La bibliothèque nationale en URSS

I.P. Kondakov

Le nombre croissant de publications remet en question la structure traditionnelle des bibliothèques nationales. Ce problème, d'intérêt mondial, présente des aspects particuliers en URSS du fait de la structure sociale et la multinationalité du pays. Cet exposé retrace l'historique, les caractéristiques, les fonctions, le rôle national et international, les solutions d'avenir relatives à l'accroissement des fonds d'une bibliothèque nationale de l'URSS.

La bibliothèque nationale, avec ses particularités, ses fonctions, son évolution est au centre des problèmes de la bibliothéconomie contemporaine. Plusieurs pays, depuis un certain nombre d'années déjà, cherchent à résoudre ce problème d'une façon rationnelle, en fonction des besoins naissants de la société actuelle.

Ce regain d'intérêt est tout à fait naturel. Les bibliothèques nationales, qui ont un long passé, ont pu accumuler d'inestimables richesses qui reflètent tout le processus de l'évolution culturelle de l'humanité. Elles se sont formées en type particulier de bibliothèques qui jouent un rôle important dans l'exploitation des valeurs culturelles. Certaines - la Bibliothèque nationale de Paris, le « British Museum », par exemple - sont d'une notoriété universelle et très estimées du monde savant pour l'exhaustivité, la variété et la richesse de leurs fonds. Ces bibliothèques sont géantes, de structure interne très complexe et d'un vaste réseau de relations avec l'extérieur.

Mais les conditions nouvelles ont créé un tout nouveau problème des bibliothèques nationales. Certains émettent un doute sur l'opportunité de conserver dans l'avenir aux bibliothèques nationales le même caractère que par le passé. Leurs fonds reflètent un flot sans cesse croissant de production typographique mondiale. Ils grandissent dans des proportions énormes et le problème qui se pose est d'apporter des restrictions à cette croissance. On se demande si les fonctions actuelles des bibliothèques nationales, comprises en tant que conservatoires nationaux des livres, correspondent aux systèmes différenciés des bibliothèques d'aujourd'hui. Le problème est donc posé : universalisme ou spécialisation dans la perspective d'évolution des grandes bibliothèques du monde, bibliothèques nationales y comprises. Ces problèmes demandent à être examinés; de leur solution dépendent le sort et l'avenir des bibliothèques nationales.

Il est évident que malgré les particularités nationales de ces catégories de bibliothèques, les livres constituent un élément commun, qui permet de poser le problème des bibliothèques nationales sur le plan international, et de mettre à profit l'expérience des différents pays pour tracer la voie de leur évolution. Dans le cadre qui nous est imparti il nous est impossible de donner une analyse du développement des bibliothèques nationales à l'échelle mondiale. Nous voudrions tout simplement faire partager notre propre expérience sur la formation d'une bibliothèque nationale dans un pays socialiste, montrer les particularités de son développement, ses devoirs et ses fonctions actuelles et apporter ainsi notre contribution à la discussion générale du problème.

L'évolution de la Bibliothèque nationale en URSS.

Nous pouvons sans hésitation parler de l'originalité de l'évolution de la bibliothèque nationale en URSS. Son histoire reflète les transformations sociales et culturelles du dernier demi-siècle.

La fondation de la bibliothèque nationale date en Russie de la fin du XVIIIe siècle, lorsque fut fondée à Pétersbourg la Bibliothèque publique. En 1810 elle reçoit le dépôt légal et, de ce fait, le statut d'un conservatoire russe national officiel du livre. Sous cette forme elle représente 'parfaitement les deux notions de bibliothèque nationale d'une part, de conservatoire national du livre de l'autre et reste pendant plus de cent ans la plus grande bibliothèque de Russie.

En 1862, fut fondée à Moscou, à la faveur d'un mouvement social, la Bibliothèque publique Roumiantzev qui bénéficiait également du dépôt légal, élément qui peut être considéré comme une tentative de création en Russie d'une deuxième bibliothèque nationale, prise dans le sens de conservatoire national du livre. Mais elle n'avait pas de caractère officiel et jusqu'à la Révolution de 1917 ne jouissait pas des privilèges accordés à la Bibliothèque de Pétersbourg.

