La numérotation normalisée internationale du livre (International Standard Book Number.)

Suzanne Honoré

Dès 1966, on s'est aperçu de la nécessité d'établir un système international normalisé pour la numérotation des livres. Chaque titre se voit attribuer un numéro d'identification, composé en tout de neuf chiffres : une partie représentant l'éditeur, une autre le titre, enfin un chiffre de contrôle. Afin d'internationaliser le système, on a ajouté un dixième chiffre, permettant de représenter l'État où l'éditeur a son siège social. Ce système présente de gros avantages aussi bien pour les libraires que pour les éditeurs et les bibliothèques

En 1965, le plus gros libraire-distributeur de livres de Grande-Bretagne, W. H. Smith, décida de transporter à Swindon, hors de Londres, la gestion de ses stocks, et de s'équiper d'ordinateurs. Il lui fallait donc numéroter tous les livres en vente en Grande-Bretagne pour les besoins de l'automatisation. Déjà de nombreux éditeurs anglais avaient, bien entendu, leur numérotation particulière; il était évident que Smith allait ajouter son propre numéro au leur. Smith s'adressa à la Publishers Association (l'équivalent de notre Syndicat national des éditeurs) pour lui signaler cette occasion exceptionnelle de normaliser la numérotation des livres sur le plan national.

La Publishers Association comprit très vite l'intérêt d'instaurer dans tout le pays un système unique et normalisé. Mais lequel? Elle s'adressa alors à un Irlandais, le professeur F. G. Foster, de la London School of Economics. Celui-ci, après plusieurs mois d'étude et la consultation d'experts, conclut en mai 1966 à la nécessité d'une normalisation. La Publishers Association désigna alors son comité de distribution et méthodes pour l'assister. C'est alors que se manifesta la British National Bibliography : elle aussi envisageait l'emploi de l'automatisation, en relation avec le projet MARC de la Library of Congress. Un de ses dirigeants, A. J. Wells, se joignit alors aux travaux du comité. D'autres organismes poussèrent à la roue : le Greater London Council, organisme de gestion qui fournit notamment en livres toutes les écoles et bibliothèques scolaires du Grand Londres, s'équipait également en ordinateurs et se montra très intéressé. Bref, à l'automne 1967, le Standard Book Numbering était opérationnel en Grande-Bretagne.

Étant donné les liens étroits qui unissent la production de livres dans le monde anglo-saxon, ce système ne pouvait demeurer cantonné à la Grande-Bretagne. Très vite, les États-Unis, le Canada et l'Australie montrèrent de l'intérêt pour ce problème, de sorte que le système, né en Grande-Bretagne, couvre actuellement tout le monde anglo-saxon de l'édition.

Il est temps d'exposer le système, très ingénieux, imaginé par le professeur Foster. Chaque titre - et chaque édition différente d'un même titre - se voit attribuer un numéro (le Standard Book Number ou SBN) qui ne changera plus. Ce numéro est obligatoirement composé de neuf chiffres, qui se décomposent ainsi : un numéro d'identification, de longueur variable, qui est celui de l'éditeur, et toujours le même pour chaque éditeur; un numéro d'identification, de longueur variable, attribué à chaque titre par chaque éditeur, dans la limite des nombres dont il dispose; et un neuvième et dernier chiffre qui est un chiffre de contrôle destiné à prévenir les erreurs de transcription.

Nous reviendrons plus loin sur le chiffre de contrôle, qui est couramment employé sur les machines comptables automatisées, très utile à une saine gestion. L'ingéniosité du système du professeur Foster consiste, dans les huit autres chiffres disponibles, à faire varier l'importance respective des deux zones, celle de l'éditeur et celle du titre, en fonction de l'importance de la production de chaque éditeur. Le principe de base étant que tous les livres et brochures publiés en Grande-Bretagne doivent recevoir un SBN, les gros éditeurs, ceux dont la production dépasse un nombre fixé de titres par an, se voient attribuer un indicatif de deux chiffres; ce qui leur en laisse six pour numéroter leur production, c'est-à-dire un million de nombres. Au contraire, l'éditeur tout à fait occasionnel, l'éditeur à compte d'auteur, peut se voir attribuer un indicatif de sept chiffres, gardant ainsi un seul chiffre pour numéroter sa production, qui ne pourra donc dépasser dix numéros. Que se passe-t-il si par hasard un éditeur dépasse le plafond à lui attribué ? Il se voit attribuer un second et nouvel indicatif.

