Liaison école-bibliothèque

Quelques réflexions à l'issue d'une année de travail avec les classes

Anne Marinet

Dès son ouverture la section pour enfants de la Bibliothèque publique de Massy a été mise à la disposition des classes de l'enseignement primaire. Différentes méthodes ont été expérimentées d'abord pour organiser avec chaque classe des travaux de recherche documentaire puis pour développer le goût de la lecture de loisir. L'examen de ces méthodes permet d'analyser les résultats obtenus au niveau des différentes classes.

La Bibliothèque publique de Massy 1, implantée au coeur du grand ensemble de Massy-Antony, est ouverte au public depuis décembre 1970. Rattachée à l'École nationale supérieure de bibliothécaires, dont elle constitue une bibliothèque d'application, c'est un service public sans lien administratif ni financier avec la commune dont elle occupe le territoire. Ainsi, bien que fonctionnant pour les habitants de Massy comme une bibliothèque municipale, elle n'en a pas le statut.

« La Bibliothèque de Massy est tout à la fois une bibliothèque publique et un établissement d'enseignement 2. » Cette double vocation de formation et de service public, qui fait l'originalité de la bibliothèque, lui assigne par là-même un rôle de recherche dans le domaine de la lecture publique. Jouissant d'une relative autonomie, chacun de ses services - salle de prêt, salle de lecture, discothèque, section pour enfants - s'efforce de mettre en œuvre des moyens d'animation divers afin de favoriser la lecture et l'accès aux différents media.

C'est dans ce contexte que se situe l'expérience décrite ci-dessous sur le travail avec les classes. La section pour enfants dispose d'une salle de 200 m2 divisée en 3 secteurs : prêt, travail, « coin des petits » et d'une « salle du conte » de 60 m2 dotée d'un équipement audio-visuel. Ces locaux, malheureusement insuffisants, ont été aménagés de façon très agréable (mobilier en bois, moquette, couleurs vives) de sorte que les enfants s'y sentent tout à fait à l'aise.

La section fonctionne avec un personnel relativement important, et surtout spécialement affecté à ce secteur : 1 conservateur, 2 sous-bibliothécaires, 1 magasinier à temps complet et une employée à mi-temps titulaire du Certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire, option jeunesse. Elle bénéficie en outre de l'apport de stagiaires qui se succèdent tout au long de l'année pour une période de 2 à 3 mois.

Le travail avec les classes est distinct de l'animation spécifique du mercredi et du samedi après-midi. Ces jours-là, des enfants de tous âges se retrouvent librement pour participer à telle ou telle activité.

Le compte rendu qui suit relate le travail fait à Massy en collaboration avec l'école. Malgré ses limites, c'est une expérience où la lecture est au centre des préoccupations de chacun. En effet, sans la collaboration des enseignants, sans les échanges multipliés que nous avons avec eux, ce travail serait impossible. Nous n'avons pas la prétention d'apporter une solution définitive aux problèmes de l'approche du livre par l'enfant. Les voies en sont multiples, les résultats incertains. Cependant, l'école apparaît comme un lieu privilégié, puisqu'il est celui de tous les enfants. C'est une raison suffisante pour justifier à nos yeux tous les efforts que nous faisons.

Le travail avec les classes pendant l'année 1973-1974

En 1973-1974, la section pour enfants a accueilli régulièrement 45 classes primaires 3. pour des séances d'environ 1 heure, toutes les 3 semaines, à raison de 3 ou 4 classes par jour et en dehors des heures d'ouverture au public. La section ne pouvait évidemment pas recevoir les quelque 170 classes primaires de Massy. Aussi ont-elles toutes été invitées à faire une visite en début d'année scolaire. Les enfants ont pu ainsi connaître le chemin de la bibliothèque et être rapidement initiés à son fonctionnement.

En juin 1974, un questionnaire 4 a été adressé à tous les enseignants qui étaient venus travailler avec nous : 24 réponses nous sont parvenues, qui éclairent d'un point de vue différent notre expérience de ce travail d'une année. Bien entendu, le compte rendu qui suit s'appuie en partie sur le dépouillement de l'enquête et tient compte également des réflexions des instituteurs venus - en très petit nombre, malheureusement-discuter avec nous, au cours d'une réunion d'échanges à la bibliothèque, à la fin du mois de juin.

