La lecture publique à Bordeaux

Louis Desgraves

L'existence à Bordeaux de neuf bibliothèques municipales de prêt créées entre 1944 et 1955 offre un exemple de l'effort accompli au cours de ces dix dernières années par une municipalité qui a pris conscience de l'importance grandissante des bibliothèques dans la vie d'une cité moderne. Cet ensemble correspond aux désirs souvent exprimés par la Direction des bibliothèques de France qui n'a cessé d'apporter un appui actif à ces réalisations. Aussi a-t-il paru utile de retracer dans les pages qui suivent l'historique de la création de ces bibliothèques et de montrer le développement pris par celles d'entre elles qui furent les premières à ouvrir leurs portes au public.

Bordeaux, quatrième ville de France, compte à l'heure actuelle une population de 258.288 habitants répartie en sept cantons. La ville est entourée d'une ceinture de communes de banlieue étroitement soudées à elle; seules les limites administratives séparent la ville de sa banlieue : Pessac, Bègles, Talence, Mérignac, Caudéran, Le Bouscat, sur la rive gauche de la Garonne; Cenon, Floirac, sur la rive droite. Bordeaux constitue donc, en réalité, une agglomération urbaine de plus de 450.000 habitants qu'il s'agit de ravitailler en ouvrages de toutes sortes. Ce chiffre élevé de la population agglomérée constitue en lui-même une première source de difficultés. Le problème de la lecture publique dans l'agglomération bordelaise ne pourra être résolu d'une manière satisfaisante et rationnelle que si un accord est conclu entre les administrations municipales intéressées à cette solution. Jusqu'à présent, il a fallu limiter l'organisation de la lecture publique à la seule ville de Bordeaux. Mais on ne doit jamais perdre de vue que, dans la situation actuelle, les bibliothèques de prêt de Bordeaux contribuent en réalité à fournir des livres non seulement à la ville proprement dite, mais aussi dans une large mesure aux localités de sa proche banlieue, souvent simples lieux de résidence.

Une autre donnée liée à la position géographique de la ville et à son histoire complique encore le problème. Pour une population de 250.000 habitants, Bordeaux s'étend sur une superficie de 3.689 ha. La Garonne divise la cité en deux parties d'importance inégale : la rive gauche, en forme d'arc de cercle, limitée par les boulevards extérieurs créés au XIXe siècle et les quais a un périmètre de 23 km; la rive droite, l'ancien faubourg de La Bastide, rattaché à Bordeaux sous le Second Empire a un périmètre de 6 km. Cette longueur des voies de communication explique pourquoi il était indispensable, afin de pouvoir répondre à tous les besoins, de créer dans les différents quartiers de la ville de nombreuses bibliothèques de prêt.

Les débuts de l'organisation de la lecture publique à Bordeaux remontent à 1944. Sans doute Bordeaux possédait depuis 1740 une bibliothèque municipale ouverte à tous; mais cette bibliothèque de conservation ne réservait le prêt qu'à quelques privilégiés.

Cet état de choses n'avait pas échappé à M. André Masson, inspecteur général des Bibliothèques, alors qu'il était conservateur de la Bibliothèque municipale de Bordeaux. Il avait élaboré dans les années qui précédèrent immédiatement la guerre de 1939 un programme de création de bibliothèques de lecture publique et constitué un fonds de livres destiné à l'ouverture de sections de prêt, grâce aux crédits de l'État mis à sa disposition par M. Julien Cain. La guerre et l'occupation empêchèrent la réalisation de ces projets. Mais les livres étaient équipés, le catalogue rédigé et, à la Libération, dès le mois d'octobre 1944, fut ouverte la première bibliothèque municipale de prêt, située cours Pasteur, à proximité des facultés, dans le centre de Bordeaux.