La Russie prérévolutionnaire n'a rien apporté de particulier au concept existant de bibliothèque nationale. Le rôle caractéristique de la bibliothèque nationale, outre son caractère officiel, résidait dans ses fonctions de collecte et de conservation du livre russe. L'accès à la bibliothèque, bien qu'elle portât le nom de publique, n'avait aucune signification réelle, car sa fréquentation était très réduite et la bibliothèque ne faisait aucun effort pour le développer. La bibliothèque nationale russe prérévolutionnaire était isolée des autres bibliothèques du pays et n'exerçait aucune influence sur le développement de la science des bibliothèques sur le plan national.

Les véritables changements de la bibliothèque nationale, si l'on considère sa place dans la société, ses fonctions et ses tâches, appartiennent à la période post-révolutionnaire de la deuxième moitié du siècle. Les nouvelles conditions culturelles et sociales, un changement radical dans la position des bibliothèques devenues institutions de portée capitale sur le plan national et élément de haute importance de tout le système d'éducation nationale, tous ces facteurs ont déterminé la nouvelle conception de la bibliothèque nationale. Il ne faudrait pas par ailleurs perdre de vue qu'il s'agit des problèmes de la bibliothèque nationale d'un pays multinational de plus de deux cent vingt millions d'habitants.

Un des principaux objectifs atteints dans l'organisation du réseau des bibliothèques en URSS réside dans le système de coopération entre bibliothèques nationales qui recherchent en commun des solutions à l'exploitation des richesses culturelles des peuples de l'URSS. Cette coopération s'effectue entre les bibliothèques nationales à l'échelon fédéral, les bibliothèques républicaines et les grandes bibliothèques fédérales spécialisées.

Le rôle prépondérant appartient dans ce système à la Bibliothèque nationale de l'URSS, la Bibliothèque Lénine. Elle a pris son importance sur le plan national après la Révolution. C'est son exemple et son fonctionnement qui ont déterminé les principales caractéristiques et les principales réalisations de la bibliothèque nationale en tant que type particulier d'institution soviétique. L'importance de ses fonds, qui renferment la production typographique de tous les peuples de l'URSS, fait de cette bibliothèque une source importante de diffusion et d'enrichissement pour les cultures nationales soviétiques. La deuxième bibliothèque de l'URSS par son importance est la Bibliothèque publique Saltykov-Ščedrin de Leningrad qui reçoit jusqu'à ce jour un exemplaire du dépôt légal de toute la production nationale. Malgré ses traditions historiques de seule Bibliothèque nationale de la Russie prérévolutionnaire, elle a su rapidement s'adapter aux conditions nouvelles et elle demeure actuellement la deuxième bibliothèque nationale après la Bibliothèque Lénine.

La bibliothèque nationale est devenue une des plus éclatantes expressions de la souveraineté nationale des républiques fédérées et autonomes, membres à part entière de l'Union soviétique. La révolution a justement permis à de nombreux peuples de l'ancienne Russie d'acquérir leur souveraineté nationale qui a trouvé son expression dans la création de leurs propres instituts, établissements industriels et agricoles, institutions scientifiques, théâtres, de leur propre littérature et aussi d'une bibliothèque nationale républicaine qui occupe parmi les organismes culturels une place d'honneur. La création par les républiques fédérées de bibliothèques nationales à caractère encyclopédique, devenues rapidement de grands centres culturels d'importance nationale, est à notre avis un acquis capital pour les nationalités qui peuplent l'Union soviétique.

Le système des bibliothèques nationales de l'URSS comprend également les grandes bibliothèques spécialisées nationales. Ce sont, par exemple, la Bibliothèque publique scientifique et technique de l'URSS, les bibliothèques d'État d'agriculture, de médecine, des sciences sociales. Leurs fonctions ont des traits communs avec celles des bibliothèques nationales et elles peuvent être considérées comme telles. C'est ainsi que dans les conditions spécifiques de l'URSS, compte tenu de certaines traditions historiques et de l'actuel réseau des bibliothèques, nous étions amenés à des conceptions plus larges de la bibliothèque nationale et ce sont ces facteurs qui ont déterminé notre système de bibliothèques.