Les différentes parties du SBN sont séparées, pour une présentation plus claire, par des blancs; mais il est évident qu'en machine ces blancs ne jouent aucun rôle. Comment donc éviter toute confusion entre les nombres attribués ? Le schéma est le suivant :
00-19 Vingt indicatifs disponibles pour les gros éditeurs dont la production totale peut atteindre le million.
200-699 Cinq cents indicatifs d'éditeurs dont la production peut atteindre 100 000.
7000-8499 1500 indicatifs d'éditeurs dont la production peut atteindre 10 ooo.
85000-89999 5 000 indicatifs d'éditeurs dont la production peut atteindre 1 ooo titres.
900000-949999 50 000 indicatifs d'éditeurs dont la production peut atteindre 100 titres.
9500000-99999999 500 000 indicatifs d'éditeurs dont la production peut atteindre 10 titres.

Le Standard Book Number se présentera donc ainsi, par exemple :
pour un gros éditeur 19 123456 7
pour un éditeur occasionnel 949999 0I 6

Ce dernier numéro étant celui de la brochure « Standard Book Numbering », publiée (en 2 tirages déjà) par la Standard Book Numbering Agency de Londres.

Il est temps d'expliquer comment est calculé le chiffre de contrôle. Chacun des huit chiffres précédents est multiplié, le premier par 9, le second par 8, le troisième par 7 et ainsi de suite; le chiffre de contrôle est le chiffre qu'il faut additionner à la somme des huit nombres obtenus pour que le total soit divisible par II. C'est ce qu'on appelle le « modulus onze ». L'intérêt de ce chiffre est de prévenir, non pas toutes les erreurs, mais en particulier l'interversion des chiffres qui est une des sources d'erreurs de transcription les plus fréquentes. En fait, d'après nos amis anglais, 99 % des erreurs sont ainsi évitées.

Naturellement, ces calculs très fastidieux, c'est la machine qui les fait. Pour une somme minime, en attribuant à un éditeur (commercial ou occasionnel) son numéro d'identification, la Standard Book Numbering Agency lui envoie une liste dressée par ordinateur et comportant, pour tous les numéros de titres auxquels il a droit, le chiffre de contrôle tout calculé : aucun utilisateur du SBN n'a donc besoin d'avoir un ordinateur à sa disposition.

Le SBN venait à son heure, c'est-à-dire l'heure où chacun songe à l'utilisation possible, dans son domaine propre, de ce nouvel outil qu'est l'ordinateur. Il ne faut donc pas s'étonner si, de Grande-Bretagne, le système a essaimé dans le monde anglo-saxon, puis débordé sur le monde entier. En effet, de national il est en passe de devenir international. Le Comité ISO/TC 46-Documentation s'est saisi de ce problème, et un groupe de travail international s'est déjà réuni deux fois, à Londres les 26 et 27 septembre 1968 et à Berlin les 17 et 18 avril 1969, pour aboutir à des projets de recommandations qui seront soumis à la prochaine réunion plénière du comité ISO/TC 46, qui aura lieu cet automne à Stockholm. M. Michel Missoffe, du Syndicat national des éditeurs, et moi-même y représentions la France.

Pour établir le schéma international, l'agence anglaise s'est adressée à nouveau au professeur Foster, et la structure initiale a révélé, une fois de plus, toutes ses qualités de souplesse et d'adaptation. En effet, le système retenu consiste à ajouter un seul chiffre au SBN pour qu'il devienne international : c'est-à-dire que le Numéro normalisé international du livre (ISBN) comprendra 10 chiffres (et non plus neuf) et trois zones (en dehors du chiffre de contrôle, qui demeure) : le numéro d'identification de l'éditeur et celui du livre se voient désormais précédés par un numéro d'identification qui sera, soit celui de l'État où l'éditeur a son siège social, soit celui d'un groupe d'États (tel que le groupe anglo-saxon déjà défini plus haut) si tel est le vœu de ce groupe. Les propositions du professeur Foster, fondées sur les statistiques internationales de l'édition publiées annuellement par l'Unesco, sont les suivantes : le numéro d'identification de groupe, de longueur variable, aura de 1 à 3 chiffres selon le total de la production en livres des États.