Le succès de cette bibliothèque emporta l'adhésion de l'administration municipale. Sous l'impulsion de son maire, M. Chaban-Delmas, et de son adjoint à l'Instruction publique, M. Deymes, la ville de Bordeaux a mis sur pied, à partir de 1948, un vaste programme de lecture publique urbaine. La réalisation de ce programme s'est manifestée par l'ouverture, entre 1948 et 1955, de huit nouvelles bibliothèques de prêt : bibliothèque de La Bastide, en 1948; bibliothèque des jeunes, en 1949; bibliothèque de la rue Son-Tay, en 1953; bibliothèque de Saint-Augustin, en 1954; bibliothèques de la rue Quintin, de Claveau, de La Benauge et de la rue Mably, en 1955.

A l'exception de celle de la rue Mably, les cinq bibliothèques créées de 1953 à 1955 ont été installées dans des locaux neufs construits spécialement à cet effet et s'insérant dans un ensemble de services municipaux, véritables pôles d'attraction des divers quartiers. A l'exemple de ce que j'avais observé au cours du stage organisé par l'Unesco à Manchester au mois de septembre 1948, les cinq bibliothèques ont, réunies dans la même salle, une section pour les adultes, une section pour les enfants ainsi que quelques tables permettant la lecture sur place.

L'emplacement de ces bibliothèques a été étudié avec soin; leur répartition sur le plan de la ville montre qu'à l'heure actuelle la plupart des habitants de Bordeaux peuvent accéder aux livres sans avoir à franchir de trop grandes distances. Toutefois ce réseau de bibliothèques devra être complété dans les années à venir.

Chacune de ces bibliothèques possède sa personnalité propre liée aux caractères du quartier dans lequel elle se trouve située. Un rapide tour d'horizon permettra de dégager les caractéristiques particulières à chacune d'entre elles.

Sept de ces bibliothèques sont situées sur la rive gauche de la Garonne et deux sur la rive droite. La première créée, celle du cours Pasteur, a remplacé au mois d'octobre 1944 une bibliothèque « populaire » qui avait été ouverte au public le 1er décembre 1930 1. Pendant quinze ans la bibliothèque populaire, ouverte le dimanche de 9 à 12 h., le jeudi et le samedi de 14 à 18 h. et tous les jours ouvrables de 20 à 22 h. a contribué à créer à Bordeaux une opinion favorable à la lecture publique. Mais l'exiguïté du local, la vétusté de beaucoup d'ouvrages figurant sur les rayons amenèrent sa transformation en une bibliothèque de prêt qui commença à fonctionner au mois d'octobre 1944. Située dans le quartier des facultés, la bibliothèque du cours Pasteur est surtout fréquentée par les étudiants et par les habitants des quartiers centraux de Bordeaux.

La bibliothèque de la rue Son-Tay a été ouverte au mois d'octobre 1953; elle est située dans le quartier Belcier, derrière la gare de voyageurs de la S. N. C. F. Bien que ce quartier soit resté longtemps un des plus deshérités de Bordeaux, la bibliothèque a bénéficié de son implantation en son centre, le long de la ruc Son-Tay, qui le relie aux autres parties de la ville. Située à côté d'un groupe scolaire important, la bibliothèque s'intègre dans un ensemble groupant à côté d'elle, une salle des fêtes, un foyer pour les vieillards, des salles de réunion.

Le quartier de Saint-Augustin situé à l'ouest de Bordeaux enfonce un coin dans la proche banlieue. Cette avancée de la ville limitée par les boulevards extérieurs et par les villes de Mérignac et de Caudéran présente des caractères distinctifs qui lui donnent son aspect particulier. Le peuplement de ce quartier s'est surtout développé depuis le début de ce siècle, aussi les maisons d'habitation présentent-elles le même type que celles édifiées dans la banlieue de Caudéran. La difficulté et la longueur des communications avec le centre de la ville ont longtemps contraint ce quartier à vivre replié sur lui-même; aussi la création d'une bibliothèque y était-elle souhaitée et envisagée depuis de nombreuses années. La construction, en face de l'église de Saint-Augustin, d'un centre municipal groupant la poste, un foyer pour les vieillards, une salle des fêtes et diverses salles de réunion, a permis la réalisation de ce projet.