Rappelons d'abord les raisons qui nous ont amenés à modifier cette année la nature et les formes de ce travail : dès son ouverture (fin 1970), la section pour enfants a été mise à la disposition des enseignants du primaire et de leurs classes. Jusqu'en 1973, et selon le voeu de la plupart des instituteurs, le travail essentiel fut la recherche documentaire. Nous avons, cette année, envisagé un travail plus spécifique sur la lecture des ouvrages d'imagination. Pourquoi?

Il nous est apparu, après 3 années de collaboration avec pratiquement les mêmes instituteurs (en majorité de cours moyens) que nous ne devions plus nous limiter au seul travail sur documents, si intéressant et si nécessaire soit-il. Une certaine routine s'était peu à peu installée, qui entraîna vite lassitude et insatisfaction tant chez les instituteurs que chez les bibliothécaires. L'enfant, de son côté, restait souvent passif vis-à-vis d'un travail qui tendait à n'être que du recopiage. Par ailleurs, la recherche documentaire ne semblait guère modifier la relation des élèves vis-à-vis du livre et de la lecture : les bons lecteurs le restaient, les mauvais ne progressaient pas. Il résulta de cette situation un certain absentéisme au cours de l'année 1972-1973, qui nous alarma. Il fallait relancer l'intérêt des uns et des autres, proposer autre chose, tout en revalorisant la recherche documentaire; bref, partir sur d'autres bases. Les multiples possibilités d'utilisation du livre non scolaire dans une classe nous en offraient les moyens, et tout le domaine de la lecture « pour le plaisir » nous était ouvert.

Les étapes préparatoires

Avant la rentrée scolaire, un travail d'information - à tous les niveaux - était nécessaire. Voici, pratiquement, les étapes que nous avons suivies pour préparer le travail de la rentrée 1974.

Juin 1973 :
* Rencontre avec M. l'Inspecteur départemental de l'Éducation nationale pour discuter du travail avec les classes, passé et à venir. Il nous donne son accord pour des expériences sur la lecture, tout en nous assurant de son soutien et de l'intérêt qu'il y porte.
* A la suite de cette rencontre, nous lui adressons un rapport sur le travail effectué et des propositions pour l'année scolaire 1973-1974.
* En même temps, diffusion, par l'intermédiaire de l'Inspection primaire, de 3 listes d'ouvrages d'imagination (par niveaux : CP-CEI, CE2, CMI-CM2) auprès de tous les établissements primaires. Cette sélection est destinée à informer les instituteurs intéressés sur les nouveautés parues en littérature enfantine, au moment des achats de livres pour les classes.

Juillet-août 1973 :

Acquisition, en 10 exemplaires, d'albums pour le travail avec les CP et CEI, en vue de prêts collectifs à la classe.

Septembre 1973 :
* Lettres circulaires adressées à tous les enseignants leur proposant de travailler à la bibliothèque, et les invitant à participer à une réunion d'information et de discussion.
* Réunion avec les instituteurs intéressés (présence d'une vingtaine d'enseignants, n'ayant, pour la plupart, jamais travaillé avec nous).
- Propositions de travail : recherche documentaire et lecture d'imagination.
- Information sur les sources bibliographiques en littérature enfantine.
* Envoi de « bulletins d'linscription » qui nous permettent d'établir un, planning pour les 45 classes intéressées.

L'organisation des séances

Cette année, 2 préoccupations orientent le travail avec les classes : satisfaire les besoins documentaires et développer le goût de la lecture de loisirs. La bibliothèque propose donc de mettre à la disposition des élèves ses ressources documentaires (livres, revues, dossiers, diapositives, disques) et de leur offrir un large choix d'ouvrages de fiction.

Chaque classe vient 1 heure à la bibliothèque, toutes les 3 semaines. Cetté fréquence a paru suffisante à la majorité des enseignants, car elle laisse le temps d'exploiter en classe le travail fait à la bibliothèque, ou de lire les romans empruntés. En revanche, la séance d'une heure est trop courte (surtout pour le travail documentaire) compte tenu du temps passé à la recherche des documents et à l'installation des enfants, d'autant plus que beaucoup de classes éloignées sont strictement liées à un horaire de cars, qui empêche de prolonger la séance.