L'évolution de la bibliothèque nationale en Union soviétique a donné un nouveau sens et une nouvelle valeur à cette catégorie de bibliothèques. A la place de la dominante et presque exclusive caractéristique de conservatoire national (c'est-à-dire de collecte et de conservation de la production typographique nationale du pays - formule révolue), le concept de la bibliothèque nationale est devenu l'expression de tout un faisceau'de faits réunissant à la fois l'ampleur et l'orientation de l'exploitation de ses fonds, son rôle dans le développement des travaux bibliographiques et son rôle directeur à l'égard du réseau national des bibliothèques.

Les principales caractéristiques d'une bibliothèque nationale en URSS.

Le caractère d'une bibliothèque nationale en URSS ne peut plus être défini par un seul critère. Elle constitue actuellement un organisme complexe dont les particularités typologiques ne peuvent être définies autrement que par un ensemble de caractéristiques.

a) La Bibliothèque nationale, conservatoire national du livre.

La collecte et la conservation de la production typographique nationale est le principal objectif d'une bibliothèque nationale. On connaît, et ceci est vrai pour de nombreux pays, le rôle décisif joué par le dépôt légal dans la formation des conservatoires nationaux de livres. En Russie, le dépôt légal est à l'origine des deux bibliothèques nationales : la Bibliothèque publique à Pétersbourg depuis 1810 et la Bibliothèque Roumiantzev à Moscou depuis 1862, qui réunissent la presque totalité de la production typographique russe.

Après la Révolution de 1917, la loi sur le dépôt légal a été radicalement modifiée. Par une série d'arrêtés, le dépôt légal est devenu la base essentielle de l'organisation d'une bibliothèque nationale. Compte tenu de l'étendue du réseau des bibliothèques, de ses besoins et de la conception nouvelle de la Bibliothèque nationale, le nombre d'exemplaires obligatoires déposés était sensiblement augmenté et un contrôle rigoureux garantissait le bon fonctionnement du dépôt légal.

Parmi les bibliothèques nationales soviétiques la Bibliothèque Lénine occupe par la composition de ses fonds une place particulière. Elle reçoit par la voie du dépôt légal trois exemplaires obligatoires de toute la production typographique de l'Union soviétique, dont l'un est destiné à la conservation et les deux autres sont largement exploités dans l'intérêt de la science, de l'économie et de la culture.

Comme nous l'avons déjà indiqué, la Bibliothèque publique Saltykov-Ščedrin reçoit également un exemplaire du dépôt légal. La croissance rapide des bibliothèques républicaines est très caractéristique, leur particularité nationale se traduit par le souci de rassembler la production typographique de leur pays à l'échelle des grands dépôts nationaux de livres. Ainsi la Bibliothèque républicaine soviétique du Tadzikistan où, à l'époque prérévolutionnaire, les bibliothèques étaient quasi inexistantes, a collecté toutes les publications éditées sur son territoire depuis 1930 (année de fondation de la bibliothèque et où elle a commencé à bénéficier du dépôt légal). La Bibliothèque républicaine soviétique de l'Arménie possède toute sa production nationale depuis la Révolution et aussi de précieux livres anciens, tel le premier livre imprimé en arménien, à Venise en 1512. Ce sont là des exemples typiques pour toutes les autres républiques, sans exception.

Les bibliothèques nationales encyclopédiques ont comme règle la collecte des ouvrages consacrés à la géographie du pays et au régionalisme. A la production nationale assurée par le dépôt légal, s'ajoute celle de l'étranger, concernant soit toute l'Union soviétique, soit une république. Il convient de citer à cet égard le fonds des « Rossica » de la Bibliothèque publique Saltykov-Ščedrin, qui date presque de sa fondation. Des fonds semblables se trouvent à la Bibliothèque Lénine et dans les bibliothèques républicaines.

