merise réside dans la modélisation du système d'information, que nous avons présentée précédemment.

Sur la base de cette représentation, Merise propose en outre :
- une démarche de conception, permettant de décrire le système d'information d'abord en termes de principes de fonctionnement, puis, progressivement, dans ses aspects opérationnels : c'est le cycle d'abstraction ;
- un éventail de modèles permettant de formaliser les différentes fonctions que remplit un système d'information : échanges, mémorisation et traitement de l'information ;
- des gammes opératoires pour l'emploi de ces modèles : c'est le cycle de conception.

Le cycle d'abstraction

Merise propose d'approcher le système d'information à la manière d'un architecte-urbaniste. Dans un premier temps, le concepteur élabore les plans du futur système en faisant abstraction - ou presque - des moyens qui seront utilisés pour le réaliser. Pendant cette phase, il traduit les principes de fonctionnement du futur système sous la forme de modèles dits conceptuels. Au terme de cette étape, il dispose d'une représentation fonctionnelle du système d'information.

Ceci étant réalisé, il s'intéresse à la dimension organisationnelle et aux aspects informatiques du système d'information. Ces derniers ne sont pas examinés dans le détail de la technique mais, au contraire, en termes de principes de fonctionnement et d'architecture d'ensemble. Cette étape conduit le concepteur à élaborer des modèles organisationnels et des modèles logiques. L'ensemble de ces modèles constitue l'architecture opérationnelle du système d'information. A ce moment là, celui-ci peut être réalisé. La conception est terminée.

Les différents modèles

Pour représenter les échanges d'information, le système de données et le système de traitements aux différents niveaux d'abstraction, Merise offre toute une série de modèles formels. Les modèles de communications (ou de flux) permettent de formaliser les échanges. Les modèles de données et de traitements permettent de représenter, respectivement, le système de données et le système de traitements. Pour ce qui concerne les échanges, Merise propose des modèles aux niveaux conceptuel et organisationnel. Pour les données et les traitements, un niveau dit logique s'ajoute aux précédents.

Le cycle de conception

Chacun des modèles présenté comporte sa propre fmalité, qui peut être utile dans un contexte autre que celui de la conception de systèmes d'information. C'est ainsi que, notamment, le formalisme du modèle conceptuel de données, qui recouvre certains des principes du modèle relationnel, a été largement utilisé par les concepteurs de bases de données relationnelles. Il est à noter que ceci a conduit une fraction importante d'informaticiens à assimiler Merise au modèle de données... ce qui, si ce n'est pas faux, est tout de même extrêmement réducteur. En fait, Merise propose une logique d'enchaînement des modèles. En voici les grandes lignes. Au niveau conceptuel, Merise propose de formaliser en premier lieu les échanges d'informations. Ceux-ci traduisant les relations du système-organisation avec son environnement, il est aisé de les identifier. Ces échanges sont des messages porteurs des informations que doit mémoriser le système de données. Le système de données peut donc être modélisé à partir du modèle de communications. De même, ces messages sont ceux que doit savoir traiter le système de traitements. Donc là encore, le modèle de communications permet d'élaborer le modèle du système de traitements. Il est clair que les messages produits ou reçus par le système de traitement sont porteurs d'informations mémorisées - ou à mémoriser - dans le système de données. Dès lors, ayant modélisé le système de données et le système de traitements, il convient de s'assurer que l'un et l'autre s'articulent correctement. Cette procédure s'appelle la validation des données par les traitements (à moins que ce ne soit l'inverse). Nous n'en dirons pas davantage sur le cycle de conception. Ce qui précède suffit à illustrer la logique d'enchaînement des modèles.

En tant que méthode, Merise est aussi un langage. Et parce que la méthode est formelle, le langage est peu ambigu. Il peut donc contribuer significativement à faciliter la communication entre des individus impliqués sur le schéma directeur de bibliothèques universitaires.

Mais la pratique d'un langage, de quelque nature qu'il soit, peut se faire à plusieurs niveaux. Et si nombreuses sont les personnes capables de lire Les Misérables, toutes n'ont pas nécessairement vocation à écrire de tels ouvrages. Aujourd'hui, l'essentiel des acteurs du schéma directeur ont appris à lire Merise dans le texte. Reste maintenant à certains d'entre eux à apprendre à l'écrire... puis à le pratiquer.

Enfin, après avoir exposé ce qu'est Merise, je souhaite dire ce que ce n'est pas : une méthode de conduite de projets.

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Organisme

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Système d'information