A la limite des communes de Bordeaux, de Mérignac et de Talence, un quartier nouveau a grandi au cours de ces dernières décades sur des terrains naguère encore plantés de vignes. La construction d'un centre municipal de conception analogue à ceux de la rue Son-Tay et de Saint-Augustin a permis de réserver au premier étage du nouvel immeuble une bibliothèque qui a été ouverte au mois de mai 1955. Au 31 décembre de la même année, après six mois de fonctionnement, le nombre des lecteurs inscrits était de 199 pour les adultes et de 453 pour les enfants; 5.295 volumes avaient été prêtés aux adultes et 6.049 aux enfants.

Le domaine de Claveau situé le long de la Garonne dans la partie nord de Bordeaux vient d'être complètement transformé au cours de ces dernières années par l'implantation d'immeubles à loyer modéré. La bibliothèque édifiée dans l'ancien château Blondeau modernisé a été ouverte le 16 juin 1955. Le nombre des lecteurs inscrits au 31 décembre était plus élevé qu'à Quintin, puisqu'il était de 325 pour les adultes et de 622 pour les enfants, tandis que 6.956 ouvrages étaient prêtés aux adultes et 5.478 aux enfants.

La Bibliothèque municipale de la rue Mably fondée en 1736 par le Conseiller au Parlement de Bordeaux, Jean-Jacques Bel, ami de Montesquieu, ne réserve le prêt des livres qu'à quelques lecteurs autorisés par l'administration municipale. Ainsi la presque totalité des usagers fréquentant la bibliothèque se trouvait exclue du prêt à domicile. Il y avait là une anomalie d'autant plus regrettable quc le public de la bibliothèque est constitué par une très forte majorité d'étudiants. Mais il paraissait difficile d'étendre le prêt à tous les lecteurs; ceux qui venaient travailler sur place se seraient vu refuser la communication d'un trop grand nombre d'ouvrages prêtés à d'autres lecteurs. Il a donc paru préférable de créer dans le local de la Bibliothèque municipale une section de prêt avec un fonds de livres distinct de celui de la bibliothèque centrale. Le déménagement partiel du Musée lapidaire installé au rez-de-chaussée de la bibliothèque a permis de réserver, à l'entrée de la salle d'exposition, une pièce destinée au prêt des livres qui a été ouverte au public le 22 octobre 1955. Dans le choix des livres composant le fonds initial de cette section de prêt, une place particulièrement importante a été réservée aux ouvrages des sections décimales. La composition du fonds et surtout la catégorie du public qui fréquente cette bibliothèque permettent au bout de trois mois de constater que les romans prêtés n'entrent dans le total que pour 55 % alors que partout ailleurs cette proportion atteint ou dépasse même 70 %; il y a là une constatation intéressante dont les variations mériteront d'être étudiées au cours des années à venir.

Si maintenant nous passons sur la rive droite de la Garonne, dans le quartier de La Bastide, nous y trouvons deux bibliothèques, celle de La Bastide, créée en 1948 et celle de la Benauge en 1955.

Située sur la rive droite de la Garonne dans l'ancien faubourg de La Bastide rattaché sous le Second Empire à la ville de Bordeaux, avec laquelle il communique par le pont de pierre, cette bibliothèque a été ouverte au mois de février 1948. Après des débuts difficiles résultant de sa situation dans le quartier et du local l'abritant, elle a pris à partir de 1950, grâce au patient travail de prospection, un développement satisfaisant.

La bibliothèque est située dans la « maison cantonale » de La Bastide, sorte d'annexe sur la rive droite de la Garonne de la mairie de Bordeaux comprenant, outre la bibliothèque, un bureau d'état-civil, une salle des fêtes et des salles de réunion pour les sociétés du quartier. Cette maison cantonale, construite en 1925, a été fort mal conçue; la salle utilisée par la bibliothèque, en particulier, est un modèle de ce qu'il convient de ne pas faire. Cette salle étant utilisée le soir, à intervalles irréguliers, par des sociétés musicales, il a fallu enfermer les ouvrages dans des bibliothèques munies de portes fermant à clef.