Certaines bibliothèques spécialisées importantes ont également en URSS des attributions de bibliothèque nationale. Leurs statuts prévoient la collecte, fondée sur un exemplaire du dépôt légal, de la production typographique correspondant à leur spécialisation - technique, industrie, agriculture, médecine, sciences sociales - certes moins complète que dans une nationale encyclopédique mais suffisante pour satisfaire en livres les différents besoins des spécialistes.

Les spécialistes soviétiques de bibliothéconomie n'ont jamais posé le problème des bibliothèques nationales dans la perspective de l'ampleur des fonds. Par leur nature même, ce type de bibliothèques dispose de fonds considérables. C'est surtout vrai pour les bibliothèques nationales soviétiques si l'on considère que la production typographique de l'URSS constitue le quart de toute la production mondiale. Le fonds de la Bibliothèque Lénine compte 22,5 millions de volumes (en 173 langues, plus de 8 millions de volumes seulement en langues étrangères) et la Bibliothèque publique Saltykov-Ščedrin plus de 14 millions de volumes.

Ces fonds proviennent non seulement du dépôt légal, qui leur confère le caractère de conservatoire national, mais aussi d'acquisitions, afin de pouvoir satisfaire tous les besoins de la très grande masse de lecteurs. Ainsi en 1963 le dépôt légal représentait seulement 51 % de l'accroissement total en livres et 20 % pour les périodiques. C'est la raison pour laquelle le problème de l'accroissement d'une bibliothèque nationale doit être réglé en fonction des sources de ses acquisitions.

Il nous semble qu'il ne peut y avoir limitation en ce qui concerne le fonds national de conservation, c'est-à-dire de l'exemplaire d'archives (à la Bibliothèque Lénine et dans les bibliothèques républicaines). Ce fonds doit refléter toute la production nationale, c'est là sa portée historique et culturelle. Des restrictions peuvent être apportées (partiellement en URSS) seulement à l'égard du second et du troisième exemplaire du dépôt légal de la principale bibliothèque nationale et à l'égard des bibliothèques qui n'ont pas le caractère de conservatoire national.

La réglementation de l'accroissement des fonds des bibliothèques nationales ne peut concerner que les fonds complémentaires qui n'ajoutent rien au caractère national de ces bibliothèques. Dans ce domaine, les problèmes sont réglés par la coordination des acquisitions avec d'autres grandes bibliothèques spécialisées d'intérêt national.

b) La Bibliothèque nationale, première bibliothèque publique.

L'accumulation d'une masse énorme de livres n'a jamais été considérée en URSS comme une fin en soi, le but étant leur diffusion. Ceci concerne également la bibliothèque nationale qui ne peut aucunement être réduite à un fonds d'archives « mort ».

Au cours de l'évolution historique, les bibliothèques nationales de l'URSS, qui recèlent de grands trésors culturels, sont devenues les plus importantes bibliothèques publiques du pays, largement ouvertes à toutes les couches de la population. C'est l'une des caractéristiques essentielles d'une bibliothèque nationale soviétique.

L'exploitation des énormes fonds de ces bibliothèques nationales soviétiques se fait de deux manières : I° approvisionnement en livres et en bibliographies des administrations, des dirigeants, des organismes économiques et culturels, des établissements industriels, des organismes scientifiques; 2° service direct d'approvisonnement en livres et en bibliographies du grand public. C'est la fonction même de la bibliothèque nationale qui oriente son exploitation, centrée sur l'aide apportée à la science, à l'industrie, à l'économie nationale et à la culture.

Prenons l'exemple de la Bibliothèque Lénine. Elle compte 215 000 lecteurs dont des scientifiques (22 %), des spécialistes des diverses branches de l'économie nationale et de la culture (41 %), des étudiants (22 %) et même des lycéens (II %) et autres. La Bibliothèque dispose de 22 salles de lecture et de 2 400 places. Elle reçoit dans une journée 8 à 10 ooo lecteurs et elle communique dans une année 14 millions de volumes.