« Les enfants quittent à regret un travail parfois inachevé. Un quart d'heure supplémentaire serait nécessaire » remarque une institutrice de CM2 5.

Tout le personnel de la section pour enfants participe au travail avec les classes (4 personnes + 1 à mi-temps). Chacune d'elles est responsable de certaines classes, qu'elle suit tout au long de l'année, en collaboration avec l'instituteur. Elle se fait parfois aider par une (ou deux) autre bibliothécaire ou stagiaire. Cette intervention de plusieurs personnes permet le travail par petits groupes d'enfants et un adulte, certainement plus profitable à tous dans des classes encore trop nombreuses. Par ailleurs, comme le souligne une institutrice :

« Une participation d'autres adultes [...] modifie et enrichit les relations des enfants avec les adultes. »

Le travail sur documents

Le travail est fondé sur la recherche et l'exploitation des documents, à partir d'un thème traité en classe. Cette activité intéresse tous les niveaux, mais dans les petites classes et les classes de perfectionnement, elle n'est jamais l'activité unique. C'est surtout au cours moyen qu'elle reste l'activité essentielle.

Les critères de choix des thèmes sont très variés : intérêts particuliers des enfants, exprimés en classe. Les besoins sont eux-mêmes marqués par l'environnement de l'enfant : c'est ainsi qu'apparaissent des préoccupations d'actualité (le pétrole, les élections, la fête des mères) ou des intérêts suscités par une émission de télévision (animaux, pays, pêche sous-marine...). Voici comment procède, par exemple, une classe de CMI.

« Les enfants, au cours de la semaine, trouvent des thèmes de recherches. Ils les inscrivent avec leur nom sur le panneau mural » « A la bibliothèque, je désire travailler sur... ». Quelques jours avant, en « assemblée générale », les thèmes définitifs sont choisis (non sans discussion) et les mini-équipes constituées. »

Souvent aussi, c'est déjà une source d'information qui est le point de départ d'une recherche complémentaire dans les livres : radiovision scolaire, films (vus soit à l'école, soit à la bibliothèque), expositions de la bibliothèque, par exemple : Molière, Les Arbres et les hommes, l'Astronomie.

Une fois le thème choisi, il s'agit de rassembler les documents. Ici se pose d'emblée le problème de l'édition du documentaire pour enfants : sur certains sujets il y a surabondance, alors que d'autres domaines (notamment d'actualité) ne sont jamais traités, sauf dans les Bibliothèques de travail qui n'arrivent malheureusement pas toujours à combler les « trous ». Cette phase de la recherche des documents apparaît comme très importante pour l'enfant : en lui laissant l'initiative de la démarche, il pourra acquérir peu à peu l'autonomie nécessaire à toute recherche, quelle qu'elle soit. C'est là qu'intervient la bibliothécaire, qui aide l'enfant à préciser son sujet, l'initie au maniement des fichiers, lui explique la classification. La recherche peut dès lors être faite par l'enfant, soit directement sur les rayons, soit par l'utilisation du fichier matières. Mais souvent, pour ne pas perdre trop de temps, les bibliothécaires préparent les documents à l'avance, à la demande des enseignants. Bien que laissant moins d'initiative aux enfants, cette solution a l'avantagé de ne pas négliger les ressources autres que le livre (diapositives, revues, disques, etc...).

L'utilisation

Généralement, les enfants travaillent par petits groupes (de 2 à 6). Par exemple, le thème étudié est la Durance (CM2). Les enfants se répartissent en groupes de recherches sur : « Les Alpes du Sud, les barrages, les différents types de barrages, les autres sources d'énergie, les avantages des barrages sur la Durance. »

Les bibliothécaires et l'instituteur interviennent pour aider les enfants à se servir d'un index, d'une table des matières, d'un dictionnaire. Les enfants prennent des notes et recopient des dessins. Ils se heurtent malheureusement à des textes souvent inadaptés à leur niveau de compréhension, comme le soulignent la plupart des enseignants. En outre, la grande difficulté est « de choisir l'essentiel dans des documents... complexes ». Le risque est alors de « tout recopier sans comprendre au lieu de résumer ».

Or la phase d'utilisation des documents est la plus délicate, celle où jouent les mécanismes d'analyse, de compréhension, comparaison, interrogation, appréciation, raisonnement... et où l'intervention de l'adulte paraît indispensable : c'est malheureusement une étape que les enfants assument souvent seuls, à cause du grand nombre d'élèves et du peu de temps dont on dispose.