Le schéma proposé est le suivant :
0-7 8 numéros disponibles pour les plus gros producteurs mondiaux (au-dessus de 20 000 titres annuels);
80-94 15 numéros disponibles pour les États produisant de 5 000 à 20 000 titres annuels;
950-993 44 numéros disponibles pour les États produisant de 500 à 5 000 titres annuels;
9940-9989 50 numéros disponibles pour les États produisant moins de 500 titres annuels;
99900-99999 100 numéros disponibles pour des cas spéciaux.

Actuellement, l'Annuaire statistique de l'Unesco, édition 1966, fournit des statistiques pour 9I pays. Même en tenant compte du fait qu'un certain nombre d'États (et non des moindres, comme la République populaire de Chine) ne figurent pas sur ces statistiques, on voit que le système permet de résoudre largement le problème actuel de l'édition mondiale - surtout si certains pays préfèrent se grouper pour annoncer leur production, comme c'est le cas pour le monde anglo-saxon. Dans ce système, la France aurait droit à un indicatif à un chiffre, ce qui serait un gros avantage.

Le système de numéro normalisé international du livre vient si bien à son heure qu'il est à craindre que son adoption ne prenne de vitesse les procédures formalistes des organisations internationales, auprès desquelles l'adoption d'une recommandation internationale demande des années : dès avant la réunion de Berlin d'avril 1969, trois pays avaient déjà retenu un indicatif à deux chiffres : ce sont le Danemark (87), les Pays-Bas (90) et la Suède (91).

Pour que le système normalisé présente tous les avantages et toutes les garanties que l'on est en droit d'en attendre, il faut bien évidemment que son emploi soit strictement défini. Nous allons donc examiner maintenant quelles sont les règles, actuellement en usage en Grande-Bretagne, qui en fixent l'emploi; elles sont énumérées dans la brochure à laquelle nous avons déjà fait allusion, « Standard Book Numbering », publiée et largement distribuée par la Standard Book Numbering Agency, tenue actuellement par D. Whitaker, et administrée par un Conseil où figurent, d'une part la Publishers Association, d'autre part des représentants de la British National Bibliography - qui est, comme on le sait, une entreprise indépendante et prospère.

Tout d'abord, tous les livres sans exception doivent recevoir un numéro d'identification ; c'est à ce seul prix que le système intéresse les bibliothécaires, et même les libraires : car s'il est facile de commander un livre d'un éditeur connu et patenté, nous savons tous parfaitement, et les bons libraires le savent aussi, à quel point il est malaisé de se procurer certains ouvrages publiés par des associations, des sociétés, des congrès, voire des imprimeurs ou des auteurs à leur compte : la société industrielle qui édite un volume à l'occasion de son centenaire, le curé qui publie par les moyens du bord une notice sur son église, le rapport ou les fiches éditées et vendues par un organisme de recherche officiel ou privé, mais ignorant tout des lois régissant le dépôt légal... La musique et les périodiques ne sont pas compris dans le système; mais, pour ces derniers, un numéro normalisé qui sera compatible avec l'ISBN, est à l'étude dans le cadre du projet UNISIST, projet conjoint de l'Unesco et du Conseil international des unions scientifiques (ICSU).

Deuxième principe de base et essentiel : un numéro attribué ne sera jamais redonné. Même si un ouvrage est épuisé depuis longtemps, qui peut savoir s'il ne sera pas réimprimé ? S'il y avait des doubles emplois, il est évident que la valeur d'identification du numéro serait perdue. Les numéros attribués une fois sont donc indisponibles à tout jamais.

Le numéro d'identification de l'éditeur lui est attribué une fois pour toutes par la Standard Book Numbering Agency, qui en tient registre et qui en publie la liste, l'une par éditeurs, et l'autre par numéros, à la fois en brochure séparée, dans le répertoire des éditeurs (Publishers in the United Kingdom and their addresses), dans les pages préliminaires du cumulatif annuel et quinquennal de la British National Bibliography, dans les volumes annuels et quinquennaux de la Cumulative Book List de Whitaker. Les nouvelles attributions paraissent dans l'hebdomadaire The Bookseller et dans la British National Bibliography. Les éditeurs étrangers ayant des bureaux en Grande-Bretagne se voient attribuer un numéro, de même que les dépositaires exclusifs ayant des ouvrages étrangers en stock.