Outre les services directs, le prêt interbibliothèques et la reproduction des documents permettent d'atteindre un grand nombre de lecteurs qui ne fréquentent pas la bibliothèque.

Les bibliothèques nationales sont devenues les plus importants centres du prêt interbibliothèques pour tout le réseau des bibliothèques de l'URSS. Ainsi plus de 5 000 bibliothèques différentes du pays bénéficient des fonds de la Bibliothèque Lénine. Les fonds des bibliothèques républicaines sont exploités par les bibliothèques d'étude et les bibliothèques de lecture publique de la république donnée. Les bibliothèques spécialisées d'État jouent le même rôle à l'égard des bibliothèques spécialisées d'entreprise, d'économie rurale, ou d'organismes scientifiques.

De la longue expérience des bibliothèques nationales soviétiques sont nées différentes formes et méthodes d'exploitation des fonds, du travail avec le lecteur et du choix de la lecture. La première place revient aux catalogues des bibliothèques nationales qui par leur diversité (alphabétiques et systématiques pour les livres, spéciaux pour d'autres documents : les périodiques, la musique, les cartes et plans, les thèses, etc.) et par leur exhaustivité ont la valeur des bibliographies nationales. Les expositions des bibliothèques nationales soviétiques ont pour but de familiariser le lecteur avec les imprimés du dépôt légal (expositions de caractère encyclopédique et spécialisé) et de présenter l'ensemble des documents sur un sujet important (présentation souvent de 8 à 10 000 titres). Une forme particulièrement intéressante du travail des bibliothèques nationales est l'information bibliographique établie à l'attention des administrations et organismes scientifiques, à partir des sources nationales et étrangères.

Le caractère universel d'une bibliothèque nationale en URSS, s'il s'agit de l'exploitation de ses fonds, trouve son expression dans le fait que le travail avec le lecteur est orienté à la fois vers l'assistance culturelle et scientifique, vers la promotion sociale des travailleurs et vers le progrès scientifique et industriel. Cette particularité de la Bibliothèque nationale lui permet d'apporter une aide concrète à la solution des problèmes culturels et économiques du pays.

Ainsi les formes souples et diverses du travail avec le lecteur ont rendu la bibliothèque nationale accessible à toutes les couches de la population de l'Union soviétique ou d'une république fédérée. Les quelques restrictions d'admission à la salle de lecture, souvent fortuites (manque momentané de place) ou de prêt, n'entravent en rien le principe général d'un large accès aux fonds des bibliothèques nationales, fonds exploités également par le prêt interbibliothèques, l'information bibliographique, la reprographie, etc.

c) La Bibliothèque nationale, centre bibliographique.

Les fonctions bibliographiques des bibliothèques nationales ont pris en URSS une grande ampleur et des formes multiples. C'est un fait d'autant plus important que le travail bibliographique repose sur la quasi-totalité de la production typographique nationale. Ce travail bibliographique, lié de façon organique au travail de la bibliothèque, devient un moyen important de diffusion du livre et offre la possibilité de déterminer l'orientation bibliographique des lecteurs.

Contrairement à ce qui se pratique dans de nombreux pays, les bibliothèques nationales en URSS n'assument pas l'enregistrement bibliographique courant des imprimés qui est confié à des organismes spéciaux : la Chambre du livre de l'URSS et les Chambres du livre des diverses républiques. L'analyse et le traitement de l'exemplaire du dépôt légal à la bibliothèque nationale a essentiellement pour but la création des répertoires rétrospectifs et des bibliographies recommandées.

De nombreux guides bibliographiques d'importance capitale seraient impensables s'ils n'avaient pour source les fonds des bibliothèques nationales. Prenons quelques exemples. La Bibliothèque Lénine et la Bibliothèque Saltykov-Ščedrin en collaboration avec d'autres bibliothèques publient un travail bibliographique fondamental : « Le Catalogue collectif du livre russe du XVIIIe siècle ». La Bibliothèque Lénine a publié deux volumes de ses archives privées, elle publie un catalogue trimestriel des thèses, etc.

