La nouvelle bibliothèque municipale de Saint-Étienne

Mauricette Simon

Le I5 octobre 1959 fut inaugurée la nouvelle bibliothèque installée dans l'hôtel Colcombet. Elle comprend au Ier étage : une salle pour les catalogues et le bureau de prêt, la salle de lecture, aménagée dans les anciens salons, les bureaux. Les magasins, d'une capacité linéaire de 5 km, ont dû être répartis dans les pièces des 2e et 3e étages

L'inauguration de la nouvelle Bibliothèque municipale de Saint-Étienne, qui a eu lieu le 15 octobre 1959 1, a heureusement mis un terme à la situation inconfortable de la bibliothèque, qui, au bout d'un siècle d'occupation, était devenue, dans l'aile Nord du Palais des Arts, un dépôt informe.

L'hôtel particulier qui abrite désormais les collections municipales est un immeuble construit au début du siècle dans le style du XVIIIe. Propriété de la famille Colcombet, il fut acquis par la ville en 1950 sur l'initiative de son maire, M. de Fraissinette, désireux de procurer à la bibliothèque un cadre plus approprié. La Direction des bibliothèques devait approuver et encourager le projet dont la réalisation ne fut achevée qu'à l'automne 1959.

La transformation en bibliothèque d'un immeuble existant soulève des problèmes délicats, mais la solution adoptée a permis de bénéficier d'un cadre particulièrement agréable et d'un emplacement exceptionnel. En effet l'angle des rues Marcellin-Allard et Lieutenant-Morin, où est situé l'hôtel Colcombet 2, est à quelques mètres du lycée de garçons et de l'école nationale professionnelle, à proximité de la poste centrale et du centre commerçant, et il est desservi par plusieurs lignes de trolleybus.

Aux difficultés normales d'adaptation se sont ajoutées pour l'architecte de la ville, M. Moretton, celles dues aux mouvements de terrain, phénomène typiquement stéphanois, résultant de l'exploitation des mines dont les galeries sillonnent le sous-sol d'une grande partie de la ville. La mine creusée sous l'hôtel Colcombet est aujourd'hui abandonnée et il ne subsiste plus de risque de nouveau tassement, mais la dénivellation qui s'est produite de la face Ouest à la face Est atteint plus de 40 cm. Fort heureusement l'immeuble a bougé en bloc sans qu'aucune fissure se soit produite. A l'exception du premier étage où la pente est sensible, les différences de niveau ont pu être rattrapées car les planchers qui devaient supporter les rayonnages ont été entièrement refaits. En effet la nouvelle destination de l'immeuble a nécessité d'importants travaux. En dehors des considérations de sécurité il fallait simplifier la distribution intérieure et supprimer les cloisonnements qui n'étaient pas indispensables. Seul le premier étage qui était l'étage de réception est resté presque intact. Il est occupé par les salles publiques et les bureaux tandis que le rez-de-chaussée, les deuxième et troisième étages ont été convertis en magasins. En outre l'agrandissement d'un garage contigu à l'immeuble permettra l'ouverture d'une annexe de lecture publique.

Un hall aux élégantes proportions accueille celui qui a gravi l'escalier conduisant au premier étage. Des rampes au néon renforcent habituellement l'éclairage naturel qui vient d'une verrière et soulignent les détails d'architecture discrètement rehaussés par les tonalités des revêtements de peinture. On s'est efforcé de distribuer le mobilier de façon à ne pas donner l'impression d'encombrement. A partir de l'entrée le lecteur trouve, de chaque côté, les fichiers des catalogues avec, à droite, les dictionnaires encyclopédiques, près desquels un coin de lecture est ménagé, puis le bureau de communication et de prêt auquel fait face, sur la gauche, l'entrée de la salle de travail. Celle-ci a été aménagée dans les deux anciens salons dont les larges portes de communication ont été enlevées. Le salon d'angle a conservé ses lambris de chêne sculptés dont la teinte foncée contraste sans choquer avec les murs clairs de l'autre pièce qui a perdu, sans grand dommage, sa décoration de staff, et où ont été disposés l'ensemble des usuels. Le rectangle allongé formé par la réunion des deux pièces n'était pas facile à meubler, d'autant plus que sa surface n'est pas considérable et qu'il fallait l'utiliser au maximum. Quatre grandes tables de 12 lecteurs et une plus petite de 6 sont placées perpendiculairement au grand mur de façade, ne laissant qu'une seule grande allée latérale de circulation. Le bureau de surveillance est placé contre la baie qui fait communiquer les deux parties, ce qui assure un contrôle facile de toute la salle. La porte d'entrée est à proximité immédiate, aussi la restitution au surveillant des ouvrages lus en salle ne provoque aucune allée et venue supplémentaire. Derrière le surveillant un panneau de présentation pour les périodiques, inspiré de ceux réalisés aux bibliothèques de Tours et de Saint-Maur-des-Fossés, permet aux lecteurs de choisir et d'obtenir sur place le dernier numéro d'une grande partie des revues en cours. L'éclairage électrique comporte à la fois un éclairage d'ambiance diffusé par des plafonniers au néon et des lampes sur les tables. Bien que l'on ait tendance à abandonner l'éclairage individuel - on peut en effet lui reprocher d'encombrer les tables et d'interdire tout déplacement du mobilier - il est indéniable qu'il a la faveur des lecteurs. Il est très apprécié aux heures grises d'hiver lorsque l'éclairage d'ambiance ne s'impose pas ou même peut être désagréable, et où cependant un supplément de lumière près du travail procure plus de confort. Il se justifie d'autant plus dans notre cas que les tables ne sont pas toutes dans l'axe d'une fenêtre et sont donc très diversement éclairées. Les lampes, du même type que celles conçues pour la bibliothèque municipale et universitaire de Clermont-Ferrand, éclairent quatre places et leur large abat-jour en tronc de cône diffuse une lumière sans zone d'ombre.