En dehors de cet inconvénient majeur résultant de la conception même de la salle à l'aspect peu accueillant, il en est un autre qui explique les difficultés qui ont présidé, les premières années, au développement de cette bibliothèque : sa situation à l'écart dans le quartier de La Bastide. Toute la vie de ce quartier gravite, en effet, autour de l'avenue Thiers, grand axe routier long de plusieurs kilomètres qui conduit de la Garonne à la route de Paris. Placée à l'écart de cette voie de communication où sont groupés les commerces, éloignée du centre industriel qui se développe de l'autre côté de l'avenue Thiers, en direction du nord, la maison cantonale se trouve à l'écart des activités de ce quartier.

Malgré ces inconvénients, la bibliothèque de La Bastide est maintenant solidement implantée dans le quartier; elle groupe autour d'elle un important noyau de fidèles lecteurs.

Autant les débuts de la bibliothèque de La Bastide ont été difficiles, autant ceux de la bibliothèque de La Benauge ouverte le 1er septembre 1955 ont été rapides et prometteurs. Le succès initial remporté par la nouvelle bibliothèque s'explique par sa situation. Elle fait partie intégrante de la cité de La Benauge, vaste ensemble groupant plus de six cents logements construits au cours de ces dernières années et un important groupe scolaire. La population de cette cité, nouvelle venue dans le quartier, celle des quartiers environnants et même celle des communes suburbaines voisines de Lormont et de Floirac constituaient un public tout trouvé. Au 31 décembre 1955, c'est-à-dire après quatre mois seulement de fonctionnement, 634 lecteurs adultes avaient emprunté 9.492 ouvrages et 924 lecteurs enfants, 8.398 ouvrages. L'élan ainsi donné dès l'ouverture de la bibliothèque s'est accru pendant les premiers mois de l'année 1956, la prochaine extension de la cité de La Benauge dont le nombre des logements va être doublé au cours des années à venir ne fera qu'accroître ce mouvement.

Dans cet ensemble de la lecture publique bordelaise la Bibliothèque des jeunes occupe une place à part. Ouverte au mois de juillet 1949, elle a été installée au premier étage d'un élégant bâtiment du XVIIIe situé dans le jardin public au centre de la ville et à proximité du lycée Montesquieu et d'un important groupe scolaire. Cette situation privilégiée explique le succès très vif remporté par cette bibliothèque dès sa création. Le nombre d'enfants et d'adolescents (de 6 à 14 ans) abonnés à la bibliothèque et la fréquentant régulièrement se situe autour de 3.000. Si l'on compare ce chiffre à celui de la population scolaire de la ville de Bordeaux, il est aisé de se rendre compte que tous les enfants ne fréquentent pas la Bibliothèque des jeunes. L'existence de sections de prêt pour enfants dans les bibliothèques récemment ouvertes permet peu à peu de pallier cet inconvénient.

La plupart de ces bibliothèques sont de création trop récente pour qu'il soit possible de tirer de leur fonctionnement des enseignements généraux. Un certain nombre d'indications se dégagent cependant de l'étude des prêts de volumes.

Le nombre total des volumes constituant le fonds de ces bibliothèques s'élève à 62.000; qui se répartissent comme suit :
Livres pour adultes 2 : = 44.897 volumes.
Livres pour enfants :
Benauge : 1.410
Son-Tay : 1.145
Saint-Augustin : 878 = 17.248 volumes.
Claveau : 1.179
Quentin : 680
Jardin public : 11.956

La bibliothèque du cours Pasteur s'adresse avant tout à un public d'étudiants qui viennent y chercher des ouvrages de culture mais surtout de délassement et de distraction. En 1954, le prêt des romans a représenté 67,8 % de l'ensemble. Cette proportion qui peut paraître excessive représente cependant la plus faible moyenne de prêt de romans; à La Bastide, ce chiffre atteint 91,65 % et à Son-Tay, 79,9 %. Après les romans, viennent les livres de géographie, récits de voyages et d'exploration avec 9,90 % au cours Pasteur, 7,05 % à La Bastide et 10,09 % à Son-Tay; puis les ouvrages d'histoire avec respectivement 7,6 %, 1,86 % et 3,44 %. Les biographies avec 5,67 %, 1,06 % et 2,11 % sont très distancées. Les autres ouvrages des sections décimales n'entrent donc que pour une part assez réduite dans le chiffre des prêts.