Les bibliothèques spécialisées d'État publient respectivement des répertoires, comme « La bibliographie d'économie rurale de l'URSS », « La bibliographie médicale de l'URSS. ».

Les bibliothèques nationales jouent un rôle important dans le développement des bibliographies recommandées. La bibliothéconomie soviétique considère cette tâche d'une bibliothèque nationale comme essentielle et de haute importance. Nous n'avons jamais considéré la bibliographie recommandée comme une « bibliographie de second ordre » et sommes persuadés qu'elle exige, en tant que genre complexe et important d'activité bibliographique, une analyse profonde et sérieuse des documents, un choix judicieux et une structure spéciale. La solution de ces problèmes est à la mesure d'une bibliothèque nationale qui offre ses bibliographies aux bibliothécaires et aux lecteurs pour le choix de leurs livres. Dans ce domaine, ce travail des bibliothèques nationales joue un rôle directeur à l'égard des autres bibliothèques, en particulier des régionales.

Le principal centre de bibliographies recommandées en URSS est la Bibliothèque Lénine. Ainsi en 1963, elle a publié plus de 70 titres de bibliographies recommandées qui comptaient 3 200 pages imprimées d'un tirage de plus de 1 million d'exemplaires couvrant tous les domaines. De cette masse de publications quelques titres se détachent : « La bibliothèque de l'autodidacte », « Les classiques de la littérature russe », « Nouveautés en sciences et techniques », etc. Ces bibliographies recommandent les meilleurs livres de toutes les disciplines afin d'élargir les connaissances et d'élever le niveau culturel des masses.

La Bibliothèque publique Saltykov-Ščedrin publie également d'une façon régulière des bibliographies recommandées. Ces bibliographies recommandées ne visent pas en URSS seulement un but culturel, mais sont aussi destinées au secteur économique et industriel. La publication de ce dernier genre de bibliographies incombe aux bibliothèques spécialisées d'État. Ainsi, par exemple, la Bibliothèque publique scientifique et technique de l'URSS publie une série de guides « recommandés », tels que le « Guide pour ouvriers polyvalents », « Les nouvelles techniques à l'intention des ouvriers » ou encore « Nouveaux livres techniques pour ouvriers ». L'important travail bibliographique des bibliothèques républicaines connaît également une très large audience. Ce sont elles qui établissent les bibliographies nationales, ce qui se traduit d'une part, par le recensement de toute leur production typographique nationale et de l'autre, par la publication de bibliographies recommandées, ayant pour but d'orienter le lecteur vers les documents nationaux essentiels.

d) La Bibliothèque nationale, centre méthodologique.

Les bibliothèques nationales sont devenues de grands centres méthodologiques qui jouent un rôle important dans le développement de la recherche bibliothéconomique et dans l'amélioration de la qualité du travail des bibliothèques soviétiques. L'organisation à l'échelle nationale d'un système harmonieux d'assistance méthodologique à toutes les bibliothèques était à nos yeux une des importantes réalisations et une des caractéristiques de la structure des bibliothèques en URSS. Dans ces conditions il s'agissait de créer des centres (précisément des centres, tenant compte de l'éventail du réseau des bibliothèques de l'URSS) susceptibles d'offrir une aide de tous les jours à toutes les bibliothèques du pays. Ce sont justement les bibliothèques nationales qui sont devenues ces centres méthodologiques, aussi bien à l'échelle nationale que sur le plan républicain.

La longue expérience soviétique a montré combien il était nécessaire d'attribuer aux bibliothèques centrales (dont les nationales) des fonctions de direction méthodologique, puisque seules ces bibliothèques, grâce à leur personnel qualifié, peuvent par des exemples précis d'organisation scientifique du travail, diffuser leurs méthodes dans d'autres bibliothèques.