L'exploitation

L'exploitation de ces documents se prolonge ensuite en classe, dans toutes les disciplines d'éveil, sous forme d'exposés individuels ou collectifs, de monographies, de panneaux, de dossiers, de séances de synthèses, etc... Ce travail débouche également sur l'expression orale ou écrite. Un des problèmes soulevés au cours de la discussion avec les instituteurs, fut celui de l'impact réel sur les autres enfants : s'intéressent-ils vraiment à une information « mal digérée » ou simplifiée au risque d'être dénaturée ? L'important, en fait, est la démarche - extrêmement difficile - qui consiste à essayer de redonner l'information à d'autres.

Les exposés les plus réussis sont ceux où les enfants sont très « accrochés » par leur sujet, et ceux qui suscitent beaucoup de questions : ce fut le cas par exemple pour un petit Martiniquais qui expliquait la vie à la Martinique. En fait, pour qu'il y ait véritablement besoin de s'informer, il faut plus qu'une vague curiosité, il faut une réelle interrogation de la part de l'enfant.

Une autre difficulté est apparue - très importante dans les classes de perfectionnement - celle de la lecture pure et simple, du déchiffrage du message écrit. « [Ces enfants] ont un handicap au départ, car ils ont appris à lire avec difficulté et ils ont à oublier tout ce qui leur était si pénible au cours des CP et CE redoublés. »

Cela nous amène à poser plus globalement le problème de la lecture et de l'attitude de l'enfant vis-à-vis du livre. Comment développer le goût de la lecture ? Une institutrice de CMI remarque que « cette recherche, [documentaire] si intéressante qu'elle soit, ne donne pas à l'enfant le goût de la lecture personnelle » et une autre : « Les différentes activités font partie d'un tout et chacune complète l'autre. »

La lecture

Les premiers contacts avec le livre

Au départ, nous n'envisagions un travail sur la lecture des ouvrages d'imagination qu'avec les cours préparatoires et élémentaires. L'idée était qu'il fallait développer très tôt chez l'enfant, le goût et le plaisir de lire : l'apprentissage de la lecture n'est pas, constitué uniquement par l'acquisition d'une technique. Il est tout aussi important que l'enfant, en apprenant à lire, n'associe pas la lecture à un exercice fastidieux mais y prenne un véritable plaisir. Il faut qu'il puisse satisfaire son désir de rêve en découvrant le domaine de l'imaginaire. C'est pourquoi il nous semble que les premiers contacts avec le livre sont déterminants pour l'avenir du lecteur adulte. La bibliothèque, en cela, représente déjà un « environnement » favorable à la lecture, en mettant à la disposition des enfants des livres de qualité, divers, adaptés à leur niveau de compréhension et à leur niveau affectif, en rapport avec leurs préoccupations quotidiennes ou propres à enrichir leur imagination. Comme l'a constaté une institutrice de CEI, « grâce à l'ambiance (décor et organisation de la salle), les élèves les plus récalcitrants à cet exercice sont favorablement influencés... » La bibliothèque apparaît donc comme un lieu où l'enfant se familiarise avec le livre et où ces contacts créent des motivations en faveur de la lecture.

Avec les cours préparatoires et élémentaires, différents moyens ont été mis en œuvre :
* Histoires lues ou racontées. Exemples : Contes de la rue Broca, La Poupée magique de Natacha, Le Livre des géants ingénus, etc. (CP, CEI, CEz).
* Présentation de romans et de contes que les enfants ont la possibilité d'emprunter (CE2).
*; Participation des enfants par d'autres moyens d'expression : dessins, mime (CEI, Perfectionnement).
* Lecture suivie de romans (Le 35 mai, Le Faucon déniché, Un Mystérieux garçon à lunettes, La Petite fille au kimono rouge, etc.) (CE2).
* Conseils pour le choix individuel.
* Lecture libre « pour le plaisir ».
* Prêt de séries d'albums : 10 exemplaires par titre 6 pour les CP et CEI.