Les ouvrages en plusieurs volumes se voient attribuer un numéro pour l'ensemble ; mais, si chaque volume se vend aussi séparément, chaque volume aura en outre son propre numéro.

Chaque édition d'un même titre doit avoir un numéro différent; au contraire, les réimpressions (ne comportant aucune différence de texte par rapport à la première édition) ont le même numéro que la première édition. Un simple changement de prix, de couleur ou toute autre différence mineure ne constitue pas une nouvelle édition. Par contre, si le même volume paraît, simultanément ou par la suite, en édition brochée, cartonnée ou reliée, chacune des présentations doit avoir son propre numéro. Cela se comprend parfaitement, étant donné que le premier rôle du SBN est d'être un numéro de commande, et qu'il faut donc une précision absolue dans l'identification de la forme de l'ouvrage désiré.

S'il s'agit d'une publication nouvelle d'une partie d'une édition déjà sur le marché, il faut aussi, évidemment, attribuer un nouveau numéro. De même s'il y a changement de titre, ou d'éditeur (ce qui est le cas pour les « reprints » d'ouvrages anciens). Toutes ces définitions sont conformes à celles de la Recommandation de l'Unesco sur les statistiques internationales de l'édition 1.

Chaque éditeur, nous l'avons dit, numérote lui-même sa propre production, dans la limite des nombres dont il dispose. Il peut donc y intégrer son propre système de numérotation, s'il en a déjà un; il peut aussi décider de partir à zéro. Il peut également - et cela est même vivement recommandé - attribuer des numéros, a posteriori, à toute sa production ancienne encore disponible. Si toutefois un éditeur occasionnel n'est pas en mesure de numéroter lui-même sa production, elle le sera, au fur et à mesure de son apparition sur le marché, par la Standard Book Numbering Agency, qui en tiendra registre, bien évidemment.

Le SBN doit figurer sur tous les catalogues et prospectus d'éditeurs, dans toutes les bibliographies, nationales et commerciales, et d'une façon générale, dans tous les instruments de publicité de l'édition. Comme les numéros peuvent être attribués à l'avance sans attendre la sortie des volumes, ils paraîtront également dans les catalogues annonçant les publications, comme les Forthcoming Books. Le SBN figurera directement après le titre dans les catalogues courts ou les tables; à la fin de la notice dans les notices bibliographiques, dont il constituera la dernière partie. Il sera toujours donné en entier; toutefois, dans les catalogues d'éditeurs, l'indicatif de l'éditeur pourra ne pas être répété pour chaque titre, à condition de figurer de façon très apparente en haut de chaque page.

Et surtout le SBN devra être porté - tout au moins par les éditeurs patentés -sur l'ouvrage lui-même : au dos de la page de titre, au bas du dos de la couverture pour les livres brochés, au bas du dos de la jaquette quand le livre en comporte.

Si un livre est publié conjointement par deux ou plusieurs éditeurs, il portera deux numéros ou plus, puisque chacun sera précédé de l'indicatif de chaque éditeur intéressé.

L'Agence tient non seulement le registre des numéros d'identification des éditeurs déjà attribués mais un fichier en ordre numérique de tous les SBN attribués, avec la notice bibliographique s'y référant : un fichier par ordre alphabétique d'éditeurs, et un fichier par ordre numérique d'éditeurs. Si, par hasard, et en dépit de ces précautions, un faux numéro était attribué à un livre, l'Agence essaiera de s'en apercevoir avant la publication du livre, de façon que l'éditeur puisse corriger l'erreur. S'il est trop tard pour le faire, l'erreur sera annoncée et l'éditeur sera dans l'obligation d'opérer une conversion, de sorte que le numéro erroné, s'il a été largement publié, donne cependant accès au livre demandé.

Telles sont les règles, simples mais judicieuses et indispensables, auxquelles s'astreignent déjà les éditeurs anglais.

Quels sont les avantages du système normalisé? Ils sont évidents, même sans se référer à l'emploi des ordinateurs, pour lesquels ils constituent un impératif. Les ordinateurs sont conçus pour utiliser au premier chef des nombres. Toute entrée en mémoire d'une notice bibliographique doit être « appelée » par un nombre. L'ordinateur peut donner sa propre numérotation; mais si on lui en fournit une qui a l'avantage d'être normalisée, les numéros d'appel seront les mêmes quel que soit le système de machine employé. D'où une gamme d'utilisation, d'échange de données, d'interrogations, infiniment plus simple et plus complète.