Il existe donc pour les trois bibliothèques d'adultes qui étaient seules à fonctionner en 1954, à quelques variantes près, une proportion constante dans les catégories de livres les plus demandées.

Le nombre de volumes empruntés à la bibliothèque du cours Pasteur est passé de 43.559 à 75.502 en 1952; il est maintenant depuis trois ans stabilisé aux environs de 76.000 prêts (76.951, en 1953; 76.194, en 1954; 77.967 en 1955). D'une année à l'autre, la proportion des livres prêtés dans chaque catégorie pour un même mois reste à peu près constante. Si nous examinons le chiffre des livres prêtés pendant le mois de janvier entre 1950 et 1955, nous aboutissons au tableau suivant:

La courbe générale des prêts reste identique d'une année à l'autre, le maximum se situant en janvier-mars avec une légère baisse en février, la courbe commence à descendre à partir du mois d'avril (sauf en 1951), pour atteindre son point le plus bas au mois de juillet. Or la période avril-juillet correspond à la saison des examens. Pendant les quatre derniers mois de l'année, la courbe retrouve sensiblement le niveau atteint pendant les trois premiers mois. Deux périodes de pleine activité, l'une allant de janvier à mars, l'autre de septembre à décembre, sont donc séparées par une période moins active particulièrement marquée par la baisse du mois de juillet qui coïncide avec le départ en vacances des étudiants; pendant ce mois, le chiffre des prêts diminue de 50 % par rapport aux deux périodes de pointe.

A la bibliothèque de La Bastide, le nombre des volumes prêtés est paasé de 3.426 en 1948, année de sa création, à 18.200 en 1954 3. La courbe des prêts est quelque peu différente de celle observée à la bibliothèque du cours Pasteur, car la bibliothèque est fréquentée par une population sédentaire composée surtout de petits commerçants. L'activité est donc plus régulière pendant toute l'année, marquée seulement par une baisse sensible pendant les mois d'été (juillet et septembre) et par un maximum pendant les mois d'hiver, d'octobre à février.

La mise en place et le fonctionnement de ces neuf bibliothèques ont posé de délicats problèmes. Tous les efforts ont tendu à trouver une solution économisant les moyens matériels, tout en réalisant le meilleur rendement possible. La formule la plus simple et la moins coûteuse m'a paru être de centraliser à la Bibliothèque municipale de la rue Mably toutes les opérations préparatoires (inscription des ouvrages, rédaction des fiches de catalogue, équipement des ouvrages pour le prêt). Ainsi ont été évitées une dispersion des efforts et une absence de coordination qui n'auraient pas manqué de se produire si chaque section de prêt avait été chargée du catalogage des ouvrages constituant son fonds. Cette centralisation a permis d'assurer la réalisation de ces travaux préliminaires avec un personnel extrêmement réduit, puisque seul un commis municipal (indice 230) y est affecté, sous la direction et le contrôle du bibliothécaire en chef. Ainsi a été créée une centrale de prêt municipale conçue sur le même plan et selon les mêmes principes que la centrale de prêt départementale. La rue Mably joue le rôle moteur; c'est d'elle que part l'élan donné aux filiales.

En même temps a été créé un catalogue collectif des bibliothèques de prêt : à chaque bibliothèque est affecté un numéro d'ordre; ce numéro est répété sur la fiche auteur à côté du numéro d'inventaire. En se reportant à ce catalogue collectif, il est donc très aisé de savoir dans quelle bibliothèque se trouve tel ou tel ouvrage. Le jour où la bibliothèque centrale aura à sa disposition des moyens matériels plus importants, il sera possible de faire tourner une partie des ouvrages d'une bibliothèque à l'autre et de satisfaire plus rapidement, à l'aide d'une double liaison téléphonique et automobile, les desiderata des lecteurs.