Les bibliothèques nationales exercent leurs compétences méthodologiques :
I° dans l'étude des principaux problèmes de bibliothéconomie et des problèmes théoriques de bibliographie à la lumière des acquisitions les plus récentes dans ce domaine;
2° dans la recherche des méthodes les plus productives en bibliothéconomie et bibliographie, de rédaction des instructions pratiques pour tous les processus de diffusion nationale du livre;
3° dans la mise en pratique, avec le concours du réseau des bibliothèques centrales (régionales, municipales, centrales scientifiques et techniques des diverses régions, économiques, etc.), de méthodes de travail perfectionnées. On peut encore citer à l'acquis des bibliothèques nationales, l'élaboration, après de nombreuses recherches, de règles souples et efficaces de bibliothéconomie. Diverses formes du travail méthodologique ont résisté à l'épreuve du temps et sont entrées définitivement dans la pratique des bibliothèques nationales : analyse et diffusion des méthodes éprouvées, expérimentation, préparation des publications et des mises au point, édition de recueils et de manuels à l'usage des différents types de bibliothèques, organisation de conférences scientifiques et d'information, consultations méthodologiques, séminaires d'étude et de débats, etc.

A l'échelle fédérale fonctionnent deux grands centres méthodologiques : la Bibliothèque Lénine pour l'ensemble des bibliothèques du pays et la Bibliothèque publique scientifique et technique de l'URSS à l'intention du réseau des bibliothèques techniques; les bibliothèques républicaines exercent ces fonctions sur le territoire de leur république.

La liaison entre bibliothèques nationales

Il n'a jamais existé et il n'existe pas en URSS d'alternative « universalité » ou « spécialisation » des bibliothèques nationales. L'énorme besoin en livres et aussi la ramification du réseau des bibliothèques (on en compte en URSS plus de 380 000) justifient la nécessité des deux types de bibliothèques nationales. Il s'agit seulement de déterminer les justes rapports entre ces bibliothèques, la répartition rationnelle des sphères d'influence et de coopération précise.

L'existence de quelques grandes bibliothèques spécialisées de caractère national amène aux conclusions suivantes : tout' d'abord la nécessité d'orienter les fonds des bibliothèques nationales encyclopédiques et de développer la coopération des acquisitions (cela ne concerne en rien, comme nous l'avons indiqué, le fonds de conservation des bibliothèques nationales) et ensuite de préciser les activités des bibliothèques nationales encyclopédiques et spécialisées dans le domaine du renseignement des lecteurs sur des sujets étroitement spécialisés ou sur le plan concret des travaux bibliographiques.

Dans la pratique des bibliothèques soviétiques on retrouve les deux aspects de ce problème. Le premier concerne la coordination du travail, c'est-à-dire une répartition précise des fonctions et des sphères d'influence, la planification (annuelle et pluri-annuelle) pour toutes les activités des bibliothèques nationales.

Le deuxième aspect du problème c'est le travail de coopération, c'est-à-dire l'effort collectif des diverses bibliothèques nationales en vue d'une solution unique des problèmes concrets (catalogues collectifs, par exemple, élaboration de la classification bibliothéconomique et bibliographique, étude des problèmes particuliers de bibliothéconomie et de bibliographie, etc.).

Ainsi les bibliothèques nationales, surtout les encyclopédiques, ont été investies d'une nouvelle fonction, celle de centres de coordination et de coopération du travail bibliographique. La Bibliothèque Lénine par exemple réalise pratiquement la coordination et la coopération des travaux d'information bibliographique des bibliothèques spécialisées, des travaux méthodologiques, de la rédaction de travaux bibliographiques importants effectués au sein des bibliothèques nationales, etc. Les bibliothèques républicaines assument les mêmes fonctions sur le territoire de leur république.

Nous avons esquissé ici à grandes lignes les liaisons existantes entre bibliothèques nationales, leurs principes fondamentaux qui se sont affirmés dans la pratique en URSS. Ce sont en même temps, il faut l'admettre, des aspects complexes de l'évolution des bibliothèques nationales, aspects qui ne sont pas complètement résolus en URSS. Il s'agit de la coordination et de la coopération dans le domaine des acquisitions, solution que nous cherchons actuellement et dont nous partagerons les résultats avec nos collègues aussitôt que nos recherches seront mises en pratique.