Pour les éditeurs, et d'une façon générale pour le commerce du livre, les avantages sont éclatants. Identification certaine à la commande; possibilité de traitement des commandes en machine sans nouvelle transposition. Nous avons eu à Londres une démonstration de l'utilité du système lors de la visite des entrepôts du Greater London Council : les commandes, provenant de différentes écoles du Grand Londres, sont mises en machine (le SBN suivi cependant, pour plus de sûreté, du nom du premier auteur et du début du titre); l'ordinateur regroupe les commandes par éditeur et en chiffre le montant. A l'arrivée des ouvrages, ceux-ci sont stockés par ordre numérique des SBN - donc par éditeur, ce qui est particulièrement pratique. La machine, à nouveau sollicitée, regroupe les commandes par école, en y ajoutant les réponses pour les livres non fournis (épuisé, en réimpression, etc.), et en déduit le montant du crédit alloué à chaque école. Elle prépare en même temps les titres de paiement pour les éditeurs. Il reste au magasinier, muni de la feuille de répartition par école, à prendre les livres classés selon le SBN et à préparer les paquets en vue de la livraison aux établissements. La différence entre les livres pourvus de SBN et les autres faisait ressortir, à l'avantage des premiers, un gain de trois semaines dans la livraison, et de trois semaines également dans le règlement des factures!

Autre avantage pour les éditeurs : possibilité d'obtenir, comme sous-produit de la machine qui enregistre l'ensemble de la production, des mises à jour instantanées de leurs propres catalogues.

Pour les bibliothèques, quels sont les avantages ? Tout d'abord, le même que pour les libraires : identification plus sûre des commandes, puisque les bibliothécaires achètent aussi des livres. Mais encore bien d'autres utilisations possibles, qui ont été détaillées par notre collègue A. J. Wells, dans un document de travail distribué à la réunion de Berlin : il est tout à fait concevable que l'ISBN serve de numéro de contrôle pour toutes les opérations de bibliothèques, surtout pour celles qui utilisent déjà des ordinateurs ou qui les utiliseront dans un futur proche : sélection des livres, commande, paiement, catalogage, contrôle des prêts. La British National Bibliography envisage d'ores et déjà que la commande des fiches de livres anglais puisse être faite d'après le SBN, et non plus d'après le numéro de série de la BNB.

L'ISBN peut également servir de base pour des catalogues collectifs nationaux et régionaux, de même que pour les demandes de prêt inter-bibliothèques. Des études entreprises en Grande-Bretagne montrent que les bibliothèques participant à un catalogue collectif pourraient envoyer des listes de SBN pour leurs nouvelles acquisitions, aussi bien que pour les livres retirés du fonds, l'ordinateur opérant d'après ces listes la mise à jour du catalogue collectif.

Et puisque le projet MARC, déjà opérationnel, permet aux bibliothèques de s'abonner, non plus aux fiches de livres, mais directement aux bandes magnétiques, l'ISBN peut servir de numéro d'appel pour tous les livres y figurant.

Enfin, M. Wells a déjà fait des suggestions pour que les bibliothèques puissent, a posteriori, numéroter les livres de leurs fonds, notamment les livres anciens. Il ne s'agirait plus évidemment d'un numéro normalisé à proprement parler; mais ce pourrait être un numéro commençant par X (pour bien le distinguer du système ISBN) et cependant compatible avec ce système. Il y a là une idée intéressante, même si sa réalisation n'est pas immédiate. Comme il s'agit d'un problème concernant au premier chef les bibliothécaires, la Fédération internationale des associations de bibliothécaires en sera saisie.

Quelle peut être en France l'application de la numérotation normalisée du livre ?

Notre situation, du point de vue de l'édition, est très comparable à celle de la Grande-Bretagne : approximativement même nombre d'éditeurs inscrits au Syndicat national des éditeurs (376 en 1966); par contre, environ 5 000 éditeurs occasionnels qui apparaissent dans les tables annuelles de la Bibliographie de la France, avec plus ou moins de régularité. Cependant le gros de la production, 80 % environ, est assuré en fait par l'industrie du livre, la production des éditeurs occasionnels restant marginale.