Actuellement, chacune de ces sections de prêt possède un fonds fixe d'ouvrages alimenté régulièrement, chaque semaine, de nouveautés que les responsables viennent chercher rue Mably. Une fois par mois, un lot important d'ouvrages est apporté aux bibliothèques à l'aide d'une camionnette automobile mise à la disposition de la bibliothèque par la ville de Bordeaux.

Les fonds des huit bibliothèques de prêt ouvertes entre 1948 et 1955 ont tous été préparés à la centrale de prêt municipale. D'importants crédits municipaux auxquels se sont ajoutés des dons de livres consentis par le Direction des bibliothèques ont permis d'étaler sur plusieurs années l'achat des livres constituant le fonds primitif de ces diverses bibliothèques; ainsi, au moment de son ouverture, chaque bibliothèque a-t-elle pu disposer en moyenne de plus de deux mille volumes (adultes et enfants).

La solution adoptée, telle qu'elle vient d'être analysée, a donc permis de réaliser la préparation et le fonctionnement des bibliothèques de prêt avec des crédits de personnel extrêmement réduits. La même souci d'économie, dans la limite où il est compatible avec la bonne marche du service, a amené le recrutement d'employés payés à l'heure qui assurent le fonctionnement des bibliothèques de prêt à l'exclusion de celles du cours Pasteur et des jeunes qui disposent d'un personnel à plein temps. Etant donné que les ouvrages arrivent tout équipés dans chaque section de prêt, il a paru préférable d'ouvrir ces bibliothèques tous les jours plutôt que de recruter deux ou trois employés à plein temps qui auraient assuré le service de ces bibliothèques par roulement limitant ainsi les jours et les heures d'ouverture. Rationalisation du travail, économie de personnel, tels sont les principes qui ont été à la base de ces réalisations.

Les pages qui précèdent ont tenté de dégager les aspects caractéristiques de l'organisation de la lecture publique à Bordeaux. Lorsque les bibliothèques créées au cours de ces dernières années auront pris leur essor, il sera possible de pousser plus à fond l'analyse qui a été esquissée au cours de cet article. D'ores et déjà, avec ses neuf sections de prêt, la Bibliothèque municipale de Bordeaux étend son influence sur les principaux quartiers de la ville. Malgré ce bilan positif, bien des efforts restent encore à réaliser, de nouvelles bibliothèques devront être créées au cours des années à venir. L'administration municipale vient d'ailleurs de décider la création, vraisemblablement en 1958, de deux nouvelles bibliothèques de prêt, situées l'une avenue Charles-Martin, dans le quartier de Bacalan, l'autre dans la cité Carle-Vernet, en voie d'édification aux limites de Bordeaux et de Bègles. La prochaine mise en chantier dans le quartier nord de Bordeaux de la cité de Luze entraînera, elle aussi, dans les années à venir, la construction d'une douzième bibliothèque municipale de prêt dont le principe a été retenu par l'administration municipale.

Ainsi, peu à peu, se tisse sur la ville de Bordeaux un réseau de bibliothèques de prêt accessibles à tous ceux qui cherchent dans le livre un instrument de culture et de distractions.

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Tableau 1

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Tableau 2

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Tableau 3

  1. (retour)↑  R. Teulié. - La Bibliothèque populaire. (In : Bulletin de la Société des bibliophiles de Guyenne. 1931, pp. 30-31).
  2. (retour)↑  Voir p. 117 le tableau montrant la distribution des volumes dans les différentes sections du système décimal.
  3. (retour)↑  Les chiffres pour chaque année sont les suivants : 1948, 3.426; 1949, 4.466; 1950, 7.150; 1951, 11.689; 1952, 18.158; 1953, 17.318; 1954, 18.200; 1955, 20.194.