Sauvegarde et conservation des photographies, dessins, imprimés et manuscrits

Christophe Pavlidès

L'Association pour la Recherche scientifique sur les arts graphiques (ARSAG) contribue depuis 1972 à la préservation du patrimoine des bibliothèques, archives et musées, en étroite collaboration avec le Centre de recherches sur la conservation des documents graphiques (CRCDG), dirigé par Françoise Flieder. Point de rencontre exceptionnel entre utilisateurs (conservateurs, restaurateurs), chercheurs (notamment chimistes) et industriels, l'ARSAG était encore trop peu connue de son public. Ses journées internationales, qui ont réuni du 30 septembre au 4 octobre, à l'Institut du Monde arabe, plus de 400 participants venus du monde entier (mais encore trop peu de bibliothécaires...), venaient donc à point nommé pour faire le bilan provisoire des travaux menés partout dans le monde sur les problèmes de conservation matérielle des documents.

Après une ouverture marquée notamment par la brillante conférence de Gaël de Guichen 1 (ICCROM, Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels, Rome), la photographie était le thème central des deux premières journées ; les débats ont porté particulièrement sur les problèmes de dégradation des photographies et les possibilités de restauration : K.B. Hendricks (Archives nationales d'Ottawa) a ainsi présenté plusieurs procédés de traitement d'échantillons inondés. En fait, comme l'a montré l'exposé très complet d'Anne Cartier-Bresson (Atelier de restauration de la Ville de Paris), la restauration des photographies pose des problèmes de méthode : les restaurateurs sont confrontés à des cas concrets, difficiles à généraliser ; dès lors, comment synthétiser l'ensemble desinformations dans le cadre d'une formation ?

Le second thème des journées, les arts graphiques, permettait de faire le point aussi bien sur la conservation des estampes (R. Seveno, BN Paris) que sur la restauration des miniatures sur ivoire ou celle - controversée - des miniatures sur parchemin. On retiendra une fois de plus l'importance des choix initiaux de conservation (par exemple, choix de la colle pour le montage d'une estampe) : la restauration lourde devrait être l'exception, si la conservation était toujours bien préparée... En tout cas, les techniques de restauration sont de plus en plus soumises au crible des tests scientifiques : Claire Chahine (CRCDG) a ainsi présenté les recherches en cours pour sélectionner un adhésif satisfaisant pour les parchemins qui se dédoublent, et la discussion a fort bien traduit la confrontation fructueuse de savoirs, de techniques et d'expériences en cours qui imprégnait l'ensemble de ces journées.

Les débats de la dernière journée, consacrée aux traitements de masse, en particulier désinfection et désacidification, ont permis quelques mises au point sur ces dossiers sensibles pour les archivistes et les bibliothécaires. Il faut en effet se résoudre à constater qu'il n'y a pas encore de procédé pleinement satisfaisant, et qu'en tout état de cause les coûts d'un traitement de masse restent prohibitifs, comme l'a bien montré Jeanne-Marie Dureau à partir de son expérience à Lyon (Archives municipales) : si le nettoyage s'impose pour tous les documents, la désacidification ne peut être réservée qu'aux papiers les plus fragiles, et même le transfert de support ne peut être général.

Et c'était bien le sens de ces journées 2, et de toute la démarche de l'ARSAG, que de toujours maintenir un lien très fort entre la recherche scientifique et son application à des problèmes pratiques, matériels, en un mot économiques. On regrette souvent que la recherche appliquée et l'interdisciplinarité ne soient pas plus développées en France : le succès de cette première manifestation internationale à Paris, qu'on espérera annuelle, donne des raisons de ne pas désespérer...

  1. (retour)↑  Cf. le compte rendu d'Y. REBEYROL, Le Monde, 9 octobre 1991.
  2. (retour)↑  Il est trop rare que les Actes d'un colloque soient prêts avant son déroulement pour ne pas le signaler... Ils sont en vente à l'ARSAG, 36 rue Geoffreoy Saint-Hilaire, 75005 PARIS (350 F).