Un cas cependant risque de poser des problèmes : si les publications officielles de Grande-Bretagne sont presque toutes éditées par Her Majesty's Stationery Office (qui a dans le système anglais un indicatif d'éditeur à deux chiffres, étant donné la masse de sa production), l'attribution de numéros d'éditeurs pour les publications officielles n'offre pas de solution évidente, étant donné la variété des sources. Dans ce domaine, l'application d'une numérotation normalisée présentera quelques difficultés; mais il appartient au gouvernement de résoudre ce problème particulier.

La solution française ne peut donc être que dans une étroite collaboration entre la profession de l'édition et les services du Dépôt légal et de la Bibliographie de la France; de même qu'en Grande-Bretagne, le Syndicat national des éditeurs contrôlerait l'attribution des numéros d'identification aux éditeurs connus, les autres ouvrages lui étant signalés pour cette attribution par la Bibliothèque nationale. Il s'agit donc de monter un office ou une agence assurant, comme en Grande-Bretagne, une collaboration institutionnelle entre les deux organismes.

Nous croyons savoir que cette solution est déjà à l'étude. Dans les mois qui viennent, l'agence française chargée de l'application du schéma de l'ISBN (International Standard Book Number) entrera dans la réalité. L'automatisation des notices bibliographiques et leur normalisation s'en trouveront facilitées 2.

Faut-il dire combien nous nous réjouissons de l'esprit de collaboration qui anime les instances dirigeantes du Syndicat national des éditeurs, et qui pourra se manifester très utilement dans bien d'autres domaines non moins essentiels, par exemple le dépôt légal ?

Nous empruntons à notre collègue britannique A. J. Wells, sa conclusion : « Inventé à l'origine pour les besoins du commerce du livre dans ses problèmes de gestion par ordinateur, l'ISBN offre aux bibliothécaires la possibilité de rationaliser leurs propres procédés de façon à pouvoir communiquer, par les méthodes traditionnelles et par la machine, rapidement et sans ambiguïté. Tous ceux qui ont expérimenté la diversité des vedettes pour un même livre dans un catalogue collectif national savent quels traquenards attendent la recherche par auteur ou par titre. L'usage d'un ordinateur rendra impossible cette confusion. Nous devons donc nous réjouir de la prévoyance des éditeurs et des bibliothécaires qui ont imaginé le système du numéro normalisé du livre, appuyer ce système et l'encourager autant que nous le pouvons ».

Annexes

I. AVANT-PROJET DE RECOMMANDATION POUR UNE NUMÉROTATION NORMALISÉE INTERNATIONALE DU LIVRE comprenant les amendements approuvés le 17 avril 1969 à Berlin durant la seconde session. (Document ISO/TC 46/WG 1/22.)

I. OBJET

L'objet de cette recommandation est de coordonner et de normaliser sur le plan international l'usage des numéros de livres, de sorte qu'un numéro normalisé international du livre (ISBN), identifie chaque titre, ou chaque édition d'un titre, d'un éditeur donné, et soit le seul pour ce titre ou cette édition.

2. COMPOSITION DU NUMÉRO NORMALISÉ INTERNATIONAL DU LIVRE

Le numéro normalisé international du livre consiste en 10 chiffres  * représentant les parties suivantes :
- Numéro d'identification du groupe (national, géographique, de langue ou tout autre groupe adéquat).
- Numéro d'identification de l'éditeur.
- Numéro d'identification du titre.
- Chiffre de contrôle.

Quand un numéro normalisé international du livre sera présenté par écrit ou imprimé, il sera précédé de la mention ISBN et les différentes parties seront séparées par des blancs comme dans les exemples suivants :
ISBN 0 57I 08989 5 1 S B N 90 7000 234 5

3. NUMÉRO D'IDENTIFICATION DU GROUPE

Le numéro d'identification du groupe sera attribué par une agence internationale de numérotation normalisée du livre. Sa longueur variera en fonction du nombre de titres produit par le groupe.

4. NUMÉRO D'IDENTIFICATION DE L'ÉDITEUR

Le numéro d'identification de l'éditeur sera attribué à l'intérieur du groupe par l'agence chargée de cette responsabilité. Sa longueur variera selon les éditeurs, en fonction du nombre de titres produit par chaque éditeur.

5. NUMÉRO D'IDENTIFICATION DU TITRE

Le numéro d'identification du titre sera d'une longueur qui variera en fonction de la longueur des numéros d'identification du groupe et de l'éditeur, qui le précéderont.