La séance est animée par une ou deux bibliothécaires et l'instituteur, par petits groupes, en alternant les différentes activités. Laissons parler une institutrice de CEI :

« Les enfants ont recherché des livres, ont examiné les ouvrages pour leur plaisir, très librement... [Ils] ont beaucoup apprécié les histoires racontées dans la « salle du conte »... Au niveau CEI, on apprend à rechercher un livre, quelquefois avec un but précis, ou simplement pour le plaisir. C'est déjà une bonne chose. Les histoires racontées par les « dames » ont permis aux enfants de parler, de mimer, « ils me l'ont raconté, cela les a emballés! »... [Il faut que les bibliothécaires] aident les enfants à trouver les livres à emporter, et surtout qu'elles continuent les « contes », en permettant aux enfants de s'exprimer par la parole, par le mime. »

La séance est prolongée ensuite en classe de façon très diverse : exploitation d'un conte, d'un thème (exemple : la maison, l'habitat), expression orale, écrite, vocabulaire, lecture silencieuse, lecture « à haute voix », constitution d'un coin bibliothèque, bandes dessinées, dessins, etc. Le prêt des séries d'albums permettait la lecture individuelle du même livre, ainsi que « de développer le coin bibliothèque qui n'avait d'autres ressources que les livres prêtés par les élèves eux-mêmes » (CEI).

Vers la fin de l'année, les institutrices ont cependant regretté que les albums soient trop « simples » du point de vue de la lecture. En CEI, les progrès des enfants sont en effet souvent spectaculaires : en. quelques mois, leur niveau de lecture change. Ils peuvent alors aborder des textes plus longs et plus difficiles (tout en continuant à lire et à relire avec le même plaisir les albums qu'ils ont découverts en début d'année...).

En cours élémentaire 2e année

La présentation de livres a eu autant de succès que les histoires racontées. Elle permet d'informer les enfants - et les instituteurs - sur la littérature enfantine, et de les guider dans leur choix. Ce choix individuel des enfants requiert l'aide des bibliothécaires : nous avons en effet constaté, et les instituteurs nous l'ont confirmé, que les niveaux de lecture étaient très variables dans une même classe. Ce manque d'homogénéité oblige à une attention particulière presque à chaque enfant, pour trouver le livre qui lui convient. C'est ainsi qu'une élève de 9 ans à qui nous avions d'abord proposé La Petite fille au kimono rouge, nous a avoué qu'elle n'avait pas pu le lire; nous lui avons alors proposé Le Journal de Véronique, qui s'est avéré encore trop difficile. C'est en définitive Petit-Ours qui correspondait à son niveau de lecture. Petit à petit, elle a réussi à lire Les Histoires d'une toute petite fille qui lui donnèrent le sentiment d'avoir lu un « vrai » livre. C'est au cours d'échanges très libres, et dans un climat de confiance que l'on peut essayer de satisfaire les désirs des enfants qui s'adressent à nous.

L'expérience de la lecture suivie a bien accroché les enfants, puisqu'ils ont relu ensuite le livre lu en commun, et que ce livre a circulé dans la classe et même hors de la classe.

En cours moyen

Les bibliothécaires ont été amenées à faire un travail analogue avec quelques classes de cours moyens.

Dans deux classes de CM2 notamment, des romans et des contes ont été présentés, lus, échangés. Toute cette matière a ensuite donné lieu à de véritables clubs de lecture, autour d'un livre, autour d'un auteur, autour d'un thème (exemple : la science-fiction, les romans sur la Résistance, les romans historiques, le Club des 5, les livres de M.-A. Baudouy, etc.).

Les échanges ont souvent été très riches, parfois passionnés, toujours intéressants pour les uns et les autres. Un instituteur note qu'au niveau CM, le club de lecture est l'activité la plus intéressante dans la mesure où il développe « le goût de lire... l'esprit critique... le sens du débat ». Au cours moyen, les séances de lecture se prolongent par les résumés, les comptes rendus, les débats. Au niveau d'une école, ce travail « a permis l'élaboration d'une bibliothèque commune », en regroupant les différentes bibliothèques de classe.

Un autre instituteur souligne que certains enfants, tout en sachant bien lire, n'avaient jamais lu : « Avant, dans les classes, 3 ou 4 enfants lisaient. Maintenant, 3 ou 4 ne lisent pas. » Les livres ont circulé, le besoin de lecture a été créé, les élèves aiment lire, depuis qu'ils ont la possibilité d'avoir des livres à leur disposition. Cet instituteur a également l'intention de créer dans son école une bibliothèque où les enfants viendront librement s'informer ou lire.