Relations internationales des bibliothèques nationales

Actuellement, le problème d'acquisition de documents nécessaires au travail scientifique ne peut être résolu que par la plus étroite collaboration entre bibliothèques d'étude de différents pays. Il est évident que dans ce domaine le rôle des bibliothèques nationales, qui disposent de toute la production nationale, est décisif.

La collaboration internationale des bibliothèques revêt divers aspects et couvre des domaines multiples du travail bibliothéconomique et bibliographique : participation à des organisations internationales, à des réunions, à des publications, échanges de livres, prêt, travail d'information bibliographique commun, dont rédaction de bibliographies scientifiques internationales, coopération dans le domaine des acquisitions étrangères, contacts personnels. Ce sont les bibliothèques nationales qui ont le plus grand potentiel humain et matériel leur permettant d'assumer ces tâches et deviennent de ce fait d'importants, sinon les plus importants, centres de coopération internationale pour leur pays. Toutefois, elles ne se réservent pas l'exclusivité, car tout en y prenant une part active, elles coordonnent le travail des autres bibliothèques du pays dans leurs différents rapports avec les bibliothèques étrangères.

Tout cela concerne aussi les activités des bibliothèques nationales soviétiques et au premier plan celles de la Bibliothèque Lénine.

La Bibliothèque Lénine a des relations internationales très étendues. Elle échange des publications avec 3 000 bibliothèques et organismes scientifiques de 84 pays, consent le prêt international à 275 organismes étrangers de 36 pays. Non seulement la Bibliothèque Lénine déploie toutes ces activités mais elle sert aussi de centre de coordination du prêt et des échanges internationaux pour toutes les autres bibliothèques du pays. Elle délivre aux bibliothèques étrangères annuellement près de 1 ooo informations bibliographiques complexes. En 1963, 3 500 lecteurs étrangers venant de 74 pays ont fréquenté la Bibliothèque. Une section spéciale étudie la bibliothéconomie étrangère et publie le recueil « Bibliothéconomie et bibliographie à l'étranger ».

Les bibliothèques nationales des républiques fédérées prennent aussi une part active à la coopération internationale. Leur participation a une ampleur et des formes diverses, mais accuse toujours une tendance très nette vers une large ouverture internationale. Cela se traduit surtout par l'intensification des échanges internationaux de publications entre les bibliothèques républicaines et des organismes scientifiques étrangers.

Aucune autre fonction des bibliothèques ne dépend autant de la conjoncture internationale que les échanges internationaux. La détente internationale des dernières années a beaucoup favorisé la coopération internationale des bibliothèques. Il est hors de doute que dans la mesure où l'idée de coexistence pacifique des états à structures sociales différentes présidera aux destinées des rapports internationaux, les rapports scientifiques et culturels, et tout naturellement ceux des bibliothèques et avant tout des nationales, ne pourront que s'intensifier.

Problèmes des bibliothèques nationales en voie de solution

Bien que nous soyions partisans de l'exhaustivité du fonds d'une bibliothèque nationale en ce qui concerne la production nationale du pays ou d'une république, le problème de l'accroissement général des fonds de ces bibliothèques attend sa solution. Elle nous apparaît tout d'abord sous la forme d'une limitation des acquisitions complémentaires nées de la demande sans cesse croissante des lecteurs et ensuite dans la généralisation de la reprographie (microfilms, microfiches, etc.) des fonds à plus faible consultation, sans toutefois étendre cette pratique à l'exemplaire du dépôt légal de la Bibliothèque Lénine ni des bibliothèques républicaines, élément qui confère à ces bibliothèques leur caractère national.

Le moment est venu d'une étude sérieuse de ces problèmes en accord et en étroite collaboration avec les bibliothèques nationales des autres pays et de la confrontation de leurs expériences acquises dans l'accroissement de leurs fonds.