6. CHIFFRE DE CONTRÔLE

Le chiffre de contrôle est calculé modulo II avec des poids 10-2, X représentant 10 quand le chiffre de contrôle sera 10.

7. IMPRESSION SUR LES LIVRES

Le numéro normalisé international du livre devra être imprimé au verso de la page de titre, ou, si cela n'est pas possible, au bas de la page de titre. Il devrait aussi figurer au bas du dos de la couverture quand la chose est possible, et, le cas échéant, au bas du dos de la jaquette; si aucun de ces emplacements n'est possible, il devrait figurer dans quelque endroit apparent à l'extérieur du livre.

8. AGENCE ISBN

Au titre d'extension de son travail de secrétariat du Groupe de travail, la British Standards Institution sera priée de mettre en œuvre l'Agence internationale pendant une période initiale, avec l'assistance d'un Comité permanent composé des membres du Groupe de travail.

II. RECOMMANDATION SUR L'ORGANISATION NÉCESSAIRE POUR ADMINISTRER LE SYSTÈME DU NUMÉRO NORMALISÉ INTERNATIONAL DU LIVRE (Document ISO/TC 46/WG 1/21)

Pour que l'attribution de numéros d'identification de groupes s'effectue sur une base régulière, il sera nécessaire de mettre sur pied une Agence internationale qui assumera la responsabilité du système.

Elle pourrait avoir les fonctions suivantes :
I. Enregistrer les groupes. Quand un groupe de pays ou tout autre groupement adéquat dans le domaine de l'édition, demande à avoir le même numéro d'identification ou le même bloc de numéros (par exemple le groupe anglo-américain), l'Agence internationale devra entériner la définition du groupe, reconnaître l'agence propre au groupe, et en tenir officiellement registre.
2. Attribuer des numéros d'identification aux groupes. En consultation avec le groupe en question, et en accord avec la règle fixée dans le document ISO/TC 46/WG 1 (Secr. 12) 12 E, l'Agence internationale attribuera des numéros d'identification aux groupes. Elle tiendra registre des numéros d'identification de groupes déjà attribués, qu'elle communiquera à tous les corps intéressés, tels que les agences de groupes.
3. Conseiller les groupes pour la mise en place et le fonctionnement des agences de groupes. L'Agence internationale donnera des avis aux groupes pour la mise en place et le fonctionnement de leurs propres agences, en se basant sur l'expérience des agences existantes.
4. Conseiller les agences de groupes pour l'attribution de numéros d'identification aux éditeurs. Dès qu'un numéro d'identification a été assigné à un groupe, l'agence de groupe a la responsabilité de prendre les dispositions nécessaires pour attribuer des numéros d'identification aux éditeurs à l'intérieur du groupe. Les séries souhaitables de numéros peuvent varier d'un groupe à l'autre. L'Agence internationale peut se voir demander des conseils sur les principes généraux servant à calculer les séries et à attribuer les numéros d'identification en raison de la production de titres des éditeurs en question.
5. D'une facon générale, promouvoir l'extension mondiale du système. L'agence internationale publiera et rendra disponible un document définitif sur le système et fournira de façon générale du matériel publicitaire. En outre, elle prendra des mesures actives pour assurer la diffusion du système dans tous les pays.
6. Contrôler la marche du système. L'Agence internationale sera responsable de la gestion correcte du système et s'assurera que toute déviation sera portée à la connaissance de tous les intéressés.

PROPOSITION

Au titre d'extension de son travail de secrétariat du Groupe de travail, la British Standards Institution sera requise de mettre en œuvre l'Agence internationale pendant une période initiale, avec l'assistance d'un Comité permanent composé des membres du Groupe de travail.

  1. (retour)↑  UNESCO. - Recommandation concernant la normalisation internationale des statistiques de l'édition de livres et de périodiques, adoptée par la Conférence générale 13e session, Paris, 19 novembre 1964. - Paris, Unesco, 1964. - 27 cm, 21 p.
  2. (retour)↑  Nous venons d'apprendre que la BSI, sur demande du Syndicat national des éditeurs, a réservé le chiffre « 2 » comme numéro d'identification de groupe pour la France. Le groupe anglo-saxon s'est réservé les chiffres o et I.
  3. (retour)↑  Ces chiffres sont les chiffres arabes o à 9; dans le cas du chiffre de contrôle un X peut apparaître (voir paragraphe 6).