Dans une section d'éducation spécialisée, le problème était celui de la non-lecture, et même de la peur du livre lui-même : le livre apparaissait aux enfants comme quelque chose d'inaccessible, lié à tous leurs échecs scolaires.

Il aura fallu familiariser les enfants, d'abord avec la bibliothèque, puis avec les bibliothécaires. Les premières séances à la bibliothèque posaient des problèmes : les enfants étaient agités, peu réceptifs. Nous avons alors décidé d'aller dans la classe, avec un petit choix de livres : ouvrages documentaires, contes et albums d'un niveau de lecture facile. Les enfants ont eu tout le loisir de les regarder, librement, dans la classe. Ils ont lu des albums qu'ils avaient rejetés à la bibliothèque, parce qu'ils étaient situés dans le coin des « petits ». Dans la classe, les livres avaient été apportés pour eux...

Maintenant, « certains commencent [à aimer lire], les bandes dessinées ne sont plus seulement parcourues, certains lisent silencieusement avec plaisir. Tous aiment lire à haute voix... ». Le livre est désacralisé. L'institutrice affirme que « le livre n'est plus l'ennemi ».

Conclusion

D'après les statistiques que nous avons faites 7, nous constatons que beaucoup d'enfants venus avec leurs maîtres se sont inscrits à la bibliothèque et que par ailleurs le nombre de prêts a augmenté très sensiblement en 1973-1974 par rapport à l'année précédente. Mais plus important encore nous apparaît la place prise par le livre et la lecture à tous les niveaux scolaires, y compris pour les « mauvais élèves ».

Ces résultats très satisfaisants ne nous font pas oublier les difficultés rencontrées, dont la plus grande est certainement la rigidité des horaires que nous sommes obligées d'imposer aux maîtres et aux élèves. Nous avons connu aussi quelques échecs, principalement dus à ce que la séance de bibliothèque n'était pas perçue par l'instituteur comme une activité nouvelle, ayant sa valeur propre, mais comme un prolongement de l'activité scolaire traditionnelle, voire comme une perte de temps par rapport au « programme ».

Pour pallier ces difficultés, chaque établissement devrait être doté d'une bibliothèque et centre de documentation que les enfants utiliseraient vraiment librement, à leur rythme propre. Actuellement ce que nous pouvons faire, c'est sensibiliser les enseignants aux problèmes du livre et de la lecture, leur apporter, comme ils en ont très clairement exprimé le besoin, une meilleure information sur la littérature enfantine et ses nouvelles productions.

Nous ne proposons pas notre expérience en exemple, car il n'y a pas de « recettes miracles » en ce domaine. Il faut simplement favoriser la rencontre de l'enfant et du livre, et garder une grande souplesse d'intervention : « Toutes les activités sont bonnes, l'essentiel est d'intéresser les enfants et de leur donner le goût de la recherche et de la lecture. »

Illustration
Annexe 1 (1/2)

Illustration
Annexe 1 (2/2)

Illustration
Annexe 2 (1/2)

Illustration
Annexe 2 (2/2

Illustration
Annexe 3

  1. (retour)↑  Cf. GASCUEL (Jacqueline). - La Bibliothèque publique de Massy(in : Bull. Bibl. France, 16e année, n° 11, novembre 1971, p. 555-571).
  2. (retour)↑  Cf. GASCUEL (Jacqueline). - La Bibliothèque publique de Massy (in : Bull. Bibl. France, 16e année, n° 11, novembre 1971, p. 555-571).
  3. (retour)↑  2 cours préparatoires (CP), 10 cours élémentaires Ire année (CE I), 5 cours élémentaires 2e année (CE 2), II cours moyens Ire année (CM I), 12 cours moyens 2e année (CM 2), 5 classes de perfectionnement et section d'éducation spécialisée (S.E.S.), filière III du C.E.S.
  4. (retour)↑  Voir annexe I.
  5. (retour)↑  Tous les textes cités entre guillemets sont extraits des réponses des instituteurs à notre questionnaire.
  6. (retour)↑  Voir Annexe 2.
  7. (retour)↑  Voir Annexe 3.