Le seul regret à exprimer est que la salle de lecture ne puisse recevoir plus de 54 lecteurs. Ses usagers la trouvent très accueillante, ils viennent y travailler avec plaisir et dans le calme car tout le mouvement et tout le bruit que provoquent la consultation des catalogues, la communication des livres, les demandes de renseignements, se font au dehors, dans le hall. Un peu éblouis et intimidés au début par les nouveaux locaux mis à leur disposition qui faisaient un tel contraste avec l'installation vétuste du Palais des Arts, les lecteurs se sont très vite habitués et aux anciens se sont adjoints de nouveaux venus. En effet en trois mois de fonctionnement la fréquentation de la bibliothèque a largement doublé. L'excellence de la situation et l'agrément du cadre ont été des facteurs essentiels dans cette rapide extension.

Un vestiaire sous contrôle, pris sur le palier qui précède le hall mais ouvrant sur celui-ci, l'installation sanitaire et les bureaux complètent la distribution du premier étage. Le bureau du conservateur et celui des sous-bibliothécaires occupent l'ancienne salle à manger située à droite du hall en entrant. La proximité des catalogues facilite beaucoup le travail du personnel scientifique. A la suite du bureau des sous-bibliothécaires se trouve l'ascenseur pour lequel on a utilisé, en l'agrandissant, la gaine d'un monte-charge. L'ascenseur est dans l'axe de l'entrée de la salle de travail et ouvre immédiatement sur le bureau de communication qui est installé sur le hall même. La circulation du personnel, des lecteurs et des chariots est donc très facile.

Les dispositions primitives de l'immeuble ont peut-être été moins favorables en ce qui concerne l'aménagement des magasins. Le fait qu'ils sont situés à différents niveaux ne présente pas beaucoup d'inconvénient parce que l'ascenseur relie rapidement les étages entre eux. Plus gênant est leur cloisonnement aux deuxième et troisième étages. La présence de la verrière qui éclaire le hall a entraîné une disposition rayonnante des pièces qui ouvrent sur une galerie circulaire. Les pièces ne communiquent pas entre elles et pour passer de l'une à l'autre il faut obligatoirement repasser par la galerie. Heureusement au rez-de-chaussée les magasins forment un bel ensemble où ne subsistent que les murs de refend. On y a logé les collections les plus récentes donc les plus consultées. Les rayonnages métalliques ont une capacité linéaire de 5 km ce qui malheureusement est peu. On a dû, au mépris de toute orthodoxie, implanter les épis parallèlement aux murs de façade, car une disposition rationnelle aurait réduit considérablement les possibilités de stockage.

Le bâtiment est chauffé par le chauffage central au charbon. Les salles publiques et les bureaux sont pourvus de radiateurs tandis que dans les magasins le chauffage, réglé à 12°, se fait par le sol. Celui-ci est recouvert d'un carrelage. L'immeuble étant dépourvu de tout gardiennage la protection contre l'incendie a été particulièrement étudiée. Deux modes de détection fonctionnent : détection par la chaleur dans les bureaux et les salles publiques, et détection par la fumée dans les magasins. L'alarme est transmise par ligne télécommandée à la caserne des pompiers en cas d'alerte.

On peut affirmer que les études et les travaux effectués, dus entièrement au service d'architecture de la ville et menés en liaison constante avec l'Inspection générale et le Service technique de la Direction, ont permis de tirer le meilleur parti possible d'un immeuble conçu pour une destination totalement différente de celle qu'il a aujourd'hui.

Il était inévitable cependant que la solution adoptée à Saint-Étienne comportât des avantages et des inconvénients. Lesquels l'emportent ? La réponse dépend un peu de la conception que l'on se fait du rôle d'une bibliothèque municipale. Les avantages indiscutables sont au nombre de deux : l'économie (car il eût fallu dépenser plus du double pour édifier un dépôt neuf), l'emplacement (il eût été à peu près impossible en effet de trouver un terrain aussi bien situé). Or nos bibliothèques municipales, sans cesser d'être des bibliothèques de conservation, tendent de plus en plus à être des bibliothèques d'études et de « consommation », comme c'est le cas à Saint-Étienne. Or rien ne peut mieux contribuer au succès d'une telle bibliothèque qu'un emplacement bien choisi, notre expérience en témoigne. C'est l'étroitesse relative des locaux qui risque de freiner notre extension à venir. Cependant, compte tenu des possibilités d'agrandissement qu'offre notre nouveau dépôt, nous acceptons sans trop de regret des inconvénients qu'il serait vain de dissimuler.

  1. (retour)↑  Voir : B. Bibl. France. 4e année, n° 10, octobre 1959, p. 456.
  2. (retour)↑  Nouvelle adresse de la bibliothèque : Hôtel Colcombet, rue du Lieutenant-Morin, Saint-Étienne (tél. 32 